Plusieurs projets d’envergure sont en cours d’élaboration et de développement.
Le contexte actuel commande la production de l’ammoniac vert, de l’hydrogène vert et du méthanol.
Par M. Diao
L’année 2022 marquée par la guerre en Ukraine, qui a entre autres conséquences la surchauffe des prix des produits énergétiques, montre de façon plus prononcée l’impératif pour le Maroc de garantir son indépendance énergétique. Pour rappel, le Royaume, qui affiche un taux de dépendance énergétique particulièrement pénalisant pour le tissu industriel (supérieur à 90%), ambitionne de porter la part des énergies renouvelables à 52% à l’horizon 2030.
A côté de cet objectif, le Maroc mise également sur les molécules vertes, notamment l’hydrogène, l’ammoniac et le méthanol. Et ce, afin de consolider sa transition énergétique en contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en soutenant la décarbonation de pays partenaires, notamment européens. L’Union européenne s’est dotée d’un pacte vert, en l’occurrence le Green Deal European, approuvé en 2020 et dont le but primordial est de rendre à terme l’UE climatiquement neutre.
Le dessein national consistant à faire jouer au Royaume les premiers rôles en matière de production de molécules vertes, est conforté par l’élaboration de la feuille de route nationale de l’hydrogène vert. D’ailleurs, le World Energy Council (Conseil mondial de l'énergie) a identifié, dans le cadre de son étude «Feuille de route Power-to-X», le Maroc comme un des 6 pays à fort potentiel de production et d’exportation d’hydrogène et de dérivés verts.
A ce stade, la question incontournable est la suivante : le Royaume est-il sur le bon chemin pour concrétiser cette feuille de route selon le chronogramme défini ? En d’autres termes, les promesses de l’hydrogène vert seront-elles tenues à moyen et long terme ? Notons que les propriétés de l’hydrogène permettent différentes applications, selon le procédé de production. Par exemple, dans un réseau de gaz naturel, cet élément chimique mélangé au méthane permet de générer de la chaleur. Dans un véhicule, l’hydrogène est susceptible d’être source d’énergie pour une motorisation électrique (l’électricité est produite par une pile à combustible intégrée dans le véhicule) ou thermique (combustion directe de l’hydrogène). Pour le réseau électrique, celui-ci peut servir à produire de l’électricité. Les explications de Badr Ikken, président exécutif de GI3 (Green Innov Industry Investment) et vice-président du cluster de l’hydrogène vert (Green H2), permettent de savoir où en est le Maroc en la matière.
«Le Maroc est le premier pays africain et arabe à se doter d’une feuille de route nationale de l’hydrogène vert. Le potentiel de la filière dépasse de loin les besoins nationaux. Ce qui ouvre la porte à l’exportation», avance le vice-président de la Commission économie verte de la CGEM. Et de rappeler : «Plusieurs projets d’envergure en mégawatts (MW) sont en cours d’élaboration et de développement. Sur le court terme, il existe plusieurs projets pilotes, dont celui de 4 MW en cours de développement dans le site industriel de Jorf Lasfar. D’autres projets de la même capacité sont en cours de mise en place pour la production d’hydrogène vert et d’ammoniac».
Notons qu’au Maroc le potentiel de la capacité technique de l’énergie solaire à installer est de 20.000 GW. Celle de l’éolien est de 6.000 GW. Toujours au registre des réalisations concrètes, notons que des projets en centaines de MW sont en cours de préparation pour le moyen terme 2025-2030. «Certains devraient voir le jour à partir de 2025», renseigne Badr Ikken. Aujourd’hui, force est d’admettre que le prix élevé des matières premières et des produits énergétiques est un énième prétexte légitimant pour plusieurs secteurs le recours à l’hydrogène et ses dérivés verts. A titre illustratif, il ressort de plusieurs calculs et modélisations en rapport avec la production d’ammoniac vert au Maroc, un prix de production de 600 dollars la tonne. Sachant que la tonne d’ammoniac classique qu’importait jusque-là le Royaume est passée de 250-300 dollars à plus de 1.200 au cours du premier semestre de l’année en cours.
«Le contexte actuel commande la production de l’ammoniac vert pour le secteur des engrais national, de l’hydrogène vert pour la branche sidérurgique et du méthanol destiné au secteur des hydrocarbures (diesel et kérosène synthétiques)», suggère l’ancien directeur de l’IRESEN. Notons tout de même que l’un des plus grands défis du secteur a trait à la montée en puissance des électrolyseurs, avec des capacités situées à plusieurs centaines de MW ou GW. Au final, il est de bon augure de constater l’engouement ascensionnel des investisseurs nationaux et étrangers pour cette filière d’avenir, censée contribuer substantiellement à la souveraineté énergétique du Royaume, et dont les retombées économiques sont multiples (baisse de la facture énergétique, allègement du déficit commercial, etc.).