Disparités économiques et sociales: quelles issues pour le prochain gouvernement ?

Disparités économiques et sociales: quelles issues pour le prochain gouvernement ?

L’indice de Gini a atteint 44,4% contre 38,5% avant la crise sanitaire.

Certains économistes sont d’ores et déjà dubitatifs quant à la capacité du futur gouvernement à initier des mesures à même de désamorcer ce qu’il convient d’appeler une «bombe sociale».

 

Par M. Diao

 

L’un des plus grands défis pour tout gouvernement est de bâtir une politique économique inclusive à même de réduire substantiellement la pauvreté et, surtout, les inégalités économiques et sociales. La prévalence des disparités est une preuve évidente de l’échec d’une panoplie de politiques publiques relatives à plusieurs secteurs marchands et non marchands.

Le taux de chômage élevé des jeunes ainsi que celui des jeunes diplômés, couplés à certaines données révélées par les résultats de l’enquête portant sur l’évolution du niveau de vie des ménages et impact de la pandémie Covid-19 sur les inégalités sociales, publiés en mars 2021 par le HCP, montrent  quelque part qu’il existe au Maroc une véritable bombe sociale. Et c’est un euphémisme de dire que les actions du gouvernement sortant ont été timorées sur le front de la réduction des inégalités sociales, aux antipodes d’un Maroc émergent.

La question essentielle à se poser est de savoir si le futur attelage gouvernemental, dirigé par Aziz Akhannouch, sera en mesure de désamorcer la bombe sociale à combustion lente, concoctée par les disparités économiques et sociales  ? La réponse de l’économiste et professeur à l’INSEA de Rabat, Mehdi Lahlou, est pour le moins tranchée. «La prévalence des disparités économiques et sociales au Maroc n’est pas une fatalité. Celle-ci est la résultante de toutes les politiques économiques et sociales mises en place au cours des 10, 20 dernières années», analyse-t-il. Et d’ajouter : «Le capital privé a été privilégié au détriment du travail, l’économie au détriment du social (enseignement, santé, services publics de base). L’accent n’a pas été mis sur une fiscalité et une politique de redistribution marquées par la revalorisation des salaires au profit des classes moyenne et pauvre».

La rupture s’impose

Les résultats de l’enquête précitée du HCP font état d’une décélération de l’amélioration du niveau de vie entre 2013 et 2019 par rapport à la période 2006-2013. Concrètement, le niveau de vie a augmenté en dirham constant à un taux annuel de 2,7% entre 2013 et 2019 (contre 3,6% entre 2007 et 2014). L’autre donnée qui interpelle et corrobore de surcroit l’inconfort économique d’une large frange de la population, est que près de 66,1% des ménages ont un niveau de vie inférieur à la moyenne nationale.

Ce chiffre culmine à 79,6% en milieu rural en 2019. De plus, au niveau national, la moitié des ménages dépenserait moins de 67.500 DH par an, soit 5.625 DH par mois, d’après le HCP. La grande ampleur des disparités serait également confortée par le fait qu’entre autres, les 10% des personnes les plus aisées ont un niveau de vie supérieur à 37.631 DH et réalisent près de 30,9% des dépenses totales de consommation, alors que les 10% les plus modestes, avec un niveau de vie inférieur à 7.402 DH, n’en effectuent que 2,9%. «Le futur gouvernement dirigé par Aziz Akhannouch devra bâtir des politiques publiques contraires à celles qui ont prévalu jusque-là», préconise Mehdi Lahlou, tout en émettant des doutes quant à la capacité et la réelle volonté politique de la future majorité à changer d’approche.

Et ce, afin de résorber le fossé entre la classe riche et celle des moins nantis. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu’au niveau national, l’on recense certes un recul de la vulnérabilité économique entre 2013 et 2019 ainsi que la baisse de l’incidence de la pauvreté absolue (4,8% en 2013 et 1,7% en 2019). Toujours estil qu’avec la crise liée à la Covid-19, un terreau propice au chômage de masse, les inégalités sociales se seraient détériorées et auraient dépassé le seuil socialement intolérable (42%). L’indice de Gini a atteint 44,4% contre 38,5% avant la crise sanitaire.

Au final, si les promesses sociales du RNI ont séduit une partie de l’électorat, le financement de celles-ci laisse dubitatif notre interlocuteur. Ce dernier préfère plutôt parler de slogans en l’absence de propositions programmatiques pour le financement de la composante sociale du RNI, parti arrivé en tête des élections du 8 septembre 2021. 

 

 

 

 

 

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