Interview de Erwan Borhan Davoux, candidat aux élections législatives 9ème circonscription des Français de l’étranger (Maghreb et Afrique de l’Ouest). Engagé très jeune en politique derrière Jacques Chirac, Erwan Borhan Davoux a eu l’honneur de conseiller deux de ses anciens Premiers ministres, Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé. Gaulliste et chiraquien, il se présente comme candidat indépendant avec sa suppléante Ghania El Bahloul- Kempf, qui est franco-marocaine.
Finances News Hebdo: Vous vous présentez aux élections législatives anticipées 2024. Parlez-nous de votre candidature et du programme de votre formation politique.
Erwan Borhan Davoux: Votre question me permet d’emblée de dissiper des rumeurs malveillantes. Je suis un candidat indépendant et non dissident. En effet, être dissident signifie demander l’investiture d’un parti politique, ne pas l’obtenir et malgré tout, être candidat. Au contraire, j’ai refusé les approches officieuses de partis politiques dans lesquels je ne me reconnais pas ou plus. Je me suis engagé très jeune en politique derrière Jacques Chirac. J'ai eu l’honneur de conseiller deux de ses anciens Premiers ministres, Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé. Je suis dans une démarche d’authenticité et de sincérité. J’ai pris mes distances avec Les Républicains depuis la dérive vers l’extrême droite, alors même que ce parti soutient Macron à l’Assemblée Nationale. C’est incompréhensible et incohérent ! Je me présente avec la ligne politique qui est la mienne depuis ma prime jeunesse : gaulliste, chiraquien. Ma suppléante, Ghania El Bahloul- Kempf, est franco-marocaine. Le cœur de mon programme est l’enseignement français à l’étranger : maintenir une offre suffisante et de qualité à un coût raisonnable, alors que nous sommes de plus en plus concurrencés. L’actuel gouvernement a annoncé un gel de 10 milliards d'euros et l’action extérieure de l’Etat, donc l’enseignement français à l’étranger, est visée. Je veux aussi m’opposer à l’impôt universel proposé par Jean-Luc Mélenchon. C’est un impôt fondé sur la nationalité, qui contraindrait tous les Français qui vivent à l’étranger à payer leur impôt sur le revenu en France. Le leader de LFI entend dénoncer les conventions fiscales bilatérales pour y parvenir.
FNH : Dans quelles conditions politiques se déroulent ces élections en France ?
Le Président a choisi le délai minimum prévu par la Constitution (20 jours) afin de donner une prime aux sortants et tenter de limiter les dégâts. Cela ne permet pas une «vraie» campagne en France et encore moins à l’étranger dans des zones immenses, avec l’obtention tardive de la liste électorale consulaire.
FNH : Quelle lecture faites-vous de la montée de l’extrême droite en France et en Europe ?
Il existe une lame de fond qui voit les populistes prendre le pouvoir un peu partout. En France et ailleurs, le débat est polarisé sur l’immigration, la sécurité, l’identité nationale. Des thèmes habituels de l’extrême droite, mais repris désormais par les partis dits «républicains». La démagogie, jouer sur les peurs est bien facile et confortable intellectuellement, plus porteur électoralement, que de raisonner, discuter, remettre du lien. En France, nous avons bien peu d’hommes politiques à la hauteur, mais beaucoup de communicants peu cultivés, aux raisonnements simplistes, consistant à brosser l’électeur dans le sens du poil. La dignité du combat politique ne consiste pas à dire aux Français ce qu’ils veulent entendre, mais de tracer une voie et convaincre une majorité de Français, qu’il s’agit de la meilleure pour la France.
FNH : Comment qualifieriez-vous la décision du président Macron de dissoudre l’assemblée nationale ?
