Les voisins africains accordent un intérêt particulier à l’expérience marocaine, notamment dans les domaines de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables…
La coopération allemande a mobilisé, durant les dernières années, plus de 1,5 milliard d’euros dans le secteur énergétique au Maroc.
Pour Philippe Simonis, coordinateur du secteur Energie à la GIZ Maroc, la question du financement, certes fondamentale pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris, ne se limite pas uniquement aux bailleurs de fonds traditionnels mais inclut également le secteur privé.
Finances News Hebdo: Quelles sont vos impressions par rapport à cette première journée de la COP22 ?
Philippe Simonis: Nous sommes ravis de participer à cette COP que la coopération allemande a attendue et à l'organisation de laquelle nous avons contribué. Pour cette première journée, nous avons constaté l’intérêt qu'accordent les pays africains à l’expérience marocaine particulièrement dans les domaines de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables, etc.
F.N.H. : La coopération allemande est considérée comme étant la plus importante dans les domaines que vous venez de citer. Concrètement, comment se décline ce partenariat entre le Maroc et l’Allemagne ?
Ph. S.: La coopération allemande se traduit sous deux formes. D’un côté, il y a la GIZ qui se charge de l’assistance technique et du renforcement des capacités avec des projets qui aident directement nos partenaires dans le domaine de l’énergie, notamment le ministère de l’Energie, Masen, la SIE, l’AMEE, l’IRESEN… Nous soutenons également la mise en place des IFMEREE, notamment celui d’Oujda. De l’autre, une partie importante de la coopération allemande concerne les financements sous forme de prêts à travers la KfW. Ces crédits et ces dons proviennent de différents ministères allemands, comme ceux de la Coopération, de l’Environnement, de l’Industrie et de l’Energie, et même celui des Affaires étrangères.
F.N.H.: Quel est le budget mobilisé par votre institution pour accompagner le Maroc dans ce processus durant les dernières années ?
Ph. S.: Pour la partie énergie uniquement, la contribution de la coopération allemande dépasse 1,5 milliard d’euros pour financer, entre autres, les parcs éoliens, les centrales solaires de Ouarzazate ainsi que tous les projets d’assistance technique et d’efficacité énergétique…
Parmi ces projets, on peut citer la distribution de lampes à basse consommation, les mosquées vertes, les villes vertes comme Chefchaouen avec la mise en place des technologies d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique.
F.N.H.: L’application de l’Accord de Paris repose sur un axe fondamental qui est la mobilisation des fonds. Pensez-vous qu’il y aura une accélération des procédures de déblocage des financements de la part des bailleurs de fonds internationaux ?
Ph. S.: La question du financement est très importante et ne se limite pas uniquement aux bailleurs de fonds traditionnels, mais également au secteur privé qui a un rôle important à jouer. C’est pour cela qu’on parle d’une enveloppe de 100 Mds de dollars par an qui n’est toujours pas bouclée.
F.N.H.: Ces fonds sont toutefois insuffisants pour répondre aux besoins des pays les plus touchés par ce phénomène, notamment en matière d’adaptation. A votre avis, peut-on trouver le juste équilibre ?
Ph. S.: En effet, il faut trouver un équilibre entre l’adaptation et l’atténuation. En ce qui concerne la coopération allemande, il est vrai que nous nous concentrons, à travers les projets énergétiques, sur l’atténuation, mais il y a énormément de choses à faire en matière d’adaptation. Lors d’une conférence internationale qui s’est déroulée en marge de la COP et qui a réuni les architectes du monde entier, particulièrement d’Afrique et du Maroc, ces derniers ont insisté sur l’importance de protéger les côtes marocaines fortement exposées à l’érosion.
Aujourd’hui, des systèmes existent permettant d’éviter cette érosion et prévoir, par exemple, que les maisons puissent petit à petit être déplacées. Toutefois, ces systèmes demandent des financements colossaux qui ne sont certainement pas inclus dans les 100 milliards de dollars.
F.N.H.: Les attentes des pays les plus touchés, notamment africains et insulaires, aussi bien sur le plan technique que financier sont énormes. Pensez-vous que la COP22 apportera des réponses concrètes à ces attentes ?
Ph. S.: Le Maroc a pris une position très claire, à savoir que cette COP sera celle de l’action. C’est pour cela que la GIZ a décidé d’ouvrir un stand «GIZ énergie» où nous partageons avec les autres pays les expériences que nous avons cumulées à travers le monde, y compris au Maroc. C’est seulement en procédant de cette manière que nous pourrons mettre en œuvre rapidement tous ces objectifs en incluant les îles qui sont évidemment les pays les plus menacés par définition.
F.N.H.: Le renforcement des capacités est également une condition sine qua non pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l’Accord. L’Afrique a-t-elle les capacités requises pour drainer les financements nécessaires ?
Ph. S.: Absolument, nous travaillons avec plusieurs institutions marocaines pour les accréditer au niveau du Fonds vert pour le climat (FVC). Cela permettra de monter des projets avec un ou plusieurs pays africains ou insulaires qui seront ensuite soumis au Fonds vert.
Aujourd’hui, l’ADA est accréditée par le FVC, et juste avant la COP22, la GIZ a été accréditée elle aussi. Elle pourra désormais soumettre des projets audit Fonds. Quant à la KfW allemande qui est déjà accréditée depuis plus de trois ans, elle a déjà commencé à soumettre des projets. Mais on pourrait imaginer que dans quelques mois, d’autres institutions comme Masen ou l’AMEE pourront être accréditées et soumettre leurs propres projets, mais aussi ceux de pays africains.
Propos recueillis par L. Boumahrou