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Fiscalité locale : nouvelles règles, nouveaux acteurs

Fiscalité locale : nouvelles règles, nouveaux acteurs

Révision des bases fiscales, redistribution des compétences, recentrage de la collecte : avec le projet de loi 14.25, le Maroc entame une réforme systémique de la fiscalité territoriale. L’objectif est de sécuriser les recettes des collectivités et améliorer leur efficacité budgétaire.

 

Par Y.Seddik

Pendant des années, un même terrain non bâti, situé dans une zone bien équipée ou en marge d’un réseau public, était soumis à la même taxation. Un percepteur communal pouvait traiter un dossier local tout en ignorant les procédures appliquées à deux arrondissements de là. La fiscalité locale fonctionnait, mais mal. Elle assurait des recettes, mais sans cohérence d’ensemble. Jusqu’à ce que le gouvernement décide de reprendre l’ensemble du dispositif à la racine.

Le projet de loi 14.25, adopté le 29 avril par la Chambre des conseillers, amorce une refonte du système en s’attaquant à ses angles morts : une assiette obsolète, des taux déconnectés du terrain et des circuits de recouvrement dispersés. Avec, en ligne de mire, l’objectif central de redonner aux collectivités une capacité fiscale lisible, stable et adaptée à la logique de régionalisation avancée. Premier levier : l’ajustement de la taxe sur les terrains non bâtis, désormais indexée sur le niveau d’équipement des zones.

Trois catégories sont définies, avec des barèmes allant de 0,5 à 30 dirhams le m2 selon l’accès aux réseaux d’infrastructure (eau, électricité, transport, etc.). La classification sera arrêtée par les conseils communaux, sous supervision du représentant de l’État. Un seuil minimal est également introduit : aucune taxe ne sera due si le montant est inférieur à 200 dirhams. Deuxième volet : la réorganisation des circuits de recouvrement. La Direction générale des impôts (DGI) prend la main sur trois taxes à fort rendement, à savoir la taxe d’habitation, la taxe professionnelle et la taxe pour services communaux.

Les autres relèveront de percepteurs communaux, nouvellement désignés par arrêté conjoint des ministères de l’Intérieur et des Finances. Le transfert des dossiers fiscaux depuis la Trésorerie générale doit être opéré dans les deux mois suivant la publication de la loi. Au-delà de ces mesures immédiates, le ministère de l’Intérieur travaille à un chantier plus large: la rédaction d’un Code de la fiscalité des collectivités territoriales. Sur le modèle du Code général des impôts, ce texte vise à unifier les règles actuellement éparpillées entre plusieurs textes, et à offrir un cadre cohérent pour l’ensemble des taxes, redevances et droits locaux.

Cette refonte s’appuie sur les orientations de la loi-cadre 69.19 sur la réforme fiscale, qui prévoit notamment de ramener le nombre de taxes locales (aujourd’hui 17) à un socle plus restreint, via des fusions entre taxes immobilières et économiques. La définition de certaines assiettes, comme la valeur locative, sera également revue, avec l’objectif affiché de limiter les distorsions entre territoires, tout en évitant une hausse brutale de la charge fiscale. Le projet prévoit en parallèle la création d’une administration fiscale régionale. Ce maillon territorial est censé accompagner les collectivités dans l’application des nouvelles règles, sécuriser les procédures et renforcer le suivi des recettes, dans une logique de montée en compétence locale.

Pour l’exécutif, il s’agit à la fois de doter les collectivités de ressources propres plus stables, et de mettre fin à une dépendance prolongée vis-à-vis du budget central. Si l’enjeu est budgétaire, il est aussi institutionnel. La réforme entend clarifier les responsabilités fiscales entre niveaux de pouvoir, condition nécessaire à la mise en œuvre effective de la régionalisation avancée.

Reste à traduire l’ambition législative en résultats concrets. La mise en place des nouveaux barèmes, le transfert des dossiers et la montée en charge des percepteurs communaux constitueront les premiers tests opérationnels d’un texte présenté comme une pierre angulaire de la modernisation fiscale territoriale. 

 

 

 

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