Le FMI a accordé au Maroc une ligne de crédit modulable de 4,5 milliards de dollars. Derrière ce signal de confiance, des fragilités subsistent : dépendance commerciale, pression sur les réserves de change, exposition bancaire…
Par Désy M.
Dans un contexte économique mondial marqué par l’incertitude, le Maroc vient d’obtenir une nouvelle ligne de crédit modulable (LCM) du Fonds monétaire international (FMI), d’un montant de 4,5 milliards de dollars. Cette décision, annoncée début avril, marque une évolution stratégique dans la coopération entre le Royaume et l’institution de Bretton Woods. Ce mécanisme, activé à titre préventif, vise à renforcer la capacité de réponse du Royaume face aux chocs extérieurs, tout en envoyant un signal de crédibilité aux investisseurs internationaux.
Plus qu’une aide d’urgence, cette ligne est perçue comme un instrument de confiance réservé aux pays aux fondamentaux macroéconomiques solides. Ce nouveau partenariat avec le FMI s’inscrit dans une relation de long terme. Le Maroc avait déjà bénéficié de plusieurs lignes de précaution de liquidité (LPL) depuis 2012. Mais la LCM marque un tournant, en raison des critères plus exigeants qui la conditionnent. «À cette époque, le Maroc n’était pas encore éligible à une LCM. Le fait qu’il le soit aujourd’hui témoigne d’un saut qualitatif», explique Rachid El Fakir, expert en économie monétaire. Et de préciser : «C’est un label de résilience pour toute économie bénéficiant de cet instrument financier du FMI».
Une reconnaissance internationale des fondamentaux économiques du Maroc
En effet, selon le FMI, cette ligne a été accordée en reconnaissance de la solidité des équilibres macroéconomiques du Maroc, de la discipline budgétaire et de la gestion rigoureuse de la politique monétaire. La LCM offre une réserve de liquidités mobilisable rapidement en cas de besoin, et ce, sans conditionnalités supplémentaires. Elle agit comme un filet de sécurité dans un monde où les risques exogènes sont de plus en plus fréquents, à l’image de la volatilité des prix de l’énergie, de la sécheresse persistante ou encore des tensions financières internationales.
Dans le même temps, plusieurs défis pèsent sur la trajectoire économique du Royaume. Le déficit commercial a progressé de 22,1% à fin février 2025, atteignant 50,74 milliards de dirhams. Les transferts des MRE ont enregistré un léger repli évalué à 17,8 milliards de DH, tandis que l’exposition des banques marocaines à la dette publique continue de croître, accentuant les risques systémiques. Pour El Fakir, cette ligne de crédit agit aussi comme un facteur de confiance pour les bailleurs de fonds: «Elle permet au Maroc de consolider la confiance des bailleurs de fonds internationaux et de soutenir davantage les flux d’IDE, qui constituent le pilier de tout décollage économique et financier».
La LCM devrait également renforcer la position du Royaume face aux nouvelles contraintes règlementaires, notamment celles liées à la directive européenne CRD VI, qui pourrait affecter la dynamique des transferts des Marocains résidant à l’étranger. En renforçant la liquidité du secteur bancaire, cette ligne atténue les tensions sur le marché interbancaire et limite l’exposition des établissements financiers au risque lié à la dette souveraine. Elle constitue en cela un appui indirect à la stabilité du système financier, mais aussi au climat d’investissement.
Par ailleurs, le FMI a salué les réformes structurelles entreprises par le Maroc, qu’il s’agisse de la mise en œuvre de la nouvelle Charte de l’investissement, de l’opérationnalisation du Fonds Mohammed VI, ou encore de l’adoption de la stratégie bas carbone à l’horizon 2050. Le Royaume a également respecté les critères rigoureux du FMI : position extérieure viable, accès régulier aux marchés internationaux, cadre monétaire crédible, stabilité de l’inflation et réserves de change confortables. Mais malgré ces fondamentaux solides, El Fakir alerte sur les vulnérabilités persistantes.
Il estime que «la restructuration de la valeur ajoutée marocaine vers des produits à forte valeur ajoutée, où l’industrie constitue la locomotive, pourrait limiter la dépendance de la croissance aux aléas climatiques et aux secteurs tertiaires plus vulnérables à la conjoncture internationale». Il plaide également pour une réforme graduelle mais déterminée du régime de change, afin de renforcer la souveraineté financière du pays, qui «est un processus de long terme, fondé sur l’objectivité, le volontarisme, la confiance et l’optimisme».