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Réforme de la compensation: le gouvernement a-t-il trouvé la bonne formule ?

Réforme de la compensation: le gouvernement a-t-il trouvé la bonne formule ?

Pour le gouvernement, le système actuel de compensation profite aux riches.

Prévue pour avril 2024, cette réforme représente un virage stratégique dans la gestion des finances publiques.

En 2026, le consommateur marocain devra payer 70 DH sa bonbonne de gaz.

 

Par Y. Seddik

Le Maroc se lance dans une réforme budgétaire majeure pour les années 2024-2026, avec comme objectifs de renforcer ses finances publiques et redéfinir ses politiques de compensation. Au cœur de cette initiative, la réforme progressive du régime de la compensation se présente comme le pivot essentiel de cette transformation. Bien qu’audacieuses, les ambitions gouvernementales sont claires : un déficit budgétaire cible de 4% en 2024, diminuant progressivement à 3,5% en 2025, puis à 3% en 2026, avec pour objectif de stabiliser la dette publique à 68,5% du PIB d'ici 2026, avant de la réduire davantage à près de 65% du PIB d'ici 2030. Lors de la présentation au Parlement des détails du programme d'aide sociale directe, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, avait levé le voile sur la date de lancement tant attendue de la réforme de la Caisse de compensation.

Prévue pour avril 2024, cette réforme représente un virage stratégique dans la gestion des finances publiques et permettra de dégager les marges budgétaires nécessaires au financement du programme des aides sociales. Akhannouch a souligné la nécessité de poursuivre le remaniement du système de compensation, initié en 2013 sous l'ère de Benkirane. Cela permettra non seulement de financer de nouveaux projets sociaux, notamment la généralisation de la protection sociale, mais également de soulager le budget de l'État, qui sera confronté à la double charge de l'aide sociale directe et du coût exorbitant du système de compensation.

«Le budget de l’État ne sera pas en mesure de financer l’aide sociale directe tout en supportant l’intégralité du coût du système de compensation», a souligné le Chef de gouvernement. À noter que la mise en œuvre du programme d’aide sociale directe nécessitera un budget global de 25 milliards de DH en 2024, qui sera porté à 29 Mds de DH par an en 2026. Bien que le gouvernement n'ait pas encore communiqué sur les niveaux de hausse qui seront appliqués au sucre et au blé tendre, les augmentations sur le gaz butane sont désormais connues. Ainsi, des hausses progressives du prix de la bonbonne de gaz de 12 kg sont attendues, passant de 40 à 50 dirhams en avril 2024, puis une hausse de 10 dirhams par an jusqu’en 2026. La bonbonne coûtera désormais 50 dirhams, et la différence entre ce montant et le prix réel, qui est actuellement d’environ 140 dirhams, soit 90 dirhams, continuera à être supportée par l’État.

En clair, le consommateur devra payer en 2026 sa bonbonne de gaz à 70 dirhams. Ceci offre un éclairage sur les ajustements tarifaires à venir ainsi que les marges que le gouvernement pourrait dégager. Akhannouch a aussi spécifié que, postérieurement à la troisième augmentation, l'État assumerait la différence de prix au sein de la caisse de compensation, en fonction des fluctuations du marché international. Ce redéploiement du mode opératoire de la Caisse représente un ajustement progressif, écartant ainsi toute notion de suppression brutale de la Caisse de compensation ou de libéralisation des prix, que les citoyens appréhendaient. 

Un bilan économique contrasté pour le système de compensation

Il faut dire que depuis la libéralisation des prix du carburant en 2015, la Caisse de compensation a pesé lourdement sur les finances de l'État, avec un coût estimé à près de 175 milliards de dirhams par Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget. Toutefois, le constat est saisissant : seulement 20% de cette somme ont bénéficié aux plus démunis, tandis que plus des deux tiers ont profité à des segments plus aisés de la population. Cette distribution inégale des subventions a donc remis en question l'efficacité des politiques de compensation en termes de redistribution des ressources. Lors de l’approbation par la Chambre des députés du projet de Loi de Finances 2024, Lekjaa a fait remarquer qu'au cours d'une période mensuelle, un citoyen défavorisé acquiert une seule bonbonne de gaz, tandis qu'un individu plus fortuné en achète six au même prix subventionné. Il a également assuré que le gouvernement maintiendra les subventions sur les autres produits, avec des prix plafonnés, ce qui limitera ainsi l'impact sur le pouvoir d'achat des citoyens.

Impact positif sur les dépenses publiques

Selon les projections du ministère des Finances pour la période 2024- 2026, cette réforme progressive de la Caisse de compensation aura des répercussions positives sur les dépenses publiques. La charge de compensation, qui s'élevait à 42 milliards de dirhams en 2022 (sur fond de hausse des prix énergétiques), devrait baisser de manière significative pour atteindre… 7,8 milliards de dirhams en 2026. Entre-temps, ces dépenses baisseront à 16,9 milliards de dirhams en 2024, puis à 11,5 milliards en 2025. Par ailleurs, le plan de consolidation budgétaire au Maroc pour la période 2024-2026, repose sur une croissance annuelle moyenne de 5,3% des recettes fiscales, tandis que les recettes non fiscales devraient connaître une hausse moyenne de 6,4%. Au cœur de cette stratégie, selon le document de la programmation budgétaire triennale (PBT), figure la mobilisation continue des ressources via des mécanismes de financement innovants avec un montant de 35 milliards de dirhams par an entre 2024 et 2026.

Côté dépenses, la PBT mise sur une maîtrise de leur évolution, avec un taux de croissance annuel moyen plafonné à 3,3%. Cette gestion prudente des dépenses repose sur plusieurs piliers, dont la réduction du poids des charges de personnel, passant de 10,6% du PIB en 2023 à 10% du PIB en 2026. L'optimisation des dépenses d'investissement autour des 6% du PIB d'ici 2026 sera soutenue par une intensification de l'utilisation du partenariat public-privé (PPP). L'effort structurel pour maîtriser les dépenses publiques s'étend également aux dépenses de fonctionnement, hors salaires, maintenues à 6% du PIB entre 2024 et 2026. La programmation triennale intègre également le redéploiement progressif des ressources allouées aux programmes sociaux actuels (Ramed, Tayssir,…) et à la compensation, en faveur du déploiement de la généralisation de la protection sociale dans le cadre non contributif.

Quant aux charges d'intérêts de la dette, bien que leur hausse soit prévue, leur niveau devrait rester sous contrôle, maintenu autour de 2,4% du PIB. Ce cadrage budgétaire à moyen terme devrait permettre également de donner une meilleure visibilité sur la situation et les perspectives des finances publiques et de renforcer la confiance et la qualité de crédit dont jouit notre pays auprès des partenaires et investisseurs nationaux et étrangers. En définitive, ces réformes économiques au Maroc dépeignent une stratégie prudente et progressive pour équilibrer les impératifs budgétaires, tout en préservant un filet de sécurité sociale. Les ajustements tarifaires, aujourd’hui nécessaires, reflètent une approche nuancée pour atténuer l'impact sur les citoyens (les plus démunis) et jeter les fondations d'une consolidation budgétaire à long terme. 

 

 

 

 

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