En gestation depuis environ 3 ans, le projet de fabrication des biosimilaires anticancéreux «made in Morocco» voit enfin le jour. C’est non sans fierté que Lamia Tazi, Directrice générale des laboratoires pharmaceutiques Sothema, a annoncé la commercialisation prochaine de ces médicaments.
«Ce projet est le couronnement de la forte volonté de Sothema de contribuer à la révolution du marché marocain du médicament, et ce depuis 1976», a-t-elle déclaré lors d’un point-presse. C’est en effet un grand pas dans l’histoire de l’industrie pharmaceutique marocaine qui vient d’être concrétisé suite à l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du ministère de la Santé.
Fruit d’un partenariat avec le laboratoire russe Biocad (spécialisé dans la fabrication des biosimilaires) signé le 14 mars 2016, en marge de la dernière visite royale en Russie, ce projet permettra ainsi au Maroc, non seulement de réduire ses importations en médicaments, mais de rendre l’accès plus facile aux biosimilaires.
Le Royaume passera ainsi d’un importateur distributeur de produits d’oncologie à un industriel fabricant, voire même un exportateur de biosimilaires.
L’enjeu est de taille sachant que chaque année environ 40.000 nouveaux cas de cancer sont détectés. Le plus alarmant, c’est le coût exorbitant de la prise en charge de cette maladie lourde, qui fait que bon nombre de cancéreux marocains ne bénéficient toujours pas de traitement. C’est pour plus d’équité et d’accessibilité aux soins que Sothema a milité pour faire aboutir ce projet d’envergure, précise le top management.
Pour réaliser ses ambitions, les laboratoires Sothema comptent investir 250 millions de DH pour la réalisation de ce projet, qui s’étalera sur 5 ans et sera réalisé en 3 phases. La première phase de fabrication a nécessité une enveloppe budgétaire de 67,9 millions de DH (36 MDH pour le matériel et 31,9 MDH concernent l’immatériel) pour l’aménagement de la ligne de production des deux premiers biosimilaires 100% marocains.
Il s’agit d’Ypeva (indiqué dans le traitement du cancer du sein, du col de l’utérus, de l’ovaire, du rein, du poumon) et de Zelva (indiqué dans le traitement des lymphomes non hodgkiniens et leucémie lymphoïde chronique).
Certes, le prix des médicaments n’a toujours pas été fixé par le ministère de la Santé comme le prévoit la loi. Cependant, il a été annoncé que le prix sera 30% moins cher que celui du marché, c’est-à-dire des médicaments importés.
Des visées sur l’Afrique
Les ambitions des laboratoires Sothema ne se limitent pas uniquement au marché marocain mais s’étendent à l’Afrique. Le groupe prévoit ainsi de réaliser un chiffre d’affaires de 187,9 MDH, dont 37,5 MDH à l’export à l’horizon 2020.
Ce projet qui créera à terme 100 emplois directs, s’inscrit parfaitement dans la volonté gouvernementale visant à assurer l’autosuffisance et à substituer la fabrication à l’importation en matière de médicaments.
Car en dépit de l’émergence remarquable de l’industrie pharmaceutique marocaine, force est de constater que le pays continue d’importer une grande partie de ses besoins en médicaments, particulièrement pour le traitement des pathologies lourdes. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la balance commerciale et plus encore sur l’accessibilité des Marocains aux soins.
Parmi les raisons du retard qu’a accusé le Maroc en matière de fabrication des médicaments de haute valeur ajoutée, notamment des biosimilaires, l’absence d’un cadre régulateur permettant le développement de ce type de médicaments. «Il a fallu environ 5 ans pour la mise en place d’un cadre réglementaire pour la fabrication des biosimilaires au Maroc, auquel nous y avons largement contribué», a souligné Lamia Tazi. En effet, après plusieurs années de vide juridique, le Maroc s’est enfin doté en 2015 d’un décret de loi permettant la fabrication des biosimilaires. Un texte de loi tant attendu par les laboratoires pharmaceutiques marocains, à l’instar de Sothema, pour ouvrir une ère nouvelle de cette industrie. ■
Lamia Tazi, Directrice générale des laboratoires pharmaceutiques Sothema :
«Sothema s’est toujours engagée à rendre les médicaments coûteux plus accessibles. Aujourd’hui, le Maroc s’est doté d’une large gamme de génériques chimiques de qualité. Ce qui n’est pas le cas des biotechnologiques, dont le monopole est détenu par les grandes multinationales. Pourtant, les biosimilaires sont l’avenir du traitement contre le cancer ainsi que d’autres pathologies lourdes.
Certes, la demande pour ces produits n’est pas très importante au Maroc à cause des prix. Toutefois, l’introduction des biosimilaires marocains à des prix plus accessibles fera sans aucun doute augmenter l’utilisation de ces médicaments à haute valeur ajoutée. C’est d’ailleurs la vision et l’objectif de Sothema».
* Un médicament biosimilaire est un médicament biologique (substance qui est produite à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant ou dérivé de ceux-ci) de référence qui a déjà été autorisée. Le principe de biosimilarité s’applique à tout médicament biologique. Ces médicaments moins chers que les princeps permettent un meilleur accès aux traitements, spécialement pour les affections de longue durée (cancer, diabète, maladie du sang, etc.).