Les fournitures scolaires n’échappent pas à la tendance haussière des prix observée depuis plusieurs mois au Maroc.
Tout juste rentrés des vacances d’été, les parents d’élèves devront faire face à une rentrée scolaire de plus en plus chère.
À peine les Marocains avaient-ils commencé à se remettre des difficultés engendrées par le Covid-19, qu’ils doivent désormais faire face à une pandémie que ni vaccins, ni mesures barrières ne pourront contenir : la cherté de la vie. Depuis plusieurs mois déjà, l’inflation pulvérise des records au Maroc. En juillet 2022, l’indice des prix à la consommation (IPC) a grimpé de 7,7% par rapport à la même période de l’année écoulée, conséquence de la hausse de l’indice des produits alimentaires de 12% et de celui des produits non alimentaires de 5%. Les pressions inflationnistes exacerbées par la guerre en Ukraine continuent de peser sur le niveau de vie des ménages. Les vacances d’été touchent à leur fin et la rentrée scolaire fixée pour le 5 septembre approche à grands pas. Un dur retour à la réalité pour les parents d’élèves qui doivent subir de lourdes charges pour cette nouvelle rentrée. Car oui, même la scolarité n’a pas été épargnée par la flambée des prix, et c’est avant tout dans les cartables des écoliers que l’inflation pointe son nez.
Quid des manuels scolaires ?
Trois mois avant la prochaine rentrée des classes, le gouvernement avait affirmé être en voie d’étudier une requête émanant des éditeurs qui, en raison de la hausse des coûts d’impression, demandent la révision des prix pour un total de 186 manuels scolaires dédiés au niveau primaire et collège. Une nouvelle qui a bien évidemment suscité l'inquiétude des familles, notamment les plus démunies. Quelques semaines plus tard, le verdict tombe : «les prix restent inchangés». C’est ce qu’a annoncé, le 18 août dernier, le ministère de l'Education nationale, du Préscolaire et des Sports, précisant qu’un soutien financier direct fixé à 25% sera accordé aux éditeurs des manuels scolaires destinés aux cycles d’enseignement primaire et collégial, produits au cours de l’année 2022. Une aide qui coûtera, par conséquent, à la caisse de compensation 105 millions de dirhams. Certes, cette décision va alléger la facture des parents, mais il ne faut surtout pas oublier que seule une catégorie de manuels est concernée; un détail qui échappe à plusieurs... «Les livres du cycle secondaire qualifiant, qui sont du coup plus nombreux, ne sont pas visés par cette décision. La compensation concerne uniquement les manuels scolaires ministériels du primaire et du collège, dont les prix se situeront exactement au même niveau de l’année dernière. Encore faut-il préciser que ces prix-là sont restés figés pendant près d’une vingtaine d’années, car depuis 2002, aucune révision n’a été faite.
Cette année, les éditeurs ont accepté de sacrifier une partie de l’augmentation du prix du papier parce qu’on nous a promis que l’année prochaine les prix seront révisés», précise Ahmed Filali Ansari, président de l’Association marocaine des éditeurs. Et de poursuivre : «L’opération de distribution des manuels par les libraires a été entamée depuis une dizaine de jours. Ça s'accélère de plus en plus, mais il y aura toujours des perturbations et des retards étant donné que le processus de négociation avec le ministère pour compenser l'augmentation du prix du papier a pris beaucoup de temps. Depuis décembre 2021 à ce jour, le prix du papier a augmenté de 120%, une situation délicate puisque le papier d’impression, qui est d’ailleurs totalement importé, constitue la pièce maîtresse de la fabrication du livre. Ce dernier s'accapare, à lui seul, près de 80% du coût d’impression des manuels scolaires».
Aïe, ça pique !
