Par Y. Seddik
La crise sanitaire et ses répercussions socioéconomiques et budgétaires ont mis à nu les limites du système fiscal marocain actuel, dont les faiblesses structurelles ont été à maintes fois décriées. Les nombreuses réformes fiscales menées depuis les années 80 n’ont jamais pu remédier aux vieux maux du système. Dans ce cadre, et en application des orientations royales et sur la base des recommandations des Assises nationales sur la fiscalité, tenues en mai 2019, le gouvernement a préparé le projet de loi-cadre n°69-19 relatif à la réforme fiscale.
Objectif principal : instaurer un système fiscal efficace, juste, équitable et équilibré. Ce projet permet parallèlement de mobiliser tous les potentiels fiscaux pour financer les politiques publiques, promouvoir le développement économique et réaliser l’inclusion et la cohésion sociales. Devant le Roi, au Conseil des ministres, Mohamed Benchaâboun a listé les objectifs de cette réforme. Ils portent essentiellement sur le renforcement des droits fondamentaux à travers un système fiscal basé sur le respect de l’égalité de tous devant l’impôt, l’équité fiscale, le droit à l’information et la garantie des droits du contribuable et ceux de l’administration.
L’autre objectif annoncé par Benchaâboun est «la protection du contribuable contre toute interprétation abusive des textes juridiques de la part de l’administration fiscale, le renforcement de la relation de confiance entre cette administration et le contribuable, la garantie du droit de recours pour les deux parties et l’indépendance des instances fiscales compétentes, en plus de la création d’un Observatoire national des impôts». L’argentier du Royaume veut également instaurer un système fiscal «au service de la compétitivité, de l’innovation et de la création d’emploi et la mobilisation du plein potentiel fiscal pour garantir un meilleur financement des politiques publiques». Ici, l'action sera mise sur l'élargissement de l'assiette fiscale, la rationalisation des incitations fiscales en fonction de leur impact socioéconomique et leur orientation vers les secteurs prioritaires.
Harmoniser fiscalité des collectivités et fiscalité de l’État
Par ce projet, l’État vise également la réforme de la fiscalité des collectivités territoriales. Ceci, en procédant au regroupement des taxes locales sur le patrimoine immobilier et celles sur des activités économiques, ainsi que la révision et le regroupement des taxes parafiscales, des droits et redevances perçus au profit de l'État, stipulés dans des textes législatifs ou réglementaires.
Sur un autre volet, il est question d’orienter le système fiscal vers le renforcement de la solidarité, surtout pour le financement des filets sociaux de la protection sociale, comme la couverture médicale, les allocations familiales ainsi que pour la réduction des inégalités sociales. Notons que les dispositions de la loi-cadre entreront en vigueur à compter de la date de sa publication au BO. Le calendrier politique avec les élections ne devrait pas, quant à lui, retarder l’opérationnalisation de ladite réforme. L’État prend en effet l’engagement d’élaborer les textes nécessaires dans un délai de 5 ans.
Enfin la neutralité de la TVA
Pour ce qui est de l'équité fiscale et l'égalité de tous devant l'impôt- objectif phare de la réforme -, l'État s'engage à concrétiser le principe de neutralité fiscale en matière de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afin de corriger les déséquilibres actuels relatifs à son champ d'application, la multiplicité de ses taux et au droit de sa déduction et de sa récupération, en particulier dans certains secteurs vitaux privés et publics, mais pas que !
L'État œuvrera aussi à alléger la pression fiscale sur les contribuables en se dirigeant progressivement vers un taux unique pour l'impôt sur les sociétés (IS), conformément aux meilleures pratiques internationales. Il veillera tout autant à intégrer le secteur informel, à renforcer les mécanismes de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, et ce via l'instauration d'un système fiscal simplifié et facile à accéder et le renforcement des mécanismes de contrôle. En définitive, la tutelle procédera à une évaluation périodique des effets socioéconomiques des futures mesures fiscales. A cet effet, un observatoire fiscal sera prochainement mis en place. Tant de mesures qui doivent être concrétisées dans des délais record, alors que d’autres réformes majeures sont simultanément enclenchées, à l’image de celles des EEP. Le gouvernement doit donc vite se retrousser les manches.