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«L’expert-comptable est l’allié privilégié du chef d’entreprise en période de crise»

«L’expert-comptable est l’allié privilégié du chef d’entreprise en période de crise»

- L’expert-comptable, en raison de sa mission permanente et de sa proximité avec l’entreprise, joue un rôle primordial dans le conseil et l’orientation.

- La crise sanitaire a mis en relief le rôle de l’expert-comptable en tant qu’organe d’accompagnement financier, mais également d’initiateur de transformation digitale des entreprises.

- Entretien avec Arji Abdelaziz, expert-comptable, auditeur commissaire aux comptes, fondateur du cabinet Eurodefi-Audit, président de la Commission appui aux entreprises de la CFCIM.


 

Finances News Hebdo : La crise actuelle a poussé plusieurs entreprises à revoir leurs stratégies pour bâtir des structures fonctionnelles durables afin de faire face aux nouveaux défis du marché. L'expert-comptable peut-il participer à cette conduite de changement ?

 

Arji Abdelaziz : La crise de la COVID-19 s’est avérée paradoxalement une opportunité qui s’est offerte aux décideurs pour faire une halte nécessaire afin de repenser toute la stratégie de l’entreprise.

Cette halte est pour tous les chefs d’entreprises psychologique d’abord. Elle a duré plusieurs semaines, le temps du confinement, pour réfléchir aux vraies valeurs. 

 

Mais, pour beaucoup, cette halte a été physique, puisque plusieurs organisations ont dû arrêter de travailler car elles n’avaient pas anticipé le télétravail. 

D’autres n’étaient pas au point en matière sécuritaire et ont été obligées de fermer en raison du risque sanitaire non maîtrisé. Certaines grandes entreprises ou administrations qu’on croyait invincibles ont dû s’agenouiller à cause de leur défaillance organisationnelle ou technologique face à la COVID-19.

 

Bien entendu, l’expert-comptable a été au départ spectateur de ces phénomènes inhabituels. 

Parmi ses clients, il a vu des unités de fabrication dont la chaine de production exige que tous les postes soient pourvus pour que les articles puissent être confectionnés et assemblés sans risque d’interruption.  

La notion de distanciation sociale n’était pas prévue dans le programme de mise en ligne.

Dans les centres d’appels, il n’avait jamais été question de télétravail. 

Les téléconseillers travaillent sur des postes fixes reliés physiquement à un serveur qui couple l’informatique à la téléphonie via un CRM sophistiqué, taillé pour gérer des centaines de téléconseillers et plusieurs milliers d’appels. 

Le jour où le confinement a été décrété, seuls les managers disposaient d’ordinateurs portables. 

Quant à la VOI-IP, il est interdit de l’utiliser sur des lignes internet domestiques, puisque l’ANRT interdit les communications internationales commerciales par Internet pour les non-détenteurs de licence SVA.

Quant aux hôtels, leur crainte suprême était une attaque terroriste qui, au pire des attentats, avait ralenti drastiquement le business. Mais un arrêt total et mondial, cela relève de la science-fiction.

 

Ce sont autant de phénomènes que l’expert-comptable a observés, mais le défi auquel il est confronté est d’utiliser son expérience variée en termes de métiers et d’entreprises et sa formation et culture pluridisciplinaire pour apporter un soutien efficace à ces entreprises qui sont le nerf de la guerre contre la pandémie.

 

Du fait de sa proximité avec les décisionnaires, l’expert-comptable s’est vite vu impliquer dans les décisions que doivent prendre ses clients.  

 

Cela commence par apporter une information fiable sur la situation économique internationale, nationale, puis sectorielle.  Pour les solutions, l’expert-comptable est un praticien qui privilégie l’implémentation des bonnes pratiques au lieu de bâtir des théories.

 

Il provoque une réunion de crise non sans avoir au préalable établi des supports permettant d’avoir une vision claire de la situation afin de prendre des décisions. 

Parmi ces outils, on peut citer :

  • Un panorama de la situation de la pandémie et ses conséquences sur l’environnement lointain de l’entreprise;

  • Un diagramme des contraintes immédiates que la pandémie pose pour l’entreprise. Ces contraintes sont d’ordre sanitaire, réglementaire, juridique, financier, logistique etc…

  • L’évolution des indicateurs économiques et financiers de l’entreprise sur les six derniers mois;

  • Une projection sur les 6 prochains mois en fonction des contraintes évoquées ci-dessus; l’une optimiste, et l’autre pessimiste.

