En 2022, les banques ont accordé 504 milliards de DH de crédits aux entreprises, alors que les fonds d’investissement n’ont débloqué que 10 milliards de DH entre 2011 et 2021.
Par A. Diouf
Le système de financement des entreprises au Maroc a encore du mal à s’aligner sur le standard des économies modernes. En effet, le marché des capitaux ne parvient toujours pas à prendre les devants sur les crédits bancaires traditionnels. Et, malheureusement, cette situation risque de perdurer encore, puisque dans «l’essentiel des financements qui se font en faveur des entreprises marocaines aujourd’hui, l’écrasante majorité provient des banques», a notamment rappelé Mohamed El Kettani, vice-président du Groupement professionnel des banques du Maroc et PDG d’Attijariwafa bank, lors de sa participation au panel sur le «financement de l’investissement productif» organisé en marge de la 1ère édition de la journée nationale de l’industrie, tenue le 27 mars dernier à Casablanca. Pour illustrer son propos, El Kettani a révélé qu’«à fin décembre 2022, l’encours des crédits accordés aux entreprises a totalisé 504 milliards de dirhams (MMDH), en croissance de 12% par rapport à fin décembre 2021, en pleine période de crise, dont 100 Mds de DH de crédits à l’équipement».
Seulement 240 entreprises accompagnées en dix ans
En face, la contribution des fonds d’investissement est très, très limitée. Puisqu’entre 2011 et 2021, ces fonds ne sont parvenus à accompagner que 240 entreprises avec un cumul d’investissements de seulement 10 Mds de DH. C’est un gap gigantesque ! Que faut-il donc faire pour remédier à cette situation ? Selon El Kettani, il faut d’abord commencer par poser correctement le problème.
«On a toujours parlé de l’accès au financement comme un problème structurel. Mais le vrai problème, c’est plutôt l’insuffisance des fonds propres qui fait que souvent le niveau d’endettement dépasse les ratios raisonnables; et l’on se retrouve ainsi face à des difficultés», a-t-il expliqué. Maintenant, pour accompagner le secteur privé dont l’investissement devra représenter 2/3 de la FBCF (Formation brute de capital fixe) du Maroc en 2035, le vice-président du GPBM estime qu’il faut travailler sur plusieurs plans. Au niveau du secteur bancaire, il a été décidé, à travers plusieurs réunions tenues avec le bureau de la CGEM, de travailler main dans la main pour restructurer et étoffer les capacités financières des entreprises.
Et, à ce propos, «il y a une première bonne nouvelle : la charte de l’investissement apporte une solution à la problématique des fonds propres, parce que selon les territoires et selon un certain nombre de critères, la subvention de l’Etat peut aller jusqu’à 30%. Et c’est ce taux que demandent en général les banques comme fonds propres pour pouvoir financer un projet d’investissement et rendre le dossier bancable», relève El Kettani.
Deuxième bonne nouvelle : le Fonds Mohammed VI pour l’investissement sera mis en œuvre prochainement. Selon le patron d’Attijariwafa bank, ce sera un renfort bienvenu qui devrait insuffler une vraie dynamique vertueuse à l’investissement dans le pays. En effet, «à quatre, c’està-dire le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, les fonds de Private equity, les banques et Tamwilcom à travers la garantie, il y a vraiment moyen de donner la chance à plusieurs entreprises de réaliser leurs projets d’investissement», espère-t-il. Rappelons que le financement de l’économie par voie bancaire a terminé 2022 sur une croissance de 7,6%, avec un encours de 1.059 Mds de DH.
Et ce, après 3% en 2021 et 4,5% en 2020 où le crédit bancaire a été boosté par les efforts consentis pour renforcer le financement de l’économie en pleine crise liée à la pandémie Covid-19, via notamment les dispositifs de Damane Oxygène et Damane Relan ce. Signalons aussi que les dernières statistiques de Bank Al-Maghrib confirment les propos de Mohamed El Kettani. Elles montrent que le crédit bancaire a été tiré vers le haut par les comptes débiteurs et les crédits de trésorerie qui continuent d’afficher un rythme élevé. Au terme de 2022, ils se sont accrus de 16%, ce qui renseigne sur la montée des difficultés de trésorerie des entreprises.