Outsourcing: «Le Maroc ne doit pas se limiter à l'externalisation de services basiques»

Outsourcing: «Le Maroc ne doit pas se limiter à l'externalisation de services basiques»

Le secteur de l’outsourcing continue de prendre son envol au Maroc.

Toutefois, en dépit de son potentiel grandissant, le Royaume devrait multiplier ses champs d’action, notamment en misant sur des secteurs dits plus attractifs.

Entretien avec Sofiane Gadrim, directeur des nouvelles technologies (CTO) et cofondateur d’Atela, fintech spécialisée en trading algorithmique, blockchain et IA.

 

Propos recueillis par M. Boukhari

Finances News Hebdo : Le Maroc est classé 2ème en Afrique et 28ème à l’échelle mondiale parmi les 78 pays les plus attractifs pour les investissements dans l’outsourcing. Pouvez-vous nous dresser un état des lieux du secteur de l’externalisation actuellement ?

Sofiane Gadrim : Le Maroc, avec ses paysages époustouflants et sa riche culture, est également un acteur dynamique et en pleine ascension dans le monde de l'externalisation. Sa position de deuxième pays le plus attractif en Afrique et vingt-huitième à l'échelle mondiale pour l'externalisation témoigne de sa capacité à se réinventer et à s'adapter aux exigences du marché mondial. L'atout majeur du Maroc réside dans sa jeunesse. Plus de 50% de sa population ont moins de 25 ans, offrant ainsi une main-d'œuvre jeune, dynamique et adaptable. Les universités marocaines, mettant l'accent sur les compétences linguistiques et techniques, préparent ces jeunes à relever les défis du marché global. Cette main-d'œuvre qualifiée est un atout précieux dans un monde où la compétence technique et la flexibilité sont primordiales. La position géographique du Maroc est également un avantage considérable. Proche des capitales européennes, il sert de pont entre l'Europe et l'Afrique, bénéficiant de solides accords commerciaux et d'une infrastructure de communication de pointe. Cette proximité facilite les échanges et la collaboration à distance, rendant le Maroc attrayant pour les entreprises européennes et africaines. Sur le plan économique, le secteur de l'externalisation au Maroc connaît une croissance annuelle de 10%, surpassant la moyenne mondiale. Cependant, le Maroc fait face à une concurrence mondiale intense. Pour se démarquer, il doit continuer à innover et à développer ses capacités. Le défi est de maintenir cette croissance tout en assurant une répartition équitable des bénéfices pour éviter les déséquilibres sociaux et économiques.

En comparaison avec d'autres pays, le Maroc se distingue par sa stabilité politique et économique, un facteur clé pour les investisseurs étrangers. Par exemple, en Inde, leader mondial de l'externalisation, la main-d'œuvre est abondante et hautement qualifiée, mais le Maroc offre une alternative avec sa main-d'œuvre multilingue et sa proximité géographique avec l'Europe. De même, les Philippines, un autre acteur majeur de l'externalisation, se concentrent sur le marché anglophone, tandis que le Maroc peut cibler un marché plus diversifié grâce à sa maîtrise de plusieurs langues. En somme, le Maroc est un exemple inspirant de transformation et de prospérité dans l'ère de la mondialisation. Sa jeunesse énergique, sa position stratégique et son marché en pleine expansion font de lui un candidat idéal pour écrire les prochains chapitres de l'histoire de l'externalisation. Son parcours offre des leçons précieuses, et est une source d'inspiration pour de nombreux autres pays cherchant à se positionner sur le marché mondial de l'externalisation.

 

F.N.H. : Le gouvernement prévoit des investissements importants dans le secteur de l’externalisation pour créer environ 5.000 emplois d’ici fin 2026. Qu’en dites-vous ?

S. G. : L'annonce du gouvernement marocain concernant l'investissement dans le secteur de l'externalisation, avec l'objectif de créer environ 5.000 emplois d'ici fin 2026, est sans aucun doute une initiative louable et prometteuse. Il est essentiel d'adopter une vision à long terme et de réfléchir aux implications plus larges de cet investissement, notamment en termes de qualité et de diversité des emplois créés. Tout d'abord, il est crucial que le Maroc ne se limite pas à l'externalisation de services basiques, tels que les centres d'appels ou les tâches informatiques de faible valeur ajoutée. Bien que ces services soient importants, ils ne doivent pas constituer l'unique focus de notre stratégie d'externalisation. Il est impératif d'orienter une partie significative de cet investissement vers des domaines à haute valeur ajoutée, tels que l'intelligence artificielle, la blockchain, le cloud computing et le DevOps. En faisant cela, le Maroc pourrait non seulement renforcer sa position en tant que leader dans le domaine de l'externalisation, mais aussi devenir un pôle d'innovation et de développement technologique de premier plan. En outre, il est important de considérer l'externalisation au-delà du secteur informatique. Le Maroc a le potentiel de devenir un centre d'excellence dans des domaines variés, allant de la recherche pharmaceutique à l'ingénierie aérospatiale.

