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Tirs sur le Shekel et riposte de la Banque d’Israël

Tirs sur le Shekel et riposte de la Banque d’Israël

Israël n’a rien vu venir, on le lui accorde, c’est une affaire de guerre, de terre et de frontières. Quant à la Banque centrale d’Israël, il y a lieu de dire que l’attaque concomitante à l’encontre de sa monnaie relève du prévisible. De provenance domestique, l’offensive fut immanquable, voire plausible, tant orchestrée par des dealers et des brokers dont le cours de vie dépend du cours de change. Et quand ce dernier est d’ores et déjà inscrit dans une tendance baissière et affiche une volatilité de plus en plus forte, quoi de plus probable que de rectifier le tir.

C’est une question de timing et d’argent. Le fait est qu’au lendemain de la déclaration de l’état de guerre par le Premier ministre israélien, les marchés financiers devaient s’acclimater à un sentiment de prudence quant à l’exposition aux actifs libellés en Shekel. Il s’agit vraisemblablement d’une aversion au risque pays, ou d’une volonté de fuir vers une zone de sécurité, et qui s’est manifestée par un achat massif de l’actif-refuge : le Dollar américain.  La Banque d’Israël, souhaitant avorter un éventuel mouvement de panique généralisée, riposte par l'annonce d’un gigantesque programme de vente de Dollars américains.

Une riposte que l’on peut qualifier d’inédite, de par son ampleur et sa teneur. Rappelons que le flottement est le régime de change officiellement (régime de jure) et effectivement (régime de facto) adopté par Israël depuis 1997. De ce fait, la valeur du Shekel exprimée en Dollar américain est le taux moyen des cotations bilatérales sur le marché interbancaire. Cette valeur reflète le taux de change représentatif et aucunement contraignant, dont dépend le taux du Shekel par rapport aux autres devises. Il n’en reste pas moins que la Banque d'Israël peut agir sur le marché des changes, et sa première intervention, depuis l’entrée en vigueur du régime flottant, date de mars 2008 à travers des opérations d’achats de devises.

Sachant que la cadence de ces achats s’est accentuée en 2020 et 2021, afin d’endiguer l’effet de la crise sanitaire et d'atténuer à une appréciation du Shekel qui serait nuisible aux exportations. Ce faisant, le stock des avoirs en réserves s’est chiffré à pas moins de 46% du PIB annuel israélien à fin 2021. Les temps ont changé depuis février 2022. Face à la montée des pressions inflationnistes, conjuguée à la dépréciation persistante du taux de change effectif du Shekel et à la baisse tendancielle des réserves extérieures, la Banque d’Israël s’est entièrement abstenue de tout achat de devises.

C’est dire qu’aujourd’hui, en actant un programme de vente de Dollars, non seulement elle envisage de retrouver sa posture interventionniste sur le marché des changes, mais surtout de substituer une position de vendeur à sa position habituelle d’acheteur. Le programme en question, tel qu’annoncé le lundi 9 octobre 2023, prévoit une vente de 30 milliards de Dollars américains. L’objectif serait, entre autres, de modérer la contribution d’un Shekel déprécié dans la transmission des tensions inflationnistes aux prix des biens échangeables. De plus, et en vue de lisser les fluctuations de la valeur du Shekel et réduire sa volatilité, des injections ponctuelles de liquidités sont à prévoir sous forme de SWAP de change portant sur un montant de 15 milliards de dollars.

Somme toute, la Banque centrale d’Israël, du haut de ses réserves à 199 milliards de dollars à fin septembre 2023, pointe un lance-roquette sur le marché des changes. Ceci en actant un programme de vente qui s’élève à un total de 45 milliards de dollars, soit plus de 20% de ses réserves de changes, ou l’équivalent de trois mois de paiements en compte courant. Israël a donc mobilisé son armée de réserve. Sauf que l’effet de l’annonce faite le 9 octobre peine à être palpable, car le lendemain, mardi 10 octobre 2023, le Shekel s’est déprécié à la contrevaleur de 3,95 unités pour un Dollar américain, soit son niveau le plus bas depuis février 2016. Les acteurs du marché virent-ils à la panique ? Peut-être. En tout cas, ce n’est guère une affaire de guerre, c’est une affaire de trend, d’une foule qu’on ne peut faire taire. 

 

 

Par Hachimi Alaoui Professeur d'économie monétaire et directeur d'équipe de recherche

 

 

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