Le changement climatique modifie rapidement et potentiellement de manière irréversible notre planète. La meilleure façon d'éviter une catastrophe est de réduire les émissions de carbone, le principal moteur du réchauffement climatique. Alors que chaque secteur doit jouer son rôle dans la réduction de l'empreinte carbone, le secteur de la santé est particulièrement important car il contribue à environ 4 à 6% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il est impératif de réduire de toute urgence l'empreinte carbone des soins de santé.
L’hémodialyse : situation mondiale
L'insuffisance rénale chronique (IRC) est un fardeau important pour les patients et la société, elle est aussi une des maladies les plus coûteuses pour les systèmes de santé. Lorsque l’IRC atteint le stade terminal, la survie du patient dépend du recours à une méthode de suppléance comme la dialyse ou la transplantation rénale. L’hémodialyse a profondément amélioré le pronostic vital et la qualité de vie des patients atteints d’IRC. Du fait d’une incidence croissante de l’IRC, on estime que près de 5.000.000 de personnes seront dialysées d’ici 2030 à travers le monde. Elle représente la modalité la plus largement utilisée et concerne ainsi plus de 90% des patients dialysés. Au Maroc, près de 34.000 patients sont pris en charge par environ 424 structures de dialyse, à raison de trois séances de quatre heures par semaine.
Le profil environnemental de l’hémodialyse
L’hémodialyse permet l’épuration extra-rénale à travers une membrane de dialyse via un système de circulation extracorporelle. Elle repose sur le principe de la diffusion à travers une membrane semi perméable. L’hémodialyse est néanmoins associée à une consommation importante de ressources et à une empreinte environnementale majeure. Celle-ci revêt deux aspects en particulier, les émissions de GES d’une part, et l’exploitation de ressources en eau d’autre part. Les empreintes carbone de l'hémodialyse ont été reconnues comme particulièrement élevées, en raison de la forte consommation d'énergie, d'eau et de consommables, et du caractère répétitif des traitements de dialyse. L’hémodialyse est une procédure très consommatrice de ressources : Energie, consommables à usage unique (1,5 kg par séance, essentiellement de matière plastique) et une impressionnante quantité d’eau. Car pour obtenir, par osmose inverse, les 150 litres d’eau ultrapure nécessaire au fonctionnement de l’hémodialyseur, il faut au départ 400 litres d’eau potable. Le traitement d’un patient nécessite ainsi quelque 75 mètres cubes d’eau par an. Depuis quelque temps, la communauté́ des professionnels de la néphrologie se mobilise pour tenter d’améliorer cette situation et cherche des solutions.
Impact universel
Il est difficile de déterminer combien de patients sont sous hémodialyse dans le monde entier. Les estimations varient largement et toutes sont imprécises. Toutefois, il y aurait au moins 2 millions de patients, actuellement traités, dans le monde et si on multiplie ce chiffre par la moyenne de 156 séances par an (3 dialyses en moyenne par semaine), nous arrivons à 300 millions de séances de dialyse par an. Les 2 millions de patients, dialysés dans le monde, vont utiliser 156 milliards de litres d’eau (deux tiers de l’eau étant rejetés aux égouts), 1,62 milliard de kWh et générer 625.000 tonnes de déchets, soit environ 500 kg par patient et par an. L’estimation pour 2025 est de l’ordre de 4 millions de patients dialysés dans le monde. Ces chiffres représentent des défis très pertinents, non seulement pour les budgets de soins de santé, mais aussi par rapport à l'écologie de la planète, en raison de la grande nécessité d’eau, de puissance énergétique et la production de déchets.
Y a-t-il de l’espoir pour une dialyse verte ?
La thérapie de substitution rénale étant extrêmement énergivore, une réflexion doit être lancée sur plusieurs fronts :
• Travailler pour diminuer la consommation dans le domaine du traitement de l’eau ;
• Agir sur la consommation d’électricité pour la réduire ;
• Restreindre la production des déchets.
Le profil environnemental de l'hémodialyse peut être amélioré de plusieurs manières, telles que le recyclage des eaux de rejet de l'osmose inverse; l’utilisation de l'énergie renouvelable; l’amélioration de la gestion des déchets et potentiellement la réduction des débits de dialysat, ce qui peut en fait améliorer le rapport coût-efficacité et augmenter la productivité.
Ceci pour arriver à trouver des solutions pratiques, concrètes et applicables à court, moyen et long terme afin de faire face aux défis économiques et environnementaux de demain.
Le stress hydrique est déjà très dur dans beaucoup de régions du monde et représente un risque majeur de santé publique. Le secteur de la santé exerce aussi une pression importante sur l’environnement via des activités de soins émettrices de gaz à effet de serre, la consommation significative de ressources et la production importante de déchets. Penser la réduction de leur impact environnemental est un impératif auquel les professionnels de santé ne peuvent donc plus se soustraire.
Par le Professeur Amal Bourquia, néphrologie, dialyse et transplantation, experte en éthique et communication médicales, Health consulting, écrivaine, conférencière, présidente de l'association REINS, associationreins@gmail.com, www.amalbourquia.com