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Exposition: danse avec le papier

Exposition: danse avec le papier

La galerie Thema dévoile quelques œuvres inédites de Florence Arnold (Flo). Certaines en papier, d’autres sur papier. «D’un monde à l’autre», une expo qui donne chaud !

 

Par R. K. Houdaïfa

 

Voilà une œuvre qui, à première vue, mérite à peine un regard. Sublimement accrochées sur les cimaises de la galerie Thema, des cartographies froissées – comme si l’on n’avait plus besoin d’elles et attendent qu’on les jette à la poubelle. Alors, qui se permet et ose les clouer carrément aux murs ? C'est Flo. Elle crée d'étonnantes installations à partir de papier. Elle en inspecte cependant les qualités plastiques, les mouvements, les plis et les replis… pour tirer le meilleur parti de l'espace en le grignotant pour mettre en scène des formes aériennes et organiques.

«Ces formes n’ont aucune limite, elles se répandent comme un tracé de poudre, laissant apparaître un nuage sans explosion comme dans un rêve», nuance-t-elle. Le travail de cette artiste montre des créations qui posent un nouveau regard sur ce matériau soudain métamorphosé. L’air de rien, elle le dépiste, l’affleure pour le transformer en quelque chose assimilable à un nuage, voire une corolle, même. Et de là, l'on a envie de voir dans sa création, a priori anodines, une grande fleur : une pivoine, un œillet ou, mieux, un coquelicot… D’ailleurs, on peut également faire illusion à une vulve, carrément.

Des flots de papier mouvants et vibrant sous le frôlement de nos mains, car n’étant pas toujours emprisonnés dans une cage de plexiglas, jaillissent ainsi de ses œuvres. Nous sommes plongés dans un blanc tellement pur, d’une grande douceur, mais aussi d’une grande subtilité, qu’il projette le visiteur dans un univers lyrique, presque magique, à l'image de toutes ses créations. Aussi, avec une technique draconienne qui s’apparente au classicisme des peintres du XVIIIème et XIXème siècle, tels Nicolas Poussin et Jean Dominique Ingres, Flo (dont la première passion était la danse) sublime le corps – ces corps auxquels nous devons plaisirs et désirs.

Corps nus, jambes tantôt écartées, tantôt démultipliées, griffées parfois sous une vague de couleurs, apparitions de sexes mêlés, entremêlés, décuplés, greffés à d’autres membres que l’on ne saurait pas vraiment identifier... «Ce n’est pas le nu, la nudité, ni l’érotisme qui m’intéressent, mais une mise à nu émotionnelle servie par des corps humains, coquilles de nos émotions (…) Je mets le corps dans tous ses états», martèle-t-elle.

Errance

«Mon enfance m’a influencée dans ma recherche artistique, toujours en mouvement, changeant de pays, de maison, de culture. J’ai beaucoup appris des autres», raconte-t-elle. Née en 1975 à Schirmeck (Alsace/France), Flo a passé son enfance principalement en Afrique subsaharienne et du Nord. Elle fit ses premiers pas en Côte d'Ivoire, avant de bifurquer sur les pistes rouges de latérite du Cameroun. Elle a ensuite vécu à Alger et embrassé le grand Erg oriental. Puis, elle prit ses cliques et ses claques, mettant le cap vers la France pour bénéficier d’une formation artistique.

Destination : l’Académie des Arceaux, à Montpellier. Plus tard, elle (re)fixe les voiles et traverse l'océan pour séjourner aux Etats-Unis, où elle est membre de «The American Watercolor Society». «Ma vie est une histoire de terre et de rencontres; mon identité, "citoyenne du monde",» dit-elle. Après qu’elle s’est empiffrée gloutonnement d’art, elle revient s’installer sur «sa terre», même si elle se désigne «citoyenne du monde» : le Maroc. Elle s’est installée à Casablanca, il y a plus de vingt ans, où elle vit et travaille actuellement en ne se rassasiant jamais de créer.

«La motivation dans l’art, pour Flo, c’est l’amour : l’amour est le moteur de la vie» ! Son mode de création a connu une évolution constante et progressive. Du dessin, «trop bien fait», elle est passée de l’aquarelle à l’acrylique, puis à peindre sur des toiles et, maintenant, elle ne cesse de chercher, mélanger, faire danser et embrasser supports et matériaux… Ses compositions nous observent et confirment qu'il s'agit bien là d'une histoire : celle de l’artiste, la nôtre, la vôtre. Sans tralala ni fanfaronnade, Flo fait un artifice, une esthétique mettant en œuvre «les émotions, la sensibilité, la délicatesse, le romantisme, la beauté de l'amour et la tristesse», dit-elle. Ses œuvres, au sens profond, génèrent la paix, la pureté et la beauté. A voir absolument ! 

 

* «D’un monde à l’autre», jusqu’au 10 juillet, à la galerie d’art Thema, à Casablanca.

 

 

 

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