Par A. Hlimi
Difficile pour un géant bancaire de faire de la croissance dans une économie qui chute de 7%. Le groupe BCP l'a expérimenté en 2020 avec des indicateurs de rentabilité qui se sont dégradés dans le sillage de la pandémie.
Mais, cela ne l’a pas empêché de consolider ses parts de marché et d'étendre son empreinte internationale. Dans ce contexte, le produit net bancaire consolidé s’améliore de 8,3% à 19,3 milliards de dirhams. Cette croissance a concerné l’ensemble de ses composantes et intègre un effet périmètre sur 9 mois, lié à l’acquisition de trois nouvelles filiales en Afrique subsaharienne. Hors cet impact, la croissance du PNB s’établirait à 2,6%, avec une mention spéciale pour les activités de marché, qui ont généré plus de 300 MDH de produit net bancaire de plus que l'an dernier, profitant notamment d’un contexte de taux favorable sur le marché obligataire.
Compte tenu des impacts économiques liés à la COVID19, combinés à une politique de provisionnement prudente, le coût du risque marque un bond de 139% pour s’établir à 6,1 milliards de dirhams. «Nous avons adopté une approche anticipative en matière de provisions, tout en capitalisant sur la solidité de nos fondamentaux avec une provision pour risques généraux et un fonds de soutien suffisamment doté pour faire face à toutes les éventualités», se félicite Karim Mounir, PDG du groupe. Et d'ajouter que la prudence restera de mise tant que la visibilité ne revient pas. Il ne cache pas, cela dit, sa confiance dans les perspectives.
Intégrant totalement l’impact du don COVID-19 d’un milliard de dirhams, le résultat net consolidé recule de 67% à 1,3 milliard de dirhams. De même, le résultat net part du groupe marque une baisse de 59% à 1,2 milliard de dirhams.
Dations en paiement : BCP prend les devants
La circulaire de Bank Al-Maghrib relative aux dations de paiement et ventes à réméré est entrée en vigueur en mars 2021. Elle a pour objectif d'encadrer cette pratique, qui consiste pour les banques à accepter des biens immobiliers de la part des promoteurs immobiliers, pour le remboursement d'une partie ou de la totalité de leurs dettes bancaires. Ces opérations se sont multipliées ces dernières années, parallèlement à l'évolution de la crise immobilière. Elles ont pour conséquence de coaguler les bilans bancaires en les alourdissant de biens immobiliers peu liquides.
Avant cette circulaire, ces actifs immobiliers étaient pondérés à 100% dans les fonds propres des banques. Mais, dorénavant, les établissements de crédit sont obligés de surpondérer les dotations en fonds propres en fonction de la durée de détention de ces biens acceptés en dation. «Plus la durée est importante, plus ils seront surpondérés et vont donc consommer plus de fonds propres, obligeant les banques à rétablir leurs ratios prudentiels», résume Choukri Oimdina, Directeur général risques groupe de la BCP, à l'occasion de la conférence financière du groupe. La Banque centrale a tenu à lisser l'impact de cette circulaire sur 5 ans pour permettre aux banques de se conformer.
Le groupe bancaire a pris les devants en se dotant d'une stratégie et d'une organisation dédiées à ces actifs. Kamal Mokdad, Directeur général de la BCP et de l'International, explique que «nous nous sommes structurés dès les premières dations avec une filiale dédiée à la gestion et à la valorisation de ces actifs aux meilleures conditions du marché. Nous évaluons régulièrement ces actifs pour les expertiser et, au besoin, provisionner si nécessaire».
Le groupe s'est structuré en interne pour pouvoir gérer ces actifs par nature en les classant en 4 catégories. La première correspond aux actifs à céder, soit annuellement entre 600 à 700 MDH d'actifs avec, jusqu'à présent, aucune moins-value dans les comptes du groupe.
La deuxième catégorie comprend les actifs à louer. Il s'agit d'un patrimoine valorisé par la banque et qui génère un rendement locatif supérieur à 7% pour le groupe. La troisième catégorie contient des actifs à développer avec des partenaires externes, alors que la quatrième catégorie comprend des actifs vraisemblablement de moins bonne qualité, puisque le Directeur indique que ces actifs sont provisionnés dans les comptes à hauteur de la moins-value latente qu'ils génèrent.
Le groupe réfute par ailleurs des informations de presse qui avaient indiqué que BCP détient 9 Mds de dirhams de biens immobiliers acceptés en dations de paiement, précisant que le montant détenu chez la banque au cheval est inférieur à ce chiffre, sans donner plus de détails.
Vers une externalisation du premier OPCI du groupe en 2021
Faisant le point sur l'important fonds OPCI lancé l'an dernier par le groupe BCP, Kamal Mokdad a expliqué que ce premier fonds OPCI, lancé en 2020, qui porte une partie des agences bancaires du groupe au Maroc et qui a été structuré par la société de gestion filiale du groupe, Africa Stone Management, pourrait être externalisé dès cette année. Ce fonds est doté de 170 agences du groupe BCP au Maroc pour une valeur de plus de 1 milliard de dirhams.
La plus-value dégagée dans les comptes sociaux de la BCP, à la création du fonds, est de 300 MDH, selon le responsable. Mais elle ne sera constatée dans les comptes consolidés qu'au moment de l'externalisation de la détention des parts de la banque dans l'OPCI vers des investisseurs externes. «C'est quelque chose qui pourra être entamée dès 2021», a déclaré Mokdad. La groupe BCP est l'un des précurseurs sur le marché des OPCI. Une stratégie qui s'inscrit, selon Mokdad, dans le cadre de la diversification des sources de financement du groupe et de la valorisation de son patrimoine. Kamal Mokdad précise que la BCP n'hésitera pas à renouveler ce type d'opérations dans le futur en s'appuyant sur l'expertise de la société de gestion du groupe Africa Stone Management.