◆ Les interruptions d'activité auront des répercussions sur les pensions futures, surtout pour la CNSS.
◆ La réintégration des actifs cotisants perdus pendant la crise peut s’avérer longue.
Par Y. Seddik
Déjà mal-enpoint, le marché du travail marocain a été fortement malmené par la crise sanitaire. Selon le haut-commissariat au Plan, le taux de chômage devrait atteindre près de 15% en 2020, alors que quelque 712.000 emplois pourraient être perdus. Couplées au décrochage du marché boursier, ces interruptions d’activité touchent directement les équilibres des régimes de retraite au Maroc (principalement celui du secteur privé). Des régimes dont les chantiers de réforme traînent toujours, menaçant leur pérennité.
Pour évaluer les impacts constatés et futurs de la crise sanitaire sur leurs équilibres, les régulateurs ont récemment mené des stress tests sur la base des données disponibles des cinq premiers mois de l’année 2020. Le premier paramètre mis à l’épreuve est la valorisation des actions détenues par les régimes de retraite ainsi que leurs rendements financiers futurs. Le deuxième a trait à l’effectif des actifs cotisants des régimes ainsi que l’évolution de leur intégration.
Si le premier paramètre concerne l’ensemble des régimes sauf la CNSS dont les placements sont essentiellement constitués de dépôts, le second affecte, lui, les deux régimes d’affiliation des entreprises du secteur privé ayant cessé partiellement ou totalement leur activité. Ainsi, deux scénarios, un médian et l’autre extrême, ont été simulés pour aboutir à une fourchette de variations possibles des indicateurs d’équilibre des régimes de retraites sous l’effet des impacts de la crise.
Résultats des stress tests
On s’intéressera ici au deuxième paramètre étudié, à savoir l’effectif des actifs cotisants des régimes ainsi que l’évolution de leur intégration. Pour les actifs cotisants, l’ACAPS s’attend à une baisse de 36% en 2020, dont 4,4% définitivement pour la CNSS. Chez la CIMR, c’est une baisse de 27%, dont 4,4% définitivement, qui est attendue, selon le scénario médian. Le scénario extrême, lui, donne un recul temporaire des actifs cotisants de la CNSS de l’ordre de 55% par rapport à leur effectif à fin 2019 et de 42% pour ceux de la CIMR. On note que l’impact de la crise Covid-19 sur les actifs cotisants aux régimes de retraites concerne essentiellement les régimes du secteur privé. Les secteurs public et semi-public ne sont pas touchés par les pertes d’emploi, sauf pour les contractuels affiliés au RCAR qui pourraient être affectés.
En ce qui concerne l’évolution des nouveaux cotisants, le scénario médian prévoit la réintégration des sorties temporaires progressivement de 50% de juin à décembre 2020 et des 50% restants en 2021. Et l’intégration progressive des nouveaux actifs à partir de janvier 2021 jusqu’à ce que le nombre des actifs atteigne son niveau des projections 2019 à partir de 2023. L’autre scénario table sur une réintégration des sorties temporaires progressivement de 25% de juin à décembre 2020, 50% en 2021 et des 25% restants en 2022. Parallèlement, on table sur l’intégration progressive des nouveaux actifs à partir de janvier 2022 jusqu’à ce que le nombre des actifs atteigne son niveau des projections 2019 à partir de 2027.
Impact maîtrisé pour la CIMR
Pour résumer, 3 constats se sont dégagés de cette étude. Premièrement, «les indicateurs d’équilibre du régime des pensions civiles, qui dispose d’un horizon plus réduit avant l’épuisement de ses réserves, n’enregistreraient pas, à l’instar du régime général RCAR, une dégradation sensible même dans le cadre du scénario extrême», explique l’Autorité. En effet, les dates d’épuisement des deux régimes resteraient inchangées par rapport aux projections en absence d’impacts de la crise sanitaire.
«La CNSS, dont l’effectif des actifs cotisants a connu une baisse de 35,8% à fin mai 2020, enregistrerait, en conséquence, une accélération maximale de quatre années de la date de l’épuisement de ses réserves et de deux années de la date de son premier déficit global», note le régulateur. Enfin, pour la CIMR, dont l’impact de la crise se reflète aussi bien sur les placements que sur les effectifs des actifs couverts, le niveau du taux de préfinancement enregistrerait une dégradation tout en restant supérieur à son seuil réglementaire.
Le régime continuerait, cependant, à enregistrer des excédents et à accumuler des réserves tout au long de la période de projection. Au final, le contexte économique au Maroc étant encore mouvant, ces données peuvent facilement varier dans un sens comme dans l’autre. Les incertitudes sont maximales, comme l’a tant rappelé le wali de Bank Al-Maghrib. À suivre.