C'est donc inévitable, la rentrée scolaire 2022-2023 pèsera lourdement sur le budget des ménages marocains, notamment en raison de l’envolée des prix du fret et des matières premières qui composent non seulement les manuels mais l’ensemble des fournitures scolaires. Ces prochains jours, ce sera le grand rush sur les libraires et les vendeurs de toutes sortes de fournitures scolaires qui se disent touchés par la forte hausse des prix. «A l’instar des autres produits de consommation, les prix des fournitures scolaires vont crescendo. En ce moment, l’augmentation des prix oscille entre 40% et 100% pour la majorité des produits. A titre d’exemple, le prix de certains cahiers qui se vendaient auparavant à 4 dirhams, s’élève aujourd’hui à 8 dirhams, soit le double ! Les cahiers grand format de 192 pages, qui coûtaient 18 dirhams, sont désormais proposés à 23 dirhams. Le prix d’un tube de colle est passé de 11 à 15 dirhams. Et la liste est longue», constate Amine, gérant d’une papeterie à Casablanca. Et de surenchérir : «Pour ce qui est des manuels scolaires, plusieurs parents se trompent en pensant que la décision annoncée par le gouvernement touche la totalité des livres. En réalité, il n’en est rien. Le maintien des prix ne concerne que les manuels scolaires ministériels, ceux importés de l’étranger et qui sont souvent en usage dans les écoles privées ont connu une hausse des prix de 3 à 20 dirhams. Car si pour les premiers les prix sont régulés par le gouvernement, pour les seconds, la tarification est libre et l’Etat n’intervient pas».
Dans le même ordre d’idées, les vendeurs de cartables crient leur désarroi face à la flambée des prix accentuée par les nouvelles mesures imposées par l'Administration des douanes et impôts indirects (ADII). Dans une circulaire datant du 30 mai 2022, l’ADII soumet les cartables au contrôle conformément aux normes marocaines rendues d’application obligatoire. «Les prix des cartables scolaires varient cette année entre 150 et 400 dirhams, soit une hausse de 40% à 50% par rapport à la précédente rentrée. Ce qui nous inquiète le plus est que plusieurs cartables sont retenus au niveau de la Douane, suite à l'obligation de contrôle de conformité, ce qui perturbe l'approvisionnement du marché. Aujourd’hui, la demande dépasse largement l’offre, et si cette situation perdure, les prix continueront d'augmenter», déplore Mohamed, propriétaire d’un magasin de vente de cartables. Quant aux parents, plus particulièrement ceux ayant plus d’un enfant scolarisé, la flambée des prix les met sur la corde raide. Quel que soit le niveau des élèves, la liste des fournitures scolaires est de plus en plus longue. Inflation oblige, une fois en caisse, les chefs de famille se retrouvent avec des notes trop élevées. «Les achats de rentrée coûtent un bras cette année, c’est excessif. Auparavant, on trouvait des cartables de bonne qualité à moins de 200 dirhams; cette année il faut compter au moins 400 ! Nous sommes donc contraints de faire des sacrifices pour payer les études de nos enfants», s’emporte Amina, mère d’un collégien et d’une lycéenne. Une aubaine pour certains L’inflation se poursuit et frappe de plein fouet le pouvoir d’achat des consommateurs marocains, une situation qui, en quelque sorte, profite aux sociétés de crédit.
«La hausse des prix a impacté négativement le pouvoir d’achat des consommateurs qui se retrouvent dans l’obligation de changer leur mode de vie. Afin de couvrir les charges de la rentrée scolaire, certains creusent un trou pour boucher un autre en se retournant vers les crédits à la consommation; une occasion en or pour les sociétés de crédit», déplore Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC). Et d’ajouter : «Les dépenses des familles pour la rentrée des classes seront très lourdes cette année, d’autant plus que certaines écoles, notamment privées, ne cessent d'augmenter leurs tarifs et de multiplier les frais supplémentaires, tels que ceux de l’assurance qui sont normalement à la charge de l'établissement et non pas des parents. Face à tout cela, le gouvernement doit intervenir, et la solution idéale est de redorer le blason des établissements scolaires publics qui sont actuellement abandonnés et très mal dirigés», conclut-il.
Par M. Ait Ouaanna