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AFIS : la souveraineté énergétique africaine en débat

AFIS : la souveraineté énergétique africaine en débat

Lors du sommet AFIS 2025 à Casablanca, experts financiers et industriels se sont réunis autour d’une question centrale : comment renforcer la souveraineté africaine dans la gestion et le financement de ses ressources naturelles ?

 

Par Désy. M.

L'Afrique détient près d’un tiers des réserves mondiales de minerais stratégiques, d’immenses ressources pétrolières et gazières, ainsi qu’un potentiel exceptionnel en énergies renouvelables. Pourtant, elle ne capte que 3% des investissements mondiaux dans ces secteurs.

Ce paradoxe a ouvert les échanges du panel «Ressources naturelles : comment renforcer l’autonomie africaine dans le pétrole, le gaz et les mines ?», tenu lors de l’Africa Financial Summit (AFIS) organisé par Jeune Afrique, en partenariat avec International Finance Corporation (IFC). Keynote speaker du panel, Amina Benkhadra, Directrice générale de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM), a donné le ton en affirmant que «l’heure est venue pour l’Afrique de tirer pleinement parti de ses richesses, de créer de la valeur ajoutée et de générer des revenus destinés à financer son propre développement.

Et cela passe par une vision stratégique, une régulation adaptée et des institutions financières fortes». Elle a rappelé que la capacité du continent à définir une vision et à réguler localement constitue le premier pilier de toute réussite. Viennent ensuite la gouvernance et la transparence, conditions nécessaires pour attirer des capitaux durables.

Le financement, clé de l’autonomie industrielle

Cantonnées à des rôles secondaires tels que la sous-traitance, les industries extractives africaines peinent à prendre leur place dans l’exploration et la production à grande échelle. Pour cause, une kyrielle d’obstacles au financement freinent leur développement. On peut citer la faiblesse des fonds propres des banques locales, l’exposition au risque de change et une lenteur réglementaire.

Conscient de ces goulots d’étranglement financier et économique pour de nombreuses économies africaines, Youssef Rouissi, Directeur général délégué du pôle Corporate & Investment Banking d’Attijariwafa bank, pense qu’il est temps de repenser les schémas de financement. Pour lui, «la devise locale doit devenir un outil de développement. Nous devons privilégier des financements en monnaie africaine et renforcer les synergies entre institutions du continent», a-t-il insisté. Et de citer plusieurs projets concrets, dont un plan hydraulique de 1,2 milliard de dollars au Cameroun et un projet aurifère de 300 millions au Sénégal financé par Attijariwafa bank.

Le banquier a également mis en avant la diversification des instruments financiers, notamment les obligations vertes, les fonds de dette (debt funds), les syndications régionales, etc. Autant d’innovations qui permettent d’attirer des capitaux tout en soutenant des projets à long terme. Rouissi a mis en valeur le modèle marocain du financement mixte et de la structuration de projets à travers des partenariats publics-privés (PPP) comme une source d’inspiration pour tout le continent.

Le modèle marocain inspire

En effet, le Maroc s’impose comme un laboratoire du financement durable des ressources naturelles africaines. Sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, le pays a bâti une stratégie énergétique intégrée constituée d’un contenu local obligatoire à 30%, de partenariats publics-privés massifs et une montée en puissance des institutions financières nationales.

Amina Benkhadra a mis en avant l’un des projets phares de cette vision, qui est le gazoduc Maroc - Nigéria, symbole de la coopération Sud-Sud. «Ce projet stratégique, de plus de 6.000 kilomètres, reliera 13 pays de la côte atlantique et permettra d’accélérer l’accès à l’énergie, de stimuler les industries extractives et de créer des milliers d’emplois», a-t-elle précisé. Si le Maroc fait figure de pionnier, d’autres acteurs plaident pour une intégration financière plus profonde à l’échelle du continent.

Paul-Harry Aithnard, Directeur régional exécutif UEMOA d’Ecobank, a insisté sur la nécessité de fluidifier les flux de capitaux intra-africains et d’harmoniser les réglementations. «Il n’y a pas de souveraineté sans circulation du capital. Aujourd’hui, l’Afrique dispose de fonds dormants bloqués par des barrières nationales. Il faut lever ces obstacles pour financer nos propres ressources», a-t-il précisé.

Il appelle également à bâtir des champions locaux, capables de détenir et d’exploiter la valeur ajoutée sur place : «Ce n’est pas le pourcentage de la chaîne de valeur localisée qui compte, mais la propriété réelle de cette chaîne». Un constat partagé par l’ensemble des panélistes. La souveraineté économique passera par la montée en puissance des marchés de capitaux africains et la mutualisation des outils de financement régionaux.

Au terme de ce panel, l’on retient que l’Afrique détient les ressources, les talents et de plus en plus d’outils pour maîtriser son destin énergétique. Le Maroc, à travers ses réformes, ses infrastructures et sa diplomatie économique, montre que la coopération Sud-Sud n’est pas un concept, mais une réalité en marche. Comme l’a résumé Amina Benkhadra, «l’Afrique se développera par l’Afrique, grâce à la confiance, à la vision et à la solidarité entre ses nations». 

 

 

 

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