Après la pandémie, la guerre en Ukraine vient nourrir l’inflation et plomber la croissance.
Les pressions internes et externes vont dicter le cap monétaire de Bank Al-Maghrib en 2022.
Par Y. Seddik
Il y a des Conseils de Bank Al-Maghrib que l'on attend plus que d'autres. C'est particulièrement le cas pour ce premier de l’année 2022 qui démarre sens dessus dessous. En effet, à peine l’économie nationale a -t-elle sorti la tête de l’eau -soutenue entre autres par une politique monétaire accommandante -, que deux «personæ non gratæ», sécheresse et inflation, viennent assombrir les perspectives économiques et chahuter la reprise.
Poursuivre une politique accommodante ou refermer le robinet au risque de casser la croissance, c’est à ce dilemme économique imposé par la conjoncture que fait face la Banque centrale pour orienter sa stratégie monétaire en 2022. Le conflit en Ukraine qui, lui, fait planer un sérieux risque de stagflation, rend la tâche encore plus compliquée à l'institution. D’ailleurs, le FMI a recommandé aux autorités monétaires de «surveiller attentivement la répercussion de la hausse des prix internationaux sur l'inflation intérieure, afin de calibrer les réponses appropriées». Car si les effets de la crise à court terme sont inflationnistes, sur la croissance ils sont plus difficiles à cerner. Pour définir son cap monétaire mardi prochain, Bank Al-Maghrib dispose de nouvelles données macroéconomiques, notamment une inflation de 3,1% en janvier ainsi qu’un calcul des premiers effets (les plus prévisibles) du conflit russo-ukrainien sur la croissance.
À ce jour, les observateurs ne s'attendent pas à ce que la banque opte pour un durcissement monétaire. «Selon nous, Bank Al-Maghrib pourrait garder inchangée sa politique monétaire accommodante à travers un taux directeur stable à 1,5% en 2022. En effet, des politiques budgétaire et monétaire volontaristes demeurent toujours cruciales pour soutenir une croissance solide de l’économie marocaine, surtout durant une année agricole marquée par la sécheresse», écrivaient les économistes de Attijari Global Research (AGR) au début du mois. Pour AGR, le facteur qui pourrait justifier une éventuelle hausse du taux directeur de BAM concernerait une hausse non maîtrisable du niveau d’inflation.
Le Maroc est certes encore loin de cette configuration, mais n’est pas épargné d’un risque de dérapage inflationniste. Rappelons qu’avant les premières bombes, l’espoir de BAM était que le choc de l’inflation finisse par se dissiper de lui-même d’ici la fin de l’année, lorsque les prix de l’énergie se seront stabilisés. «Malgré ce net accroissement de sa composante fondamentale (inflation sous-jacente : ndlr), l’inflation devrait rester à des niveaux contenus, passant en moyenne de 0,7% en 2020 à 1,4% en 2021, à 2,1% en 2022, puis reculer à 1,4% en 2023», déclarait la banque en décembre.
Or, le contexte national et international évolue rapidement et la hausse des prix, dont le potentiel demeure imprévisible, a été exacerbée par le déclenchement de la guerre Russie/Ukraine. Au niveau de la croissance, les progrès enregistrés en matière de vaccination, le maintien des stimulus budgétaire et monétaire qui ont permis un rebond de 7,2% du PIB en 2021, ne sont plus de soutien à la reprise. Là aussi, BAM, qui tablait en décembre sur une consolidation du PIB à 2,9% en 2022 et à 3,4% en 2023, va sans doute revoir à la baisse ses projections. Certains analystes n’ont pas tardé à le faire. Ceux de BMCE Capital Global Research ont baissé leurs prévisions de croissance en 2022 de 2,9% à 1,8%.
Quoi qu’il en soit, l’inflation, la sécheresse et la guerre en Ukraine seront au cœur des décisions monétaires en 2022. Le flegme de Abdellatif Jouahri sera de nouveau mis à l'épreuve. Préférera-t-il tempérer en continuant à offrir un stimulus monétaire à la relance ? Ou choisira-t-il de resserrer la vis sous peine d’étouffer un rebond économique fragile après deux ans de pleine pandémie ? Verdict le 22 mars prochain.