La deuxième édition de l’AIConférence, organisée mercredi à Casablanca par l’AI Institute du Groupe Holmarcom, a rassemblé des responsables publics, des experts internationaux et des acteurs du numérique autour des priorités nationales en matière d’intelligence artificielle, de cybersécurité, de souveraineté technologique et de développement des compétences.
Ouvrant la rencontre, le Directeur Général du Groupe Holmarcom, Karim Chiouar, a rappelé que l’initiative AIConférence vise à « installer un espace annuel de réflexion stratégique autour de l’IA et de ses impacts sur le développement économique et social du pays ».
La ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, Amal El Fallah Seghrouchni, a livré une intervention de près de vingt minutes, structurée autour de trois axes : la place de l’IA dans la transformation numérique, les exigences de sécurité et de souveraineté, et les perspectives stratégiques pour le Maroc.
« Faire du numérique sans intégrer l’intelligence artificielle n’est plus possible. L’IA est la figure de proue du digital », a affirmé la ministre. Elle a rappelé que les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 experts, qui ont défini une feuille de route et treize secteurs prioritaires d’application.
Seghrouchni a expliqué que l’IA se trouve au croisement de plusieurs évolutions technologiques : puissance de calcul accessible, explosion des données et maturité des modèles. « Nous estimons que 90% des données disponibles aujourd’hui ont été générées au cours des deux dernières années », a-t-elle précisé.
La ministre a également alerté sur les tensions liées au matériel stratégique. « L’accès aux GPU devient un enjeu géopolitique majeur. Tout le monde n’est pas capable de fabriquer ce matériel, ce qui crée des dépendances réelles », a-t-elle indiqué, en rappelant que la Chine contrôle plus de 37% des réserves mondiales de métaux critiques.
Abordant la question des langues, elle a souligné l’absence de modèles naturels pour l’arabe et la darija. « Il n’existe pas aujourd’hui de LLM natif pour nos langues. Nous risquons de perdre une partie de notre patrimoine linguistique si nous ne développons pas nos propres modèles », a-t-elle déclaré.
La ministre a ensuite détaillé les actions du ministère. Elle a annoncé la création d’une Direction générale dédiée à l’IA, destinée à organiser la gouvernance, accompagner les administrations et assurer l’intégration de l’intelligence artificielle au sein de l’État.
Elle a également présenté plusieurs projets concrets :
– la digitalisation des 7 dernières années du Bulletin officiel,
– la structuration de 400 procédures administratives,
– la collecte de 30 000 heures de discussions en darija pour entraîner des systèmes de speech-to-text et text-to-speech,
– et la conception d’un LLM souverain marocain, adapté au multilinguisme du pays.
Seghrouchni a rappelé que la cybersécurité constitue un pilier essentiel de la stratégie. Elle a cité des chiffres fournis par Kaspersky :
« Le Maroc a enregistré une hausse de 25% des détections de menaces en 2020, mais 46% des cyberattaques sont désormais dopées par l’IA. Nous faisons partie des trois pays les plus ciblés en Afrique. »
Elle a insisté sur la nécessité d’une administration X.0, « proactive, souveraine et sécurisée », construite autour d’un cloud hybride souverain, de données interopérables et de plateformes multilingues accessibles aux citoyens.
« Notre objectif est simple : bâtir une administration de confiance qui protège les citoyens et garantit la qualité des modèles utilisés », a-t-elle conclu.
La conférence a ensuite donné la parole à Mirna Arif, General Manager MEA Emerging Markets chez Microsoft. Elle a rappelé que les économies émergentes disposent d’un potentiel élevé pour l’adoption de l’IA et a insisté sur le rôle du cloud, de la souveraineté des données et de la montée en compétences.
L’expert Nasser Kettani est également intervenu. Il a souligné l’importance des architectures cloud modernes, de la cybersécurité et de l’agilité organisationnelle. Il a expliqué que les entreprises doivent « aligner stratégie, données et infrastructure pour tirer pleinement parti de l’intelligence artificielle ».
En clôture, les organisateurs ont rappelé que l’initiative AIConférence s’inscrit dans un programme plus large de l’AI Institute visant à structurer un écosystème national de compétences, de partage et d’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle.