Face aux fintech, les grandes institutions financières sont passées d’une attitude de méfiance à une logique de collaboration.
Au Maroc, de grands groupes bancaires montrent la voie pour appréhender le phénomène fintech.
Par A.E
Le constat est unanime : de tous les secteurs susceptibles d’être digitalisés, le secteur financier est, de très loin, celui qui est en train d’être le plus bouleversé par les changements technologiques. Des acteurs bien établis se sont retrouvés bousculés, ces 5 dernières années, par des petits poucets, qui leur ont pris des parts de marché et qui poussent ces institutions financières classiques à se réinventer.
«Il existe aujourd’hui dans le monde 19 entreprises valorisées à plus d’1 milliard de dollars, alors qu’elles n’existaient pas il y a 6 ans, dont la plupart sont des fintech», indique Yassine Sekkat, Partner McKinsey & Compagny. Ce dernier s’exprimait à l’occasion du 5e meeting sur l’information financière, organisé par la Bourse de Casablanca, Maroclear et Finances News.
Des acteurs comme N26 ou Revolut en Europe, Ping’An en Asie ou encore M-Pesa en Afrique, qui n’existaient pas il y a 10 ans, proposent aujourd’hui une expérience client radicalement différente.
Le phénomène des fintech pose de grandes questions quasi-existentielles aux institutions financières, selon Romain Devai, Senior manager chez Ailancy, cabinet basé à Paris et Casabalanca : «Qui contrôlera la relation client ? Qui aura accès et contrôlera les données ? A qui faire confiance pour confier son argent ? Aux fintech, aux acteurs traditionnels ? A une alliance des deux» ?
Ce sont là les principaux enjeux du moment pour le secteur financier dans sa globalité.
Face à ces changements, les grandes institutions financières sont passées d’une attitude de méfiance à une logique de coopération avec les fintech.
«L’innovation dans le monde de la finance concerne essentiellement l’expérience de l’utilisateur, à savoir comment vendre des produits plus faciles à appréhender par le client, moins chers, plus transparents, et composer des parcours clients plus simples», explique R. Davai. Pour ce dernier, même les bigtech (Google, Amazon, Apple, etc.), véritables épouvantails pour les institutions financières, ne pourront se développer seuls dans les métiers de la finance et seront amenés à collaborer avec les acteurs dits traditionnels.
L’expérience BCP, un cas d’école au Maroc
Pour le Maroc, la voie de la collaboration entre les grands acteurs financiers et les jeunes talents est, semble-t-il, la plus indiquée. Le témoignage de Hassan Debbagh, DGA en charge de la Banque des particuliers et des professionnels au sein groupe Banque Centrale Populaire, a permis de se faire une idée précise de la manière dont une grande institution centenaire comme la BCP appréhende le phénomène fintech au Maroc.
«Nous avons démarré l’expérience fintech il y a de cela quelques années. Nous avons créé en 2014 une filiale en mode start-up appelée PCA, qui s’est spécialisée dans un premier temps dans tout ce qui est paiement électronique, monétique, canaux e-banking et m-banking. Très rapidement, nous avons pu déployer ces solutions dans toutes nos filiales», souligne le responsable.
Par la suite, en 2016, le groupe bancaire a démarré un projet stratégique de transformation digitale d’envergure. «Nous n’avons pas trouvé mieux que de loger notre digital factory au niveau même de notre start-up PCA», indique-t-il. Résultat: une dizaine de projets liés au digital aujourd’hui sont mis en place, portant sur la transformation des process en interne, les parcours clients…, développés par plus d’une centaine de jeunes.
«L’expérience est intéressante car je ne pense pas qu’on aurait pu, au sein de la banque, avoir l’agilité pour mener à bien ce travail de transformation», fait savoir H. Debbagh.
Outre l’exemple de PCA, la BCP a eu une deuxième expérience fintech, lorsqu’elle a fait l’acquisition en 2016 d’une structure innovante déjà existante, à savoir M2T, spécialiste de la gestion de transactions électroniques sécurisées.
Que ce soit la création de start-up en interne ou l’acquisition de fintech déjà existantes, la BCP montre, en quelque sorte, la voie pour une transformation digitale réussie. ◆