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Chronique. Solitude ou isolement

Chronique. Solitude ou isolement

Sommes-nous seuls ou sommes-nous juste isolés dans ce monde de plus en plus hostile et dénaturé ?

Pour une majorité écrasante d’humains, ce qu’ils pensent être la solitude n’est qu’un simple isolement au milieu de milliards d’autres entités humaines tout aussi isolées.

La solitude est un retrait mesuré au sein de la société. La solitude est un choix mûrement réfléchi de la part d’un être humain, qui a pris la pleine mesure du monde où il vit, qui en a expérimenté les multiples visages et les innombrables manifestations, et qui a pris une décision : être seul, commercer le minimum possible avec la cohue, se donner le temps de l’introspection, de la réflexion soutenue, du silence avec soi. L’isolé souffre quand le solitaire apprécie l’étendue de son univers où les interférences sont bannies.

Rien ne vient perturber la balade salutaire de celui qui a choisi d’être seul. Rien ne vient altérer l’humeur du solitaire qui jouit de chaque instant de son existence, avec le bon, le moins bon, le mauvais, le pire et l’intolérable. Car il connaît. Connaissant, il est dans l’amor fati, il est l’acceptation de tout ce qui vit et qui fait brûler en nous notre sève et notre essence : « Qu'est-ce que c'est que connaître ? -Ne pas rire, ni pleurer, ni détester, mais comprendre ! dit Spinoza, avec cette simplicité et cette élévation qui lui sont propres. » (Friedrich Nietzsche. Le Gai savoir).

Saisir toutes les fluctuations d’un monde qui fuit et sur lequel nous pouvons avoir un impact certain : celui d’être en règle avec soi-même. Il suffit d’en prendre la pleine connaissance en allant au fond de la question du pourquoi de la vie. Et quand on a répondu à cette question, peu importe les comment. «Qui se sait profond, s'efforce à la clarté : qui veut paraître profond aux yeux de la foule, s'efforce à l'obscurité. Car la foule tient pour profond tout ce dont elle ne peut voir le fond : elle a si peur de se noyer ! » (Friedrich Nietzsche. Le Gai savoir).

Celui qui a fait le chemin de la connaissance de soi, avec ses innombrables sinuosités et ses interminables virages, aspire à tous les abysses. Celui-ci veut plonger dans l’abîme. Il veut se fondre dans l’éclat du volcan. Celui-ci vit à même le cœur. Celui-ci ne connaît aucune surface. Chaque expérience devient un creuset qui finit dans l’éclat de la révélation à soi. On y puise la force pour cheminer avec la solitude, dans toutes les contrées inconnues.

Car justement c’est l’inconnu qui nous sert de lanterne luisant toujours, à la fois vers l’amont et vers l’aval. Vivre devient synonyme de découvrir. Vivre devient le corollaire de la prise de risque, de l’amour du danger. Vivre devient un défi face à la désespérance. «Principe des trop subtils. Plutôt marcher sur la pointe des pieds, qu'à quatre pattes ! Plutôt passer à travers le trou de la serrure, que par les portes ouvertes ! » (Friedrich Nietzsche. Le Gai savoir).

La subtilité face à superficialité d’un monde finissant est de revendiquer sa solitude dans ce qu’elle a de plus effrayant, un effroi salvateur qui nous maintient en éveil. Le danger véritable étant cette inclinaison à l’assoupissement symptomatique de cette époque dite moderne.

Le principe du sommeil qui annihile l’effort, qui détruit la volonté d’aller au bout de la peur pour la couper à la racine et en faire une compagne de chemin sur le long sentier de la découverte de soi, dans un monde qui s’ignore et qui a fait de l’obscurité un signal lumineux pour l’avenir.

 

 

 


 
Abdelhak Najib
Ecrivain-Journaliste

 

 

 

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