 

C’est là le point de départ d’une nouvelle stratégie qui sera peaufinée au sein des instances de gouvernance de l’entreprise.



 

F. N. H. :  La numérisation des processus comptables joue un rôle majeur, surtout suite à l'accélération de la transformation digitale. L'expert-comptable est-il capable d'amener son client à acquérir une meilleure culture du numérique ? 

 

A. A. : Autant la transformation digitale était un effet de mode chez de nombreuses entreprises, autant pendant la crise elle s’est avérée une nécessité absolue pour assurer le fonctionnement de l’entreprise.

Les experts-comptables sont sans doute les professionnels qui ont cru très tôt aux bénéfices de la digitalisation. 

Pas un congrès de la profession n’a pas programmé un atelier traitant de la numérisation. 

Ces dernières années, il a été question de la transformation digitale et l’objectif ultime était le zéro papier.

Notre cabinet est en avant-garde par rapport à ce phénomène du fait de la jeunesse de nos associés et collaborateurs férus des nouvelles technologies, mais également notre positionnement depuis la fondation du cabinet EURODEFI-AUDIT en 2000 dans les «métiers mondiaux» du Maroc.

 

Par conséquent, nous avons toujours été le support des sociétés étrangères installées au Maroc, lesquelles sont exigeantes en termes de reportings financiers et de conseil.  

Il a fallu de ce fait mettre en place au sein du cabinet une organisation agile et à la pointe de la technologie.  

La numérisation et l’échange électronique des données est le seul moyen de répondre aux demandes des entreprises internationales dans des délais très serrés.  

Ainsi, pour établir un reporting financier à j+1, il faut avoir saisi la comptabilité et achevé la paie des salariés le 26 du mois. Restent les opérations d’inventaire qui sont provisionnées afin de sortir un livrable fiable et proche de la réalité.

Nous exploitons ensuite les données du reporting pour assurer le contrôle de gestion et budgétaire de nos clients.  

Pour cela une bonne connaissance du secteur et de l’entreprise sont indispensables.  

Avec les moyens technologiques, la distance devient superflue. Nous nous connectons aux serveurs de nos clients et vice -versa, de telle sorte que notre cabinet apparait dans l’organigramme du client comme un département indissociable de son l’organisation.

 

Si cette culture de la fraicheur de l’information nous a été imposée par les groupes internationaux, nous l’avons à notre tour imposée à tous nos clients. 

 Ainsi, tous les clients que nous accompagnons, grands ou petits, sont obligatoirement «abonnés» au reporting mensuel.  En fonction du l’activité et du secteur, un certain nombre d’indicateurs pertinents est livré avec les états financiers mensuels. 

Ces KPI (indicateurs clés de performance) sont très appréciés par nos clients. 

Ils reflètent non seulement leurs données propres, mais ils sont étayés par des «balises» que nous extrayons de nos bases de données sectorielles. 

Le client peut ainsi savoir s’il est dans la norme du marché par rapport à l’allocation des ressources, les prix de transfert et même sa rentabilité. 

Sans trahir le secret professionnel, lequel est le fonds de commerce de toute fiduciaire au sens noble, les indicateurs sectoriels sont indispensables au chef d’entreprise pour adapter sa stratégie au marché.

 

Ainsi, l’expert-comptable, en raison de sa mission permanente et de sa proximité au sein de l’entreprise, joue un rôle primordial dans le conseil et l’orientation de l’entreprise.

 

 

F. N. H. :  Sur quels autres chantiers peut-il intervenir ?  

 

A. A. : L’expert-comptable est à la fois un expert et un généraliste. 

Sa proximité avec toutes les fonctions de l’entreprise et sa formation qui est minimum de huit années après le baccalauréat touchant à plusieurs disciplines, lui permet d’assurer des réunions aussi bien avec les financiers qu’avec les commerciaux ou les techniciens de la production. 

 

Il n’est pas demandé à l’expert-comptable de suppléer aux décideurs, mais de leur fournir la matière pour décider.  

Aligner des chiffres est à la portée de tout comptable. Mais les «faire parler» est l’art avec lequel se distinguent les bons conseils.

Le bon conseil se reconnait quand il prend à contre-sens les idées conformistes. 

Les décideurs autour d’une table apprécient quand vous leur proposez une idée originale issue des bonnes pratiques observées dans différentes entreprises.  

