Moudawana: L’heure de la réforme a sonné

Moudawana: L’heure de la réforme a sonné

Dans son discours prononcé le 30 juillet dernier à l’occasion de la fête du Trône, le Roi Mohammed VI a prêté une attention particulière à la réforme du Code de la famille, relevant ainsi les lacunes qui entravent sa bonne mise en œuvre.

18 ans après sa promulgation, la Moudawana de 2004 ne fait plus l’unanimité, puisque plusieurs de ses dispositions sont jugées aujourd’hui désuètes et non adaptées au contexte actuel.

Entré en vigueur le 5 février 2004, le Code de la famille (la Moudawana) avait pour promesse ultime de mettre la société marocaine sur les rails de la modernité. Ce nou-veau code civil a été considé-ré comme étant une véritable avancée vers l’émancipa-tion de la femme marocaine notamment en plaçant les droits des deux sexes sur un même pied d’égalité. Ayant une influence décisive sur le quotidien de la vie familiale, ce code adopté à l’unanimité par les deux Chambres du parlement , a apporté un lot non négligeable de changements. Il s’agit entre autres, du pas-sage de l’âge minimum légal de mariage de 15 ans à 18 ans, la possibilité pour la femme de demander le divorce et l’assouplissement des conditions de demande de celui-ci, la responsabilité conjointe du père et de la mère au sein du foyer familial ou encore la soumission de la polygamie à des condi-tions strictes tout en restant permise.

 

Une réforme «dépassée» 

Perçue à l’époque telle une lueur d’espoir, la Moudawana suscite par les temps qui courent une avalanche de critiques. Pour cause, ce texte juridique est aujourd’hui jugé en deçà des aspirations des Marocains, faisant ainsi de la réforme une nécessité. En juin dernier, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, avait indiqué lors d’une séance plénière des questions orales au Parlement, que son département compte revoir ledit code, précisant que sa révision nécessite l’engagement de plusieurs parties concernées, surtout qu’il s'agit d’une affaire d’ordre religieux.

Les appels à la refonte de la Moudawana se font de plus en plus entendre et ne passent pas inaperçus. Le discours donné par le Roi Mohammed VI, le 30 juillet 2022, à l’occasion de la fête du Trône, en est la preuve tangible. Rappelant que le Code de la famille a représenté un véritable bond en avant, le Souverain a néanmoins affirmé que celui-ci «ne suffit plus en tant que tel». Et d’ajouter que : «L’expérience a en effet mis en évidence certains obstacles qui empêchent de parfaire la réforme initiée et d’atteindre les objectifs escomptés». Selon Talaâ Saoud Al Atlassi, écrivain-journaliste, «Sa Majesté le Roi a ouvert la possibilité de revoir le Code de la famille, en revisitant sa mise en œuvre, fidèle en cela à une approche consistant à interroger, au besoin, les processus, les outils et les mécanismes d’une quelconque pratique». Et de poursuivre que «la révision de la Moudawana constitue un prélude important pour un débat sociétal qui, loin des polarisations tranchées et des velléités autarciques, pourrait déboucher sur un Code de la famille bien meilleur, en phase avec le corps social et les cou-rants qui le traversent, sans confrontations, ni frictions, ni exclusions aucunes».

 

Les questions qui fâchent 

Aux yeux des associations qui plaident pour la réforme, plusieurs lacunes figurent dans la version actuelle du Code de la famille. Parmi tant d’autres, la loi relative à la polygamie fait débat. Si au début, les femmes avaient leur mot à dire concernant une seconde union de leurs époux, après plusieurs années de l’application du Code de la famille de 2004, elles ont vu ce privilège voler en éclats. 

Puisqu’aujourd’hui, le consentement de la première épouse n’est plus obligatoire. Retour donc à la case départ... Autre ombre au tableau : alors que le Code de la famille confère par défaut le droit de garde des enfants à la mère en cas de divorce, il ne lui revient de prendre la moindre déci-sion sans l’accord de son ex-mari du fait qu’il soit le tuteur légal des enfants; un avantage dont certains abusent pour exercer une pression sur leur ex-femme. Outre la polygamie et la garde des enfants, plusieurs failles de la Moudawana sont pointées du doigt. L’une qui est sans cesse remise sur le tapis, c’est le mariage des mineurs. Bien que le Code de la famille souligne clairement le passage de la capacité matrimoniale de 15 ans à 18 ans, une brèche législative accorde au juge de la famille le droit d’autoriser un mariage en dessous de l’âge légal. Les chiffres sont aujourd’hui alarmants. En 2020, 19.266 demandes de mariage de mineures ont été déposées au niveau des tribunaux marocains. Et plus de 13.000 dérogations ont été délivrées au cours de cette même année, d’après une étude présentée le 29 novembre 2021 par le ministère public. Face à ces multiples paradoxes dont hérite bon gré mal gré la Moudawana, le Roi Mohammed VI insiste sur «la nécessité que tous, unanimement, s’attachent à l’ap-plication pleine et judicieuse des dispositions légales du Code et de dépasser les défaillances et les aspects négatifs révélés par l’ex-périence menée sur le terrain et, le cas échéant, de refondre certaines dispositions qui ont été détournées de leur destination première». 

 

Pour cela, le Souverain appelle à ce que «les tribunaux de la famille soient généralisés à l’échelle des régions du pays, qu’ils soient dotés de ressources humaines qualifiées et que leur soient affectés les moyens matériels nécessaires à l’accomplissement efficace de leur mission». De toute évidence, une révision du Code de la famille requiert une convergence des forces. Dans une note rendue publique le 8 mars dernier, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) juge primordial de mener une réflexion collective, éclairée par le concours de l’expertise des instances compétentes en la matière, sur l’ensemble des questions liées au mariage, au divorce, à la suc-cession, à la filiation, au droit de garde des enfants et à la reconnaissance du travail domestique des femmes.

 

 

Par M. Ait Ouaanna & M. Boukhari

 

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