Abdeladim Lhafi : La stratégie de lutte contre les feux de forêts d’une manière générale émane d’un constat évident, celui du risque d’incendie des forêts qui reste l’un des défis majeurs des forêts méditerranéennes (espaces ouverts, espèces très sensibles, période de rupture de pluie très longue…). Un défi qui s’accentuera à cause du changement climatique qui causera plus de tensions sur le plan climatique. Le travail sur des feux de forêts, qui était au départ juste une idée de synthèse par rapport à des risques statiques en partant de ces constats globaux, est passé à une évaluation des risques dynamiques. Et pour cause la température, l’hygroscopie, le vent, l’inflammabilité des espèces forestières, le relief… tous ces paramètres jouent un rôle extrêmement changeant de mai à octobre. Il était donc évident de faire une évaluation journalière du risque en émettant des bulletins de risque gradués, du niveau 1 à 4 en fonction de la dangerosité des feux.
C’est suite à ce besoin que nous avons mis en place un logiciel extrêmement sophistiqué qui, en intégrant toutes les données, émet deux fois par jour (matin et après-midi) une évaluation des risques qui nous permet de nous positionner dans les zones à haut risque. L’avantage est double. D’une part, il permet d’avoir une réactivité par rapport à des états réels en temps réel. D’autre part, de faire d’énormes économies sur le plan de la gestion des flottes pour jongler entre les feux de forêts, étant donné que les flottes dont nous disposons sont mobiles, et donc ne sont pas cantonnées dans des espaces.
Ce double objectif fait qu’aujourd’hui chaque km2 du territoire national est couvert par cette évaluation des risques. Par ailleurs, c’est suite à cette évaluation que nous identifions la procédure d’intervention, le niveau de risque, les unités d’intervention à mobiliser, leur positionnement ainsi que tout le système de lutte.
A.L : En effet, cette approche a nécessité la mise en place d’un Centre national de gestion qui permet d’intégrer toutes ces données et de faire le suivi des procédures. En d’autres termes, en cas d’incendie, les équipes peuvent suivre à partir du centre (par géolocalisation) le positionnement des véhicules, l’action de tous les intervenants et de pouvoir gérer l’espace. La phase à venir est une forme de territorialisation, c’est-à-dire de donner pratiquement, chaque fois qu’un feu se manifeste quelque part, le procédurier qui définit dans le détail les cours d’eau, les limites naturelles, la proximité des espaces sensibles (lignes haute tension, transformateurs, villages…).
A. L. : Sur les dernières années, nous avons une amélioration progressive sur deux niveaux. D’abord, le nombre d’incendies ne fait qu’augmenter. En 2016, nous avons enregistré une augmentation de 10% du nombre d’incendies. Toutefois, malgré cette augmentation, les superficies incendiées ont diminué. Une performance qui n’est que le résultat de tous les efforts déployés.
A noter qu’au niveau du pourtour méditerranéen, le Maroc enregistre les meilleures performances, puisque les superficies parcourues par les feux de forêts se situent à 0,05% de la superficie globale des forêts marocaines.
C’est la meilleure performance par rapport au nord et au sud du bassin méditerranéen. Autre critère à prendre en considération: la moyenne méditerranéenne est de 16 hectares par incendie, alors qu’en 2016, le Maroc était à 6 hectares par incendie, dont seulement 2,4 hectares (40%) concernent les espèces nobles (thuya, cèdre, liège…).
A. L. : Notre objectif est de maintenir les moyens actuels, mais aussi de les améliorer.
Actuellement, nous sommes déjà sur une évolution asymptotique. C’est-à-dire quoi que nous fassions, il y aura des incendies que nous maîtriserons grâce aux moyens très performants dont nous disposons. Pour les maintenir, nous disposons de deux moyens d’intervention. Le premier concerne le volet préventif pour éviter que les feux de forêts se répandent par le nettoyage des forêts, les tranchées pare-feux, les points d’eau, les véhicules de premières interventions…
Il faut que le dispositif soit opérationnel et fonctionnel pour intervenir dans les plus brefs délais. Deuxièmement, il y a la sensibilisation des campeurs qui est extrêmement importante, ainsi que l’interdiction de certaines pratiques, notamment la fabrication du charbon de bois, la récolte de miel…
Dernière mesure, la mobilisation de toute la flotte lorsqu’un feu de forêt se propage. Ce dispositif de lutte contre les feux de forêts va nécessiter un budget de 180 MDH pour la saison 2017 et qui sera opérationnel dans les jours qui viennent. ■
Propos recueillis par L. Boumahrou