Pensé d'abord pour les investisseurs institutionnels, le marché naissant des OPCI est extrêmement surveillé par les régulateurs pour éviter toute erreur au démarrage.
Par A.H
Le potentiel des OPCI n'est plus à démontrer. Les enjeux sont importants et les risques cachés sont nombreux. L'immobilier professionnel et d'entreprises constitue le principal gisement de ce marché que les institutions financières, banques et investisseurs institutionnels, accueillent à bras ouverts.
Les premiers y voient une manière de liquéfier leur bilan et, les seconds, un support d'investissement nouveau et rémunérateur. Vu la taille des acteurs qui s'y intéressent, leur caractère systémique et les montants en jeu, les régulateurs du secteur financier, l'AMMC en tête, se montrent particulièrement regardants et méticuleux dans l'étude des dossiers.
Christophe Bachelet, Country Managing Partner chez le cabinet d'avocats international DLA Piper, fait le constat d'un régulateur «extrêmement présent», à l'occasion d'un séminaire sur les OPCI organisé par le cabinet immobilier Tarra Modus, entre autres évaluateur agréé d'actifs d'OPCI.
Christophe Bachelet, qui accompagne quelques dossiers de sociétés de gestion d'OPCI, témoigne : «L'AMMC est très regardante et s'intéresse à une foule de détails».
L'autorité de marché, tout en consultant les opérateurs dans une logique collaborative, se montre intransigeante dans les procédures. C'est ce qui explique, selon l'avocat, qu'un agrément de société de gestion prend 6 mois à 1 an, alors que monter une structure demande jusqu'à 18 mois de mobilisation. Ceci sans compter le temps nécessaire pour délivrer les agréments aux fonds.
Nawfal Bendefa, président de REIM Partners, société de gestion de Aradei Capital, abonde dans le même sens. Selon lui, sur la quarantaine de pays qui ont opérationnalisé les OPCI, quelques-uns ont connu des échecs à cause d'acteurs peu sérieux qui ont fait défaut et décrédibilisé le secteur.
Selon lui, s'assurer d'avoir des sociétés de gestion sérieuses et crédibles est un gage de réussite. L'AMMC et le ministère des Finances ont raison de scruter les opérateurs. Bendefa insiste sur le rôle de la formation pour valoriser l'immobilier d'entreprises, métier encore plus technique que le résidentiel. Il insiste également sur l'importance pour plusieurs acteurs d'atteindre une taille critique pour être capables de cimenter le marché et absorber les coûts de démarrage.
OPCI - OPCVM : des métiers différents
Nawfal Bendefa l’a répété sans cesse lors de ce séminaire : gérer un OPCI n'est pas le même métier que gérer un OPCVM. Il insiste sur la présence sur le terrain que doit assurer un gérant d'OPCI qui, selon la loi, est responsable des différents risques opérationnels des chantiers et biens immobiliers qu'il détient en portefeuille. Le gérant est également responsable de la collecte des loyers et de la valorisation de ses actifs.
On parle de gestion technique et locative des immeubles détenus par l’OPCI, en plus de la gestion financière classique qu'on retrouve chez un gérant d'OPCVM qui ne s'implique pas nécessairement dans la gestion opérationnelle des actifs qu'il détient en portefeuille. Le gérant d'OPCI doit aussi prospecter des capitaux, informer les porteurs de parts et respecter ses obligations de reporting.
Les mécanismes de souscription et de rachat sont en revanche comparables à ceux des OPCVM : les titres sont émis et remboursés à la demande des porteurs à la valeur liquidative. L’OPCI a l'obligation de racheter à tout moment les parts ou actions de l’investisseur, ce qui crée un risque important de liquidité en cas de rachat important.
Des garde-fous peuvent, cela dit, être mis en place, rassure Bendefa. Ceci pour permettre aux OPCI d’organiser leur liquidité et procéder, le cas échéant, à la cession d’un actif.
Il est ainsi important de prévoir des outils tels que les clauses de lock-up, avec l'instauration de périodes de suspension des rachats. Il s'agit concrètement de périodes durant lesquelles les porteurs ne peuvent demander le rachat de leurs actions ou parts d’OPCI. Même en dehors des périodes de lock-up, la société de gestion peut suspendre provisoirement les rachats si l’intérêt de l’ensemble des porteurs est mis en péril.