 

A titre d’exemple, il nous est arrivé de déconseiller à une entreprise de contracter un crédit «Damane Oxygène» ou «Damane Relance» malgré l’accord de la banque. 

En effet, nous avons démontré que la reprise de l’activité ne pouvait pas permettre à l’entreprise de rembourser à court terme le crédit.

 

Nous avons accompagné un autre client pour ajouter à son activité le marché local, alors que depuis plusieurs années sa production était totalement dédiée à l’export.

 

Enfin, nous avons conseillé à un client jusqu’ici spécialisé dans le BTP privé, de racheter une société en difficultés afin de profiter de ses références des marchés publics et ainsi soumissionner aux appels d’offres publics.  

Nous lui avons cherché la cible et assuré tout le processus de rachat.

 

F. N. H. :  Afin d’espérer une relance pérenne, par quels moyens l'expert peut planifier et encadrer cette transformation d'entreprise ? 

 

A. A. : Beaucoup de gens croient qu’un business plan ne sert qu’au moment de la création d’une entreprise. 

Nous avons démontré lors de cette crise que le business plan est un outil de planification de crise indispensable.

 

Nous l’utilisons lors de cette période comme une feuille de route pour naviguer dans une zone de fort brouillard. 

Mais en raison de la prépondérance des incertitudes, il est illusoire de faire des projections au-delà d’une année pour la partie opérationnelle.

 

Nous essayons, pour ce faire, d’associer toutes les fonctions de l’entreprise.  

Plus l’étude est fouillée et bien conçue, plus précises seront les décisions et les résultats.

 

L’étude doit prendre en considération les spécificités du secteur. 

A titre d’exemple, notre assistance aux entreprises dans le secteur de l’offshoring a pris en compte les informations que nous avions pu avoir en avant-première selon lesquelles ce secteur n’allait pas arrêter son activité, contrairement à d’autres pays concurrents.

En revanche, nous savions que les mesures de distanciation allaient obliger les opérateurs à éliminer une position de travail sur deux.  

Il fallait donc budgéter les conséquences de cette décision administrative et de trouver des solutions de repli.

Certaines entreprises ont adopté le télétravail, car techniquement leurs outils le permettent. 

En revanche, quand certains sont obligés d’être reliés à des serveurs puissants et utiliser des CRM spécifiques, alors la location de nouveaux locaux s’impose.

 

 

 F. N. H. :   Peut-on in fine dire que la mission de l'expert-comptable est d'engager l'entreprise dans un processus d'amélioration permanent ? 

 

A. A. : La proximité de l’expert-comptable avec l’activité de ses clients l’érige en conseil privilégié du chef d’entreprise. 

Nos cabinets sont des laboratoires de l’innovation.  

Ce sont des écoles permanentes aussi bien pour nos collaborateurs que pour nous même les associés.  

En faisant appel à l’expert-comptable, le client s’attend à une prestation et des conseils à très forte valeur ajoutée. 

Nous combattons la médiocrité chez nous, mais également chez nos clients. Leur prospérité conditionne la nôtre.

 

Dès la naissance de l’idée de créer une entreprise, l’expert-comptable est présent pour aider l’investisseur à ne pas commettre les erreurs des novices. La société n’est pas créée que nous lui faisons déjà réfléchir sur la distribution des dividendes, le rapprochement avec des locomotives du secteur, d’où l’intérêt de bâtir sa société sur des bases solides, avec un système d’information auditable et pouvant faire face à toutes épreuves.

 

Vient ensuite le démarrage où le chef d’entreprise a besoin de conseils avisés pour pénétrer le marché, fixer le mode de rémunération de ses collaborateurs, choisir les modes d’acquisition et de financement de ses outils de travail. L’expert-comptable est encore une fois à ses côtés pour lui présenter les meilleures alternatives.

 

Pour réussir sa croissance et son développement, l’entreprise a besoin de s’allier à des partenaires. L’expert-comptable, encore une fois, est consulté pour accompagner les décideurs dans les fusions acquisitions.

 

Enfin, l’expert-comptable est sollicité par le chef d’entreprise pour transmettre son affaire.  

Le professionnel pour mener cette mission de bout en bout, depuis la recherche de l’acquéreur jusqu’à la conclusion de la transaction et la formalisation juridique.

 

 

Propos recueillis par Badr Chaou.

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