La hausse des prix devrait se stabiliser autour de 1% à moyen terme, de quoi justifier la poursuite de la politique accommodante de la Banque centrale.
Par A. Hlimi
Les prix des produits et services au Maroc sont actuellement bien au-dessus de leurs niveaux de 2021. Mais leur rythme de progression a, lui, beaucoup baissé, revenant à moins de 1% en rythme annuel depuis trois mois. Le reflux des matières premières à l'international, notamment les produits pétroliers, et l'ancrage des anticipations des opérateurs économiques après le resserrement de vis de Bank Al-Maghrib en sont des raisons. Mais il en existe d'autres, notamment les différentes mesures gouvernementales prises ces 2 dernières années pour tenter de freiner la hausse des prix, avec de nouvelles souplesses sur les importations et un soutien au pouvoir d'achat qui, malgré leur faible popularité, contribuent à l'atterrissage de l'inflation.
Les dernières statistiques de Bank Al-Maghrib montrent qu'après une légère hausse à 1,3% au troisième trimestre, l'inflation est revenue à 0,7% en octobre 2024. Cette décélération est attribuable essentiellement à l’accentuation des baisses des prix des produits alimentaires à prix volatils et des carburants. En parallèle, