Avant même que SGTM ne sonne la cloche, le marché avait déjà rendu son verdict. La masse des ordres enregistrés pendant la période de souscription a suffi à installer l’opération dans une catégorie à part, celle des IPO qui débordent leur propre cadre et deviennent un indicateur de marché.
Par Y. Seddik
Les chiffres communiqués par la Bourse de Casablanca mardi dernier parlent d’eux-mêmes. Un total de 171 milliards de dirhams de demandes pour 5,04 milliards offerts, 34 fois l’offre et 171.377 souscripteurs mobilisés. Sur le plan technique, l’opération a atteint des niveaux de tension rarement observés : 408,8 millions d’actions demandées pour 12 millions attribuées, soit un taux de satisfaction global inférieur à 3%, selon les données détaillées par Ahmed Arharbi, directeur des opérations de marché.
La tranche Salariés a été servie intégralement dans les limites prévues, les autres catégories absorbant l’essentiel du déséquilibre. Pour les personnes physiques hors salariés, le taux de satisfaction s’est établi à 1,21%, ce qui confirme que la pression s’est concentrée là où la demande était la plus atomisée.
À l’issue de l’allocation, 55% des actions attribuées reviennent aux personnes physiques (dont 40% sont primo-investisseurs), contre 40% aux institutionnels. Le flottant se constitue ainsi autour d’investisseurs individuels, majoritairement âgés de 35 à 60 ans, avec des montants médians qui montrent une épargne structurée plutôt qu’opportuniste. Géographiquement, la région Casablanca-Settat concentre l’essentiel des allocations, suivie de Rabat-Salé-Kénitra et de Fès-Meknès. Toutes les régions sont représentées, mais le cœur du flottant reste clairement (et comme à l’accoutumée) urbain et financier.
Un signal de place plus qu’un effet dossier
Pour Mohamed Saad, Directeur général par intérim de la Bourse de Casablanca, le volume et la granularité des souscriptions confirment la capacité du marché à absorber des flux exceptionnels sans dysfonctionnement. Le nombre de souscripteurs, inédit à ce stade, traduit un retour massif des investisseurs individuels vers le marché primaire. Cette lecture est partagée par Brahim Benjelloun-Touimi, président du Conseil d’administration de la Bourse de Casablanca.
Selon lui, l’opération s’inscrit dans une dynamique désormais récurrente : les introductions récentes montrent une base d’investisseurs plus large et plus active, capable de soutenir des entreprises de taille significative. La diversité des profils mobilisés constitue, à ses yeux, un facteur de solidité pour la place. Pour Idriss Berrada, Directeur général d’Attijari Finances et conseiller de l’opération, la réussite de l’IPO tient d’abord à sa structuration. Le calibrage de l’offre et la segmentation en catégories d’ordres ont permis de canaliser une demande exceptionnelle dans un cadre maîtrisé. La compression des taux de satisfaction est présentée comme une conséquence mécanique d’un déséquilibre assumé, et non comme un défaut de conception.
Du côté de SGTM, Hamza Kabbaj, Directeur général, a surtout insisté sur le caractère collectif de l’opération en saluant le travail des équipes et des partenaires ayant accompagné l’introduction, ainsi que la confiance exprimée par les souscripteurs. Le dirigeant a rappelé que la cotation engage désormais le groupe dans un cadre de discipline et de transparence propres au marché coté, sans s’aventurer sur des annonces stratégiques.
Avec une capitalisation boursière de 25,2 milliards de dirhams, 60 millions d’actions et une admission directe au Marché Principal A, SGTM se positionne dès son premier jour parmi les grosses cylindrées de la cote (11ème capitalisation boursière du marché). Avec son ticker GTM, le dossier entre sans phase d’apprentissage, immédiatement exposé aux exigences de liquidité et de suivi du marché. Au final, l’introduction aura rempli son rôle : tester la profondeur du marché, élargir l’actionnariat et installer la valeur. La suite se jouera désormais sur écran, au rythme du titre, de sa liquidité et de la capacité de SGTM à tenir, dans la durée, les exigences d’un statut désormais public.