Etant donné le faible nombre d'acteurs capables de digérer de telles transactions, ce risque est important et nécessite des poches liquides importantes dans les OPCI et des porteurs de parts qualifiés, sérieux et engagés. Les professionnels présents au séminaire de Terra Modus s'accordent sur l'intérêt de verrouiller le marché et le garder entre les mains des institutionnels, dans un premier temps, pour le faire grandir.
Sursis fiscal temporaire pour les investisseurs
Le législateur a offert aux apporteurs d'actifs aux OPCI un sursis d'impôt, tient à préciser Chakib Zaari, expert-comptable du cabinet Majer. En effet, l’apport des actifs immobiliers à un OPCI entraîne, au niveau des investisseurs, la constatation d’une plus-value qui doit en principe être considérée comme un produit imposable.
Or, la Loi de Finances 2017 a fait sauter ce frein en permettant aux contribuables procédant à l’apport de biens à un OPCI de ne pas être imposés sur la plus-value réalisée, sous réserve du respect de quelques conditions, dont la temporalité : l’apport doit être effectué avant le 31 décembre 2020.
Zaari, rejoint dans sa réflexion par les autres professionnels, estime que les probabilités de prorogation de cette mesure dans la Loi de Finances 2021 sont importantes. Les autorités n'auront pas le choix, vu que beaucoup d'OPCI sont en pleine constitution et ne seront pas prêts en 2020.
Les sociétés de gestion prendront-elles le risque de jouer les prolongations ? Quoi qu'il en soit, signalons que l’entreprise qui respecte ces conditions bénéficie, au moment de la cession totale ou partielle des titres d’OPCI, d’une réduction d’IS de 50% sur la plus-value réalisée, ce qui entraîne son paiement au moment de la cession totale ou partielle des titres. Ceci même en vendant une seule part ! ◆
Foncières : L'impossible transformation !
Les interrogations des professionnels sont encore nombreuses. Certaines ont été largement médiatisées, comme le retard de publication du plan comptable de la profession, bien que son contenu soit connu (son principal apport est d'exclure l'amortissement des charges), ou encore le sort de la mesure dérogatoire temporaire citée plus haut et qui arrive à échéance en 2020.
Mais les discussions suscitées par le séminaire de Terra Modus ont fait émerger d'autres points d'interrogation que l'expert-comptable Chakib Zaari résume. Il cite par exemple l'incapacité pour des sociétés foncières fonctionnant et déjà structurées d'obtenir l'agrément en l'état.
En d'autres termes, elles ne peuvent se transformer en OPCI qu’en apportant leurs actifs immobiliers à une nouvelle société, ce qui constitue un processus long et coûteux. Cette mesure est justifiée par l'envie des régulateurs et de la DGI d'empêcher et d'éviter que des acteurs portant des passifs ou litiges antérieurs aillent sur ce marché. Une foncière ne peut donc pas devenir un OPCI en l'état. Une revue de la loi sur les OPCI où des mesures spécifiques doivent être introduites dans les prochaines Lois de Finances pour permettre cette transformation. Autrement, cela empêchera des acteurs structurés comme Aradei Capital et Immorente de se transformer s'ils le souhaitent.
Immorente part en éclaireur
Les professionnels reconnaissent à Immorente son caractère innovant et sa mission d'ambassadeur du secteur. Première foncière cotée en Bourse, la société respecte parfaitement les standards internationaux en termes de communication financière, de gestion et d'appel de fonds. Actuellement en pleine période d'augmentation de capital, la société gagne en taille, ce qui se traduit par une baisse de son ratio des frais de gestion et lui permet de tenir ses engagements de rendement.
Immorente donne de la visibilité au secteur de l'immobilier d'entreprises en étant cotée en Bourse. Fonctionnant sur les standards des REITs (sociétés immobilières cotées), le management a dû faire face aux préjugés du grand public en arrivant en Bourse en 2018 avec une présentation comptable différente (mettant en avant le cash et non le bénéfice comptable) et une organisation en mode société de gestion-fonds. Petit à petit, le grand public s'est familiarisé avec cette activité, ce qui lui permet aujourd'hui de solliciter le marché à nouveau. Mais un grand travail de pédagogie doit encore être mené pour faire encore plus connaître le secteur et ses avantages pour les épargnants.