Plusieurs experts sont perplexes quant à la probabilité de voir le futur gouvernement mener les courageuses réformes fiscales, pourtant nécessaires au regard du niveau de dégradation des finances publiques.
Par M. Diao
La situation des finances publiques, fortement chahutées par la crise liée à la Covid-19, commande plus que jamais une profonde réforme de la fiscalité. Sachant que la refonte du système fiscal est une ancienne doléance des professionnels (experts-comptables), des particuliers et des entreprises créatrices de richesse et pourvoyeuses d’emplois. Le gouvernement sortant, qui s’est abstenu de prendre de courageuses mesures fiscales pourtant nécessaires au regard des aspirations de développement légitimes du pays, a attendu pratiquement la fin de son mandat pour publier (en juillet 2021) au Bulletin officiel la loi-cadre n°69-19 portant réforme fiscale. Ainsi, il incombe au futur attelage gouvernemental dirigé par Aziz Akhannouch de porter les réformes urgentes, dont celles allant dans le sens d’une justice fiscale et de l’élargissement de l’assiette fiscale.
Ce qui suppose, entre autres, l’imposition du secteur informel et la réduction, voire la suppression des niches fiscales. Une contribution plus significative des hauts revenus ainsi que l’augmentation de la pression fiscale des entreprises évoluant dans des secteurs faisant l’objet de monopole ou des branches d’activité caractérisées par la réglementation des prix, s’avèrent être un impératif.
D’autant que le Royaume sera astreint de dégager des ressources additionnelles pour le financement de son futur modèle de développement. Hicham Mouchir, expertcomptable et économiste, qui reste perplexe quant à la possibilité de voir la future majorité gouvernementale procéder aux réformes fiscales, donne des pistes concrètes, de nature à accroître les recettes fiscales.
Ces secteurs qui doivent contribuer davantage
«Plusieurs secteurs qui, jusqu’ici, ont bénéficié d’un coup de pouce fiscal, devraient contribuer davantage au paiement de l’impôt. Il s’agit de l’agroalimentaire, les hydrocarbures, la pêche ainsi que l’exploitation des mines ou de carrières de sable», suggère le fiscaliste. Ce dernier attire tout de même l’attention sur le fait que le prochain gouvernement sera dirigé par le RNI, un parti d’obédience libérale, lequel serait très peu enclin à instaurer par exemple l’ISF ou une imposition sur les grosses fortunes.
Sachant que ces deux types d’impôts ont une fonction distributive avérée. Le gouvernement dirigé par Akhannouch, qui sera très attendu sur le front fiscal, devra aussi miser sur le contrôle fiscal, pourvoyeur de ressources financières pour l’Etat. A en croire l’expert-comptable, il est nécessaire que la future majorité déploie des efforts pour la simplification du régime fiscal relatif au secteur informel, notamment la Contribution professionnelle unique (CPU). Jusque-là, force est d’admettre que les commerçants n’ont pas encore totalement adhéré à ce dispositif fiscal, qui a tout de même l’avantage de contribuer à la généralisation de la protection sociale au Maroc.
Par ailleurs, la prochaine réforme devra aussi porter sur la réduction des dépenses fiscales pas toujours opportunes et qui représentent un manque à gagner considérable pour les finances publiques. A ce titre, notre interlocuteur insiste sur l’urgence pour un certain nombre de secteurs de privilégier les aides conditionnées par un réel impact mesurable. «A ce jour, il n’existe au Maroc aucune étude d’impact détaillée permettant de juger de l’utilité des dépenses fiscales, notamment pour certaines entreprises», argumente l’économiste.