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Gouvernement : un nouvel élan en 2024 ?

Gouvernement : un nouvel élan en 2024 ?

Ce cabinet finit cette année 2023 sur une note d'optimisme : celle d'un accord sur le statut unifié de l’enseignant. Il avait bien besoin de cet acte tant il est vrai que ce dossier a été un exemple de mal gouvernance... Après quelque quatorze mois de consultations dès sa nomination à la tête du département de l'éducation en octobre 2021, Chakib Benmoussa avait fini par finaliser un accord avec les syndicats dits représentatifs le 14 janvier dernier. Ce texte a été adopté en Conseil de gouvernement et il avait été publié au bulletin officiel le 9 octobre 2023.

Inapplicable : il a été rejeté par les vingt deux Coordinations sectorielles ainsi que par la Fédération nationale de l'enseignement (FNE) lesquelles ont lancé une grève générale qui a duré pas moins de dix semaines à ce jour. Le Chef du gouvernement reprend alors le dossier et décide le «gel» du statut incriminé puis son abrogation ces jours-ci pour lui substituer un autre décret. La FEN a été adjointe aux quatre syndicats, ce qui a permis cette avancée et l'appel à la reprise des cours. 

Des questions se posent qui vont peser sur la méthodologie même du travail gouvernemental en 2024 et même au-delà : la démocratie participative et le dialogue social ne peuvent être directifs; le processus de concertation doit être porté et soutenu par le chef de l'exécutif et sa majorité. Enfin, l'écoute et la prise en compte de la véritable dimension des acteurs représentatifs au lieu de s'en tenir, par rigidité sans doute, à des syndicats décalés par rapport à la mobilisation et aux revendications de la base. Un mauvais point, donc...

Pour le reste, qu'en est-il ? Ce cabinet est aujourd'hui pratiquement à mi-mandat : il ne lui reste que deux années pleines (2024 et 2025) pour initier et poursuivre tant de réformes à l'ordre du jour. Il ne peut plus se défausser comme il l'a fait à la fin 2021 et en 2022 sur le bilan jugé négatif des dix ans de gestion PJD (2012/2021). Il se trouve en effet dans une autre équation : celle de son propre... ! bilan. Il est vrai qu'il n'a pas été aidé par des facteurs exogènes : conflit Ukraine / Russie depuis février 2022, renchérissement des prix des matières premières (blé, hydrocarbures,...) et des frais de logistique, agression à Gaza depuis le 7 octobre 2023, etc. A cela, il faut ajouter des facteurs endogènes : forte inflation, séisme d'Al Haouz du 8 septembre 2023,... Malgré des chocs récents, la résilience externe de l'économie a permis de faire face.

Le taux de change a vu la relative stabilité du Dirham; les réserves de change dépassent les 350 milliards de dirhams couvrant une couverture des importations pour six mois environ. La sortie du Trésor sur le marché international en février dernier a consolidé ce compte; la ligne de crédit modulable approuvée en avril 2023 par le FMI témoigne aussi de la crédibilité internationale du Royaume. Par-delà ce chiffre important, en tant que marge de précaution, elle est un sceau d'approbation de la solidité des politiques, des cadres institutionnels et des fondamentaux des pays qui y sont éligibles. Par ailleurs, l'attractivité des flux d'investissements directs étrangers (IDE) est davantage confortée. Le Maroc est bien placé au regard de l'attrait des entreprises transnationales pour le «nearshorting» visant le rapprochement de la production des marchés nationaux sur la base du raccourcissement des chaînes d'approvisionnement.

