Précipitations : Soulagement économique, mais fragilités inquiétantes

Précipitations : Soulagement économique, mais fragilités inquiétantes

Le relèvement du taux de remplissage des barrages offre un ballon d’oxygène à l’agriculture et à l’activité économique. La concentration des précipitations dans le temps renforce l’urgence d’une politique intégrée de gestion de l’eau, combinant sécurisation des ressources et prévention des risques climatiques.

Le taux de remplissage des barrages avoisine désormais 33%. Ce chiffre donné par le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, résume à lui seul le léger mieux hydrique que connaît le Maroc en cette fin d’année. 


Entre le 12 et le 18 décembre, le taux de remplissage est passé précisément de 31,1% à 32,97%, avec des réserves d’eau qui dépassent 5,5 milliards de mètres cubes. A la même période de l’année dernière, ce taux n’était que de 28,7%. La progression est donc réelle, même si elle reste modeste au regard des besoins structurels du pays.

Depuis le 1er septembre et jusqu’au 18 décembre, les retenues d’eau ont atteint 768 millions de mètres cubes, dont 346 millions de mètres cubes engrangés sur les six derniers jours seulement. Cela montre à la fois l’intensité des précipitations et leur caractère concentré dans le temps. Il faut toutefois rappeler que ces apports restent inférieurs de 68% au taux annuel moyen des retenues, ce qui relativise l’enthousiasme. Par ailleurs, le Maroc a enregistré 51 mm de précipitations sur la même période, soit un déficit d’environ 27% par rapport à la moyenne normale, mais une amélioration de 3% par rapport à l’année précédente.

Ces données traduisent une réalité économique bien connue : l’agriculture reste extrêmement sensible aux aléas climatiques. Après plusieurs campagnes marquées par une sécheresse sévère, ces pluies apportent un soulagement certain au monde rural. Elles améliorent l’humidité des sols, soutiennent les cultures d’automne et permettent d’envisager une campagne céréalière moins catastrophique que les précédentes. Dans un pays où l’agriculture pèse encore lourdement sur la croissance et l’emploi, ces apports en eau peuvent avoir un effet d’entraînement sur l’activité économique globale, la consommation des ménages ruraux et certains segments de l’agro-industrie.

Des fragilités à corriger
Mais ce mieux hydrique ne saurait masquer les fragilités structurelles. D’abord parce que 33% de remplissage restent un niveau bas dans un contexte de stress hydrique chronique. Ensuite parce que la concentration des pluies sur des périodes très courtes accroît les risques d’inondations, de ruissellements violents et de pertes humaines et matérielles. Les événements récents l’ont rappelé de manière brutale.

A Safi notamment, les pluies intenses tombées en l’espace d’une heure ont provoqué un drame humain majeur, avec 37 morts, des dizaines de blessés et des quartiers entiers submergés. Dans un contexte de changement climatique, ces genres d’épisodes météorologiques ne sont plus exceptionnels, mais s’inscrivent dans une nouvelle normalité. D’où l’urgence de parer aux vulnérabilités accumulées, notamment les habitats précaires, les réseaux d’évacuation sous-dimensionnés, l’urbanisation rapide et parfois mal anticipée, ou encore les infrastructures vieillissantes ou mal entretenues.
C’est dire que les précipitations sont donc, d’un point de vue purement économique, une très bonne nouvelle, mais à condition qu’elles s’inscrivent dans une stratégie globale d’adaptation. 

Le Maroc investit déjà massivement dans les infrastructures hydriques, le dessalement, la réutilisation des eaux usées et la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable et agricole. Ces efforts doivent désormais être complétés par une politique tout aussi volontariste de prévention des risques climatiques, en milieu urbain comme rural.
Car dans une économie en quête de croissance plus robuste, plus inclusive et moins dépendante des chocs exogènes, l’eau reste à la fois un levier et une menace. Mal gérée, elle freine le développement et coûte des vies. Anticipée, maîtrisée et intégrée dans des infrastructures adaptées, elle peut devenir un facteur de stabilité économique et sociale. 

F. Ouriaghli

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