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Secteur automobile au Maroc/ Agilité et adaptation : Les leviers pour rebondir face à la crise

Secteur automobile au Maroc/ Agilité et adaptation : Les leviers pour rebondir face à la crise

Le marché automobile national est à la peine à cause de la crise sanitaire.

Le secteur a besoin aujourd’hui d’une stratégie industrielle rénovée, qui capitalise sur les acquis et permet d’accompagner les opérateurs dans leur course au changement.

 

Par Zineb El Andaloussi, enseignante-chercheure ENCG de Tanger

 

L'industrie automobile mondiale : La grande battue du Covid-19

La crise sanitaire du Covid-19 a gravement affecté l’économie mondiale, engendrant une chute drastique de la production et un effondrement du commerce international. 

L’industrie automobile a été frappée de plein fouet par la crise sanitaire. Les dégâts enregistrés jusque-là sont énormes : chez Renault par exemple, la baisse des ventes (de presque 26% au 1er trimestre 2020) a amené le groupe français à fermer son usine à Choisy-le-Roi et à supprimerprogressivement près de 4.600 emplois en France. 

Le japonais Nissan, voyant lui aussi ses pertes frôler les 5,7 milliards d’euros, a procédé à la fermeture de son usine emblématique à Barcelone, provoquant ainsi la suppression de 3.000 emplois directs et plus de 20.000 emplois indirects. Globalement, les scénarii pour l’industrie automobile restent sombres, du moment qu’il est difficile pour les cellules de crise et les comités de veille mis en place par les grands groupes de se prononcer sur la fin de crise et d’arrêter le bilan des pertes qu’elle a engendrées. 

Néanmoins, une réflexion profonde à la manière de renforcer la résilience des écosystèmes automobiles est à mener dans l’urgence, car une chose est sûre : la crise du Covid-19 n’est pas un événement isolé;d’autres chocs se produiront dans le futur et causeront certainement des disruptions plus fortes, voire même l’effondrement des chaînes de valeur les moins préparées à affronter l’imprévisible. 

 

Covid-19 siffle la fin de l’euphorie du champion national

Contributeur important à la création d’emploi et de richesses et champion à l’export, le secteur automobile s’est affirmé comme l’un des piliers de l’économie du Royaume. 

La filière n’a cessé de se développer depuis les années 2000, et ce en attirant de nouveaux investissements et en dégageant une croissance annuelle soutenue à deux chiffres. 

Cette dynamique se trouve aujourd’hui freinée par la crise pandémique, en témoignent les chiffres dévoilés par la fédération de l’automobile pour le mois d’avril : une baisse des ventes de véhicules neufs (-86%) et un quasi-arrêt de la machine exportatrice (-96%) sont à déplorer. 

Cet effondrement s’explique essentiellement par la réaction des filiales des deux groupes français installés au Maroc. 

En effet, pris par le choc suite à la chute brusque de la demande étrangère, au confinement des clients, à la fermeture des concessionnaires, à l’obligation de réduire les effectifs pour protéger les salariés et aux difficultés de s’approvisionner en intrants (venant essentiellement de Chine), Renault et PSA ont dû suspendre leurs activités pendant plusieurs semaines avant de décider un redémarrage progressif et partiel de la production. 

Un coup d’arrêt brutal qui n’est pas exempt d’impact sur le secteur, dont les objectifs se trouvent désormais compromis (une capacité de production annuelle de 1 million de véhicules et un chiffre d’affaires à l’export de 100 milliards de dirhams d’ici 2022). 

La Covid-19 marquera certainement la fin de l’euphorie du grand champion national.

 

Une crise qui s’est installée bien avant la Covid-19

Les difficultés rencontrées par PSA et Renault se sont rapidement propagées à leurs partenaires se situant à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Il s’agit de grandes entreprises fournisseurs de rang1,mais aussi d’une myriade d’équipementiers de taille intermédiaire, de sous-traitants, de prestataires et de sociétés de services dont l’activité dépend directement ou indirectement de celle des deux grands donneurs d’ordre.

Pour ces maillons faibles des chaînes de valeur, le défaut de trésorerie constitue une menace majeure et le risque de faillite se profile actuellement à l’horizon.

Il est utile de signaler que Covid-19 n’a fait que dévoiler les fragilités d’une industriemondiale victime de ses propres ambitions.En effet, la stratégie de la course aux volumes pratiquée par les constructeurs automobiles s’est traduite par des surcapacités de production, par des coûts fixes très importants et par une dégradation de la rentabilité. 

Covid-19 n’a fait aussi que jeter de la lumière sur les multiples contraintes auxquelles s’expose aujourd’hui l’industrie, notamment le durcissement des normes environnementales, qui implique la nécessité d’engager des investissements colossaux pour financer le virage technologique (passage à l’électrique et à l’hybride).

 

Équipementiers : Des décisions qui se prennent hors des frontières

Pour la filière automobile marocaine, la capacité de résistance des équipementiers dépendra largement de la résilience des donneurs d’ordre, de leur capacité financière, des choix stratégiques qu’ils vont privilégier dans les jours à venir et des plansde relance mis en place par leur État. 

Selon les experts, l’après-Covid-19 sera marqué par la tendance à la relocalisation et au rapatriement de la production, mais aussi par des rapprochements entre constructeurs. 

L’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors en est un exemple édifiant. Ce type de rapprochements traduit la volonté de ces groupes de réduire les coûts et d’améliorer la rentabilité à travers le renforcement de la standardisation et une meilleure répartition des responsabilités sur plusieurs technologies et sur plusieurs zones géographiques. 

 

Agilité et adaptation au risque d’échapper aux radars

Les équipementiers ne doivent pas se contenter du rôle de simples spectateurs. Il est grand temps qu’ils mènent des discussions de fond sur la manière d’anticiper le changement et d’être plus agiles.  Le manque d’agilité risque de lespriver de leurs donneurs d’ordre actuels et de compromettre leur capacité à attirer de nouveaux clients. 

Les équipementiers sont appelés aujourd’hui à trouver les moyens de sortir de la crise avec le minimum de dégâts possibles. Toutefois, réussir à lever des fonds pour financer le besoin en fonds de roulement et pour s’assurer une bouffée d’oxygène qui leur permettra de survivre n’est pas un vrai enjeu. 

Le défi majeur est d’être capable de s’adapter en permanence aux changements et aux mutations profondes qui caractériseront l’industrie automobile dans les mois et les années qui viennent. 

La résilience des équipementiers dépendra alors d’une refonte totale des paradigmes et de l’état d’esprit qui règnent au sein de l’écosystème. 

Elle dépend aussi de l’effort d’investissement à déployer dans l’urgence pour financer l’accélération technologique et la transformation digitale.

 

Un simple plan de relance ou une politique industrielle rénovée ?

Le secteur a besoin aujourd’hui d’un plan de relance, c’est sûr ! Toutefois, le risque est de prendre des mesures dans l’urgence en l’absence d’une vision globale et d’un cadre intégré. 

Le secteur a besoin aujourd’hui d’une stratégie industrielle rénovée, qui capitalise sur les acquis et permet d’accompagner les opérateurs dans leur course au changement. 

La version rénovée de cette politique devra garantir aux opérateurs du secteur des moyens de financement adaptés, une meilleure protection de la production localeet une fiscalité allégée. 

Elle doit également permettre la promotion de la recherche et de l’innovation dans le domaine et une meilleure adéquation entre les formations et les besoins évolutifs de l’écosystème automobile.

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