La décision est à la hauteur de la crise, mais elle intervient au pire moment. En effet, Emmanuel Macron a dirigé le pays pendant deux années alors qu’il ne disposait pas de majorité à l’Assemblée Nationale. C’est contraire à l’esprit des Institutions de la Vème République. L’impuissance politique, ces lois mal faites votées par des coalitions hétéroclites ont créé une grande confusion et une perte de repères. Je veux parler notamment de la «+"loi immigration" censurée par le Conseil Constitutionnel. Logiquement, cette situation a profité aux extrêmes de gauche et de droite. Emmanuel Macron porte une lourde responsabilité dans cette situation délétère.
FNH: Depuis la présidence Hollande, la France traverse une profonde crise politique, surtout avec l’affaiblissement de la gauche. Quelle diagnostic faites-vous aujourd’hui de la gauche en France?
François Hollande a précipité le déclin des socialistes. Il a porté son parti et son pays à l’abîme et prétend désormais en être le sauveur. Heureusement que le ridicule ne tue pas ! Pour contourner cette faiblesse structurelle, une coalition de bric et de broc a surgi, allant du Nouveau Parti Anticapitaliste à Raphaël Glucksmann. En réalité, ils ne sont d’accord sur rien. Ni sur Gaza, ni sur l’Ukraine, ni sur le nucléaire, ni sur l’OTAN, ni sur le modèle économique et social. J’estime que dans les situations de crise, il faut tenir la barre, être fidèle à soi-même plutôt que de s’accrocher à des postes ou places. Généralement, quand on vend son âme, on perd les élections.
FNH : Depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine et à Gaza, les principes de droit en France sont de plus en plus bafoués. Comment analysez-vous ces dérives?
C’est le conflit à Gaza qui a motivé mon retour en politique, il y a quelques mois. Il est fondateur pour moi. Je suis révolté par cette boucherie. Tous les principes civilisationnels ont été piétinés : égale valeur des vies humaines, dignité… Le droit international et le droit humanitaire ont été bafoués, alors que dans le même temps Emmanuel Macron se prévalait de ce même droit international pour soutenir massivement l’Ukraine. J’ai dénoncé avec la plus grande vigueur les suprémacistes qui gouvernent aujourd’hui Israël, les sionistes révisionnistes qui n’ont naturellement rien à voir avec le judaïsme. La diplomatie française sur cette question n’a pas été à la hauteur, passive et incohérente ! Elle n’a exercé aucune action efficace, se contentant d’appuyer des initiatives prises par d’autres, n’a exercé aucune pression sur Netanyahou, pris aucune sanction, se contentant de communiqués restés lettre morte. Du temps de Jacques Chirac, la France avait une position équilibrée, conforme au droit international et aux valeurs que nous portons. Cette boucherie, ces 45 000 morts (avec tant d’enfants qui ont perdu la vie !) n'auront servi strictement à rien. Il n’y aucune solution militaire. La voie est nécessairement politique. Israël doit l’admettre. Une politique fondée sur le rapport de force et le fait accompli n’a aucun avenir. Elle prive les Palestiniens de leur droit à un Etat. Elle prive Israël de légitimité et le met en péril. Netanyahou a du sang arabe et juif sur les mains. Nous avons à faire, à mon sens, à l’un des plus grands criminels de guerre depuis des décennies.
FNH : Pensez-vous que la France s’achemine vers un prochain président d’extrême droite?
Toutes choses égales par ailleurs, je dirais oui. Soit le Rassemblement National l’emporte lors de ces élections législatives et nous entrerons en période de cohabitation, avec Jordan Bardella à Matignon et Emmanuel Macron à l’Elysée. Le Président a probablement songé à ce scenario qui lui permettrait de quitter l’Elysée un peu moins rejeté et impopulaire. Soit le RN n'emporte pas cette élection législative, mais alors Marine Le Pen aura un boulevard pour entrer à l’Elysée en 2027, puisqu’elle sera la dernière option non utilisée par les Français. Néanmoins, je suis gaulliste et ne m’y résigne pas. Chaque fois que l’on a cru la France en péril, une personnalité a surgi pour la remettre dans la bonne direction et lui faire retrouver sa grandeur.
Propos recueillis par
Abdelhak Najib