Surmonter les chocs récents

La tâche du gouvernement est de surmonter les effets des chocs récents sur les conditions de travail et de vie des Marocains. Si la résilience macroéconomique s'est améliorée, il reste la problématique d'une grande partie de la population tant dans le domaine social qu'économique. La stagnation voire même la détérioration sont les traits depuis la pandémie Covid-19. Le Maroc a certainement des avantages comparatifs, mais il faut en faire des leviers de développement et d'une prospérité mieux partagée. Le climat des affaires enregistre une certaine amélioration. Tel n'est pas le cas cependant des indicateurs de confiance des ménages lesquels ont chuté au cours du premier semestre 2023 (46,5 points) pour se situer à hauteur de 50 points pour le troisième trimestre. Les taux d'emploi des femmes et des jeunes sont préoccupants traduisant leur exclusion sociale. Globalement, les taux d'activité se situent à 43,2% au troisième trimestre 2023 et le taux de chômage s'est aggravé avec 13,5% alors qu'il était de 10% environ avant 2020.

Qu'en est-il des perspectives 2024 ? Le séisme d'Al Haouz a un coût financier, économique et social, mais sans conséquences macroéconomiques majeures à court terme. Un plan de reconstruction de 21 milliards de DH, soit 1,5% du PIB, a été adopté. Il pourrait améliorer la croissance et en même temps accentuer le déficit budgétaire. En 2023, les prévisions de croissance sont de 2,8% avec un chiffre de 3,1% en 2024. Bien modeste, il faut bien le dire.

Capacité réformatrice

Ce qui est en débat aujourd'hui c'est bien, aussi, la capacité du gouvernement à mener les réformes nécessaires d'ici la fin de sa mandature : certaines impliquent la mobilisation de ressources budgétaires et financières. Comment reconstituer une marge de manœuvre pour faire face à toutes les contraintes à venir. Le fonds spécial du compte Al Haouz doit arriver à boucler 20 milliards de DH à la fin de cette année 2023. Mais pour le reste qu'en est-il ? La politique de l'emprunt se développe avec le concours d'institutions internationales (Banque mondiale, BAD,...). Reste cette interrogation de principe de plus en plus pesante sur la soutenabilité de l'endettement. Le gouvernement revient souvent sur cette idée de «financements innovants» sans en expliquer vraiment la nature et la dimension : partenariat public/privé, mais comment ? Cession d'actifs d'État et d'administration couplée à des privatisations dont le programme n'est pas d'une grande précision ? Ce cabinet ira-t-il plus loin en s'attelant à une véritable réforme fiscale suivant les recommandations des Assises de la fiscalité de 2019 alors qu'il se limite à des mesures techniques (IS, IR,...) sans appréhender l'élargissement de l'assiette fiscale à des activités qui y échappent largement. Frilosité ? clientélisme ?

Pour une gouvernance plus efficiente

D'autres réformes, sans de grandes incidences financières, ne paraissent pas avancer : tant s'en faut. Rien de bien conséquent n'est en effet entrepris contre l'économie de rente; pas davantage sur la consolidation de la libre concurrence alors qu'il y a bien des «ententes» pas seulement dans le domaine des hydrocarbures sans oublier les caisses de retraite. Et puis, comment ne pas mesurer que la politique de financement et de crédit bancaire peine à s'impliquer dans le développement avec des modalités motivantes et attractives pour les jeunes entrepreneurs et tous les porteurs de projets. Pourquoi pas une banque publique d'investissement à laquelle le lobby bancaire actuel s'oppose depuis toujours pour préserver le confort d'un marché quasiment protégé sinon captif ? Le dernier volet regarde les réformes sociales et sociétales : le code du travail, le code pénal et le code de procédure pénale, l'accélération de la régionalisation.

En l'état, ce cabinet peut-il tenir jusqu'à 2026 ? L'idée d'un remaniement avance avec ce mi-mandat. Il y a là une fenêtre d'opportunité offerte par le congrès du PAM début février 2024 et celui du PI en avril. La structure du cabinet actuel sera-t-elle modifiée avec certains nouveaux profils ? En tout état de cause, un nouvel élan est à trouver avec une gouvernance plus efficiente que celle de ce mi-mandat...

 

 

Par Mustapha SEHIMI
Professeur de droit (UMV Rabat) 
Politologue

 

 

 

 

 

 

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