En diversifiant les secteurs d'externalisation, nous pouvons non seulement créer des emplois de meilleure qualité, mais aussi stimuler l'innovation et la créativité dans toute l'économie. Il est également essentiel de s'assurer que ces emplois soient durables et qu'ils contribuent à une croissance économique inclusive. Cela signifie investir dans la formation et le développement des compétences de la main-d'œuvre marocaine, en veillant à ce que les jeunes professionnels soient équipés pour s'adapter aux évolutions rapides du marché mondial. Les emplois créés doivent offrir des perspectives de carrière à long terme et contribuer à l'épanouissement personnel et professionnel des individus. Chez Atela, nous sommes particulièrement conscients de l'importance de cette approche. En travaillant avec des hedge funds internationaux et en développant des applications financières avancées, nous avons une vision claire de l'importance des compétences spécialisées et de la capacité d'innovation. Nous croyons fermement que le Maroc a le potentiel de devenir un acteur clé non seulement dans l'externalisation traditionnelle, mais aussi dans des domaines de pointe qui définiront l'avenir de l'économie mondiale. En conclusion, tout en saluant l'initiative du gouvernement, il est impératif de penser au-delà des chiffres. Les 5.000 emplois à créer doivent être le début d'une transformation plus large, où le Maroc se positionne comme un leader dans des domaines d'externalisation à haute valeur ajoutée, tout en assurant le développement durable et inclusif de son économie. C'est en adoptant cette vision à long terme que nous pourrons non seulement impressionner le monde, mais aussi créer un avenir prospère pour les générations à venir.

 

F.N.H. : Selon vous, quels sont les efforts à fournir par le Maroc afin d’accélérer la dynamique de croissance du secteur de l’outsourcing ?

S. G. : L'éducation est la clé, pour mettre en perspective l'importance de celle-ci dans ce contexte. Il faut savoir que le Maroc a augmenté son taux d'alphabétisation à près de 73,8% en 2018, tandis qu'en 2004, il était de 39%, selon la Banque mondiale. Cela reflète un investissement significatif dans l'éducation, mais il est crucial de continuer à orienter cet investissement vers des compétences spécifiques, telles que les technologies numériques et la maîtrise des langues étrangères par exemple, pour rester compétitif sur le marché mondial de l'outsourcing. En ce qui concerne le marché de l'outsourcing lui-même, il est intéressant de noter que le secteur des centres d'appels, l'un des segments les plus traditionnels de l'outsourcing, représente environ 60.000 emplois au Maroc. Cependant, pour transcender ce modèle et embrasser des domaines à plus forte valeur ajoutée, il est essentiel de diversifier. Par exemple, le marché mondial de l'intelligence artificielle, un secteur en pleine expansion, devrait atteindre 300 milliards de dollars d'ici 2026, selon l'International Data Corporation. Le Maroc, en investissant dans ces technologies de pointe, peut non seulement créer des emplois de qualité, mais aussi s'assurer une place de choix dans ce marché en croissance. Concernant l'impact social de l'outsourcing, comme je l'ai dit précédemment, et j'insiste sur ce point, il est crucial de créer des emplois qui offrent non seulement une stabilité économique, mais aussi un développement personnel et professionnel. Avec un taux de chômage des jeunes relativement élevé, il est impératif que les emplois créés dans le secteur de l'outsourcing offrent de réelles perspectives de carrière et contribuent à un développement socioéconomique équilibré. En résumé, le Maroc a déjà accompli des progrès notables dans le secteur de l'outsourcing, mais il reste un potentiel considérable à exploiter. En investissant dans l'éducation, en diversifiant les secteurs d'externalisation et en veillant à l'équilibre entre croissance économique et impact social, le Maroc peut non seulement renforcer sa position sur le marché mondial, mais aussi créer un avenir prospère et durable pour ses citoyens. 

 

 

 

 

 

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