Par B. Chaou
Faut-il toucher au ‘grisbi’ des ménages pour accompagner la relance économique ? Selon les experts, la réponse est oui ! Pour Idriss El Houari, docteur en sciences économiques, «l’épargne des Marocains est aujourd’hui sollicitée plus que jamais à contribuer de manière significative à la reprise économique, dans un contexte où les besoins de financement sont de plus en plus importants». L’argent des ménages serait donc l’un des principaux moteurs pour insuffler un élan à la croissance économique. Mais qu’en est-il vraiment des disponibilités en termes de liquidités ?
Selon les dernières statistiques monétaires de Bank Al-Maghrib, publiées février dernier, les comptes d’épargne atteignent un montant total de 170, 2 Mds de DH à fin janvier 2021, en hausse par rapport à une année auparavant où ils étaient de 167,65 Mds de DH. De leur côté, les dépôts à vue auprès des banques s’élèvent à 640 Mds de DH à fin janvier 2021, contre 575,6 Mds de DH une année plus tôt. Des matelas de liquidités qui semblent a priori assez suffisants pour encourager tant l’investissement que la consommation.
Néanmoins, ces chiffres ne reflètent pas la situation réelle du niveau d’épargne au Maroc, dans un contexte où le taux de bancarisation reste relativement faible. Ce qui laisse supposer qu’il y a encore beaucoup de «cash» qu’il faut pouvoir introduire au sein du circuit bancaire.
A ce titre, Idriss El Houari explique qu’«il est aussi question de soutenir davantage l’inclusion financière afin d’inciter plus de citoyens à ouvrir des comptes bancaires et élargir de ce fait l’épargne captée, pour ensuite, et pourquoi pas, les inciter à investir dans des produits financiers».
«Le volet éducation sera aussi un moyen et un enjeu majeur afin de faciliter l’adhésion de cette tranche de population, souvent sceptique vis-à-vis du circuit bancaire de manière générale», ajoute notre expert. Les différents dépôts des ménages ainsi que les placements dans les produits d’épargne sont sans nul doute des ressources qui pourraient être transformées en outils de financement, mais encore faut-il réussir à en faire un réel catalyseur de relance économique en les orientant par exemple vers des investissements productifs.
C’est dans ce cadre que l’Etat a envisagé l'émission d'un emprunt national, dans ce contexte marqué notamment par l’accroissement des besoins de financement de l'Etat. Au stade actuel, la réflexion sur la structuration de ce produit est toujours en cours et elle serait, selon les responsables, menée de manière concertée avec les principaux acteurs du marché, à savoir les banques, les sociétés de gestion, les sociétés de Bourse et la Bourse de Casablanca.
«Cette réflexion porte sur plusieurs aspects, dont notamment les caractéristiques du produit en termes de choix de la ou des maturités tenant compte de la préférence de la population cible, de la valeur unitaire qui doit être assez faible pour attirer différentes catégories de la population, du taux de rendement qui doit être attractif et d'incitations fiscales appropriées, sachant que la Loi des Finances 2021 a introduit une disposition défiscalisant les produits financiers perçus par les individus sur les emprunts d'Etat», avait expliqué Mohamed Benchaâboun, ministre de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'Administration, à Finances News Hebdo lors d’une récente interview.
En conclusion, il s’avère important de réinjecter l’épargne dormante dans le circuit économique à travers des mécanismes incitatifs dans lesquels l’Etat serait garante, comme cela pourrait être le cas pour le «projet» du fonds d’épargne nationale. Le défi sera également d’attirer les liquidités «non bancarisées» à travers l’appui de l’inclusion financière.