Par Y. Seddik
Si la finance verte constitue un levier important pour relancer et transformer les économies, force est de constater que la dynamique s'est quelque peu estompée au Maroc avant même la survenance de la pandémie. Avec un peu plus de 4 milliards de dirhams d'obligations vertes, le support de financement est considéré par les experts comme le porteétendard de la finance durable. Les émetteurs qui ont franchi le pas sont Masen, Attijariwafa bank, Banque Centrale Populaire, BMCE BoA, et plus récemment la holding Al Omrane et Casablanca Finance City.
Depuis, c’est le calme plat. Il faut dire qu’au Maroc, c’est toute l’industrie de la dette privée qui est moribonde, en témoigne le très faible recours des émetteurs du secteur privé (hors banques) aux émissions obligataires, alors même que les conditions de marché n’ont jamais été aussi avantageuses, avec des taux qui atteignent des niveaux historiquement bas. Pour continuer à capter les financements nécessaires à la reprise des économies à travers le monde, les États et les entreprises n'auront d'autres choix que de se remettre à la page et de verdir considérablement leur plan de relance.
En effet, les investisseurs institutionnels ne raisonnent plus uniquement en termes de notion rendement/risque, mais intègrent également des problématiques de durabilité dans leurs équations de base lorsqu'il s'agit d'arrêter des choix d'investissement. Ainsi, les investissements des investisseurs institutionnels ainsi que l'épargne des ménages seront et doivent être de plus en plus orientés vers des actifs plus verts.
Concernant les États, plusieurs experts suggèrent de réorienter les flux de capitaux vers une économie plus durable, d'intégrer systématiquement les sujets de durabilité dans la gestion des risques financiers et de favoriser la transparence et une vision de long terme au sein du secteur financier.
Un cadre réglementaire aux meilleurs standards internationaux
Les montants levés au Maroc par la voie d’obligations vertes sont appelés à croître. D’une part, parce que l’attrait des investisseurs pour ce type de papier est réel, la plupart des émissions réalisées par les entreprises marocaines ayant été sursouscrites. D’autre part, parce que le cadre réglementaire national pour ce type d’émissions est aux meilleures normes internationales. Dès 2016, l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) publiait le tout premier guide en Afrique sur les green bonds.
Un peu plus tard, le régulateur du marché éditait un guide des «Sustainability Bonds» (obligations durables), afin d’encourager le développement du marché des instruments financiers durables. Cet activisme «vert» a valu à l’AMMC de participer dans des groupes de travail internationaux dédiés à la finance verte, notamment en sa qualité de membre et co-président du Sustainable Banking Network.
Enfin, ce cadre idéal pour le développement de la finance verte gagnerait néanmoins à être accompagné par des mesures de soutien, comme le renforcement des capacités des acteurs ou encore la mise en place d’une fiscalité incitative, afin que cette industrie prometteuse ne soit pas un coup d’épée dans l’eau.