Promulguée en décembre 2025 et désormais en vigueur, la Loi de Finances 2026 s’inscrit dans un contexte de consolidation budgétaire sous fortes contraintes sociales et macroéconomiques. Avec un budget global de plus de 760 milliards de dirhams, un déficit ciblé à 3% du PIB et une montée en charge affirmée de l’État social, le texte combine discipline financière, renforcement du contrôle fiscal et maintien d’un effort soutenu d’investissement public. Décryptage.
Par Y. Seddik
1. Un cadre général de continuité budgétaire et de discipline financière
Comme chaque année, la Loi de Finances autorise la poursuite de la perception des impôts, taxes et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales et aux établissements publics. Pour 2026, le total des charges de l’État est estimé à 761,3 milliards de dirhams, dont 527,6 milliards pour le budget général, 167,5 milliards pour les comptes spéciaux du Trésor et près de 2 milliards pour les SEGMA.
Le texte réaffirme le principe de légalité fiscale, interdisant toute contribution non prévue par la loi, et autorise le gouvernement à recourir à l’emprunt afin d’assurer l’équilibre des finances publiques. L’amortissement de la dette publique à moyen et long terme atteindra 64,2 milliards de dirhams en 2026, illustrant le poids persistant du service de la dette. L’objectif affiché est une réduction du déficit budgétaire à 3% du PIB contre 3,5% en 2025, grâce à une progression maîtrisée des dépenses (+5,54%) et une hausse plus dynamique des ressources (+8,32%), tirée principalement par les recettes fiscales.
2. Renforcement du contrôle douanier et modernisation des procédures
La Loi de Finances 2026 renforce sensiblement le dispositif douanier, dans un contexte de lutte accrue contre la fraude et la contrebande. Plusieurs dispositions du Code des douanes et impôts indirects sont révisées afin d’élargir la définition des infractions, d’alourdir certaines sanctions et de renforcer les capacités de contrôle. L’administration des douanes est explicitement autorisée à recourir à des technologies avancées de surveillance et de contrôle, tandis que les obligations déclaratives sont renforcées, notamment en matière de destination effective des marchandises importées. L’objectif est double : sécuriser les recettes douanières et améliorer la traçabilité des flux commerciaux.
3. Ajustements ciblés des droits de douane et des régimes préférentiels
Sur le plan tarifaire, la Loi de Finances 2026 procède à de nombreux ajustements des droits de douane, touchant notamment les produits industriels, pharmaceutiques, chimiques et certains équipements électroménagers. Ces modifications visent à adapter le tarif douanier à l’évolution de l’appareil productif et aux exigences techniques et sanitaires. Par ailleurs, le régime préférentiel appliqué à l’importation d’animaux domestiques vivants est reconduit jusqu’à fin 2026, dans la limite de 300.000 têtes de bovins et 10.000 têtes de camélidés. Cette mesure vise à stabiliser l’offre sur le marché national et à limiter les tensions sur les prix.
4. Fiscalité indirecte : clarification et anticipation
La Loi de Finances 2026 poursuit la réforme de la fiscalité indirecte, en particulier dans le secteur énergétique. Les règles relatives au marquage, à la mise à la consommation et au contrôle des carburants sont précisées et harmonisées. Certaines dispositions, notamment celles liées à la généralisation du marquage des produits énergétiques, voient leur entrée en vigueur différée à 2028, afin de permettre aux opérateurs et à l’administration d’adapter leurs dispositifs techniques. Cette approche graduelle vise à sécuriser la transition tout en limitant les risques de perturbation du marché.
5. Une réforme fiscale dense au niveau du Code général des impôts
La Loi de Finances 2026 se caractérise par l’ampleur des modifications apportées au Code général des impôts. Plusieurs dizaines d’articles sont amendés, couvrant l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu, la retenue à la source, les exonérations et le traitement fiscal de certains produits financiers. Parmi les évolutions notables, figurent l’adaptation des règles de retenue à la source sur certaines rémunérations et produits de location, la clarification de régimes d’exonération permanente ou temporaire et l’introduction de mesures incitatives ciblées, notamment en faveur des sociétés sportives. Le texte prévoit également des dispositions sociales, telles que l’abattement accordé aux contribuables âgés d’au moins 65 ans cessant définitivement leur activité professionnelle, dans la limite d’un plafond de 1 million de dirhams sur les plus-values concernées.
6. Un signal clair en faveur de la traçabilité et de la conformité
Au-delà des ajustements techniques, la Loi de Finances 2026 marque un tournant en matière de gouvernance fiscale. La priorité est donnée à la conformité, à la transparence et à la modernisation de l’administration, notamment à travers la généralisation progressive des plateformes électroniques et le renforcement des obligations déclaratives. Cette orientation vise à réduire l’informel, à sécuriser les recettes publiques et à améliorer l’efficacité du système fiscal, sans recourir à une hausse frontale de la pression fiscale. Sans constituer une rupture majeure, la Loi de Finances 2026 s’inscrit dans une logique de consolidation maîtrisée. Elle combine réduction progressive du déficit, montée en charge de l’État social et maintien d’un effort soutenu d’investissement public, dans un contexte de marges budgétaires étroites.
Pour les entreprises, les opérateurs du commerce extérieur et les contribuables, le texte appelle à une lecture attentive et à une adaptation progressive à un cadre fiscal et réglementaire plus exigeant, mais aussi plus structuré. L’État entre rigueur et montée en charge sociale Avec des charges totales estimées à 761,3 milliards de dirhams, le budget de l’État pour 2026 s’inscrit dans une logique de consolidation progressive des finances publiques. Le budget général concentre l’essentiel de l’effort, avec 527,6 milliards de dirhams, tandis que les comptes spéciaux du Trésor mobilisent 167,5 milliards. À cela s’ajoute un amortissement de la dette publique à moyen et long terme de 64,2 milliards de dirhams, illustrant le poids durable du service de la dette dans la structure budgétaire.
Outre une prévision de croissance de 4,5% en 2026, sous l’hypothèse d’une production céréalière 70 millions de quintaux, l’exécutif affiche l’objectif de ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB contre 3,5% en 2025. Cette amélioration repose sur un différentiel assumé entre la progression des ressources de l’État, attendues en hausse de 8,32%, et celle des dépenses, contenue à 5,54%. Le dynamisme des recettes fiscales constitue le principal levier de cet ajustement, dans un contexte de renforcement du contrôle et de la conformité.
Dans le même temps, le budget 2026 consacre une montée en charge significative de l’État social. La masse salariale de l’État progresse de 15,06 milliards de dirhams pour atteindre 195,3 milliards, sous l’effet combiné des revalorisations issues du dialogue social et de la création de près de 36.900 postes budgétaires, concentrés principalement dans l’éducation, la santé et les administrations de souveraineté.
Les crédits alloués à l’éducation nationale atteignent 97,1 milliards de dirhams, tandis que ceux de la santé et de la protection sociale s’élèvent à 42,4 milliards, en hausse de 30% sur un an. Cet effort social s’accompagne du maintien d’un investissement public soutenu, notamment dans les infrastructures, la gestion des ressources en eau et le soutien à l’investissement productif. La gestion de l’eau mobilise à elle seule plus de 11 milliards de dirhams en crédits de paiement, tandis que les grands chantiers d’équipement et de transport demeurent des postes structurants du budget. L’ensemble traduit un arbitrage précis : préserver les équilibres macroéconomiques tout en finançant les priorités sociales et les leviers de croissance à moyen terme.