Les semi-conducteurs, colonne vertébrale de l’économie numérique, brillent par des prévisions record : 19% de croissance en 2024. Mais derrière cet essor se cache un affrontement féroce entre Washington et Pékin. Dans ce contexte de tensions, le Maroc, fort de ses partenariats avec la Chine, se positionne en acteur stratégique face aux défis de demain.
Par K. A.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les semi-conducteurs propulsent l'économie mondiale dans une nouvelle ère. D’après la World Semiconductor Trade Statistics (WSTS), le marché mondial des semi-conducteurs connaîtra une croissance de 19% en 2024, pour atteindre 627 milliards de dollars. En 2025, cette dynamique se prolongera avec une hausse de 11,2%, portant le marché à 697 milliards de dollars. Cette expansion repose sur deux segments clés : la mémoire, qui bondira de 81%, et la logique, avec une progression de 16,9%. Les Amériques (+38,9%) et l’AsiePacifique (+17,5%) en seront les principaux moteurs.
En revanche, l’Europe devrait reculer de 6,7%, marquant une disparité importante avec les autres régions. En dépit des vents contraires qui ont marqué l’année 2023, notamment une baisse globale de 8,2% des revenus due à l’inflation, aux perturbations des chaînes d’approvisionnement et aux incertitudes géopolitiques, l’industrie des semi-conducteurs s’apprête à rebondir fortement en 2024. Selon une enquête menée auprès de 172 dirigeants du secteur, 85% s’attendent à une croissance des revenus de l’industrie, portée par des tendances comme l’intelligence artificielle générative, le cloud computing et l’intégration croissante des semi-conducteurs dans les véhicules et l’aérospatiale.
Parallèlement, les tensions entre les États-Unis et la Chine s'intensifient. Depuis 2020, les ÉtatsUnis ont renforcé leurs restrictions sur l'accès de la Chine à des technologies critiques, notamment les semi-conducteurs. En octobre 2024, Washington a durci sa position en interdisant l’exportation de produits contenant des puces américaines vers Pékin. En réponse, la Chine a imposé un embargo sur des matériaux stratégiques tels que le gallium, le germanium et le graphite. Ces éléments sont essentiels à la fabrication de semi-conducteurs et d’équipements électroniques avancés. «Ces restrictions pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales et provoquer une hausse des coûts de production», rapportait Reuters. Pour l’Europe, déjà en retrait sur ce marché stratégique, ces tensions risquent d’exacerber les difficultés, tandis que les acteurs asiatiques comme Taïwan et la Corée du Sud devront réorganiser leurs approvisionnements. Mais qu’en est-il des économies émergentes, et notamment du Maroc ?
Le Maroc, un partenaire stratégique pour la Chine
Grâce à ses liens économiques et stratégiques avec la Chine, le Royaume se retrouve en position centrale dans ce contexte mondial. En 2023, les échanges entre les deux pays ont atteint 8 milliards de dollars, faisant de la Chine le troisième partenaire commercial du pays. Parmi les projets emblématiques, la Cité Mohammed VI Tanger Tech se distingue. Ce plan vise à transformer Tanger en un hub industriel et technologique.
À Kenitra, le groupe chinois Gotion High Tech investit 1,3 milliard de dollars dans une usine de batteries électriques. Ce projet, essentiel pour l’industrie automobile, positionne le Maroc comme un acteur clé de la transition énergétique. Ces investissements s’inscrivent dans une stratégie plus large de coopération entre Rabat et Pékin, notamment dans les secteurs des infrastructures et de l’innovation. Cette synergie entre les deux nations est saluée des deux côtés. Ryad Mezzour, ministre de l'Industrie et du Commerce, avait souligné que «le Maroc devient une destination incontournable pour les investisseurs dans des secteurs stratégiques comme la technologie et l’innovation».
De son côté, l’ambassadeur de Chine au Maroc, Li Changlin, a récemment affirmé que «la croissance des investissements chinois au Maroc reflète l’excellence des relations entre les deux pays». Le marché des semi-conducteurs est à la croisée des chemins. Si la croissance mondiale reste forte, les rivalités géopolitiques ajoutent une dose d’incertitude. Pour le Maroc, le défi est de tirer parti de ses partenariats existants et de diversifier ses alliances.