Sans surprise, Bank Al-Maghrib a maintenu son taux directeur inchangé en juin, dans un contexte mondial marqué par les incertitudes et dans l'attente de la transmission des précédentes décisions. Mais la Banque centrale a sensiblement relevé ses prévisions de croissance et revu à la baisse ses prévisions d'inflation, dressant un tableau macroéconomique robuste, rarement vu ces 20 dernières années.
Par A. Hlimi
En mars dernier, le wali de Bank Al-Maghrib s'était montré particulièrement enthousiaste dans ses commentaires après avoir abaissé le taux directeur. Il indiquait que les données qui remontent du terrain, notamment sur l'inflation, offraient de la latitude à la Banque centrale pour donner un coup de pouce à l'économie et à l'investissement public sans créer de surchauffe sur les prix.
Abdellatif Jouahri faisait même remarquer que la croissance non agricole commençait à donner des signaux d'accélération et que les conditions de passage à un autre palier de croissance commençaient à se réunir. Trois mois et quelques précipitations plus tard, les données lui donnent raison.
Le 24 juin, devant la presse, il a présenté des projections particulièrement robustes sur le PIB. Selon lui, la croissance économique a atteint, selon les données des comptes nationaux annuels publiés par le HCP, 3,8% en 2024, un rythme bien plus rapide que ce que laissaient présager les données trimestrielles relatives à la même année. Et selon les projections actualisées de Bank Al-Maghrib, elle devrait connaitre une nette accélération cette année pour s’établir à 4,6%, puis se consoliderait à 4,4% en 2026.
Dans le détail, la valeur ajoutée agricole augmenterait de 5% en 2025, tenant compte d’une récolte céréalière estimée par le département de l’Agriculture à 44 millions de quintaux (MQx), puis de 3,2% en 2026, sous l’hypothèse d’une production céréalière moyenne de 50 MQx. Pour les secteurs non agricoles, à la faveur principalement d’une forte dynamique de l’investissement dans les infrastructures, leur croissance avoisinerait 4,5% en 2025 et en 2026. Selon Abdellatif Jouahri, on passe progressivement d'un palier de croissance entre 3 et 4% par an à un palier entre 4 et 5%, nous renvoyant à des niveaux d'avant la crise financière.
Et si les statistiques sur l'emploi ne reflètent pas encore cette accélération, c'est à cause du chômage dans le secteur agricole. A y regarder de plus près, l'économie marocaine a créé 282.000 postes au premier trimestre. Et hors agriculture, elle en a détruit 72.000, les services ont absorbé 216.000 nouveaux emplois, 83.000 dans l’industrie, et 52.000 dans le BTP. Le chômage reste certes élevé, mais les secteurs actifs retrouvent là aussi des niveaux de création d'emploi qu'on a plus revu depuis la crise financière, de quoi soutenir la consommation intérieure et alimenter un cercle vertueux de croissance.
Le tableau est d'autant plus positif que les prévisions d'inflation ont été revues à la baisse. Selon les projections de Bank Al-Maghrib, l’inflation terminerait l’année 2025 sur une moyenne autour de 1%, avant de s’accélérer à 1,8% en 2026, des niveaux en deçà de la cible de 2%. Par ailleurs, les anticipations d’inflation demeurent ancrées, les experts du secteur financier tablant, au deuxième trimestre 2025, sur des taux d’inflation de 2,3% en moyenne à l’horizon de 8 trimestres et de 2,5% à celui de 12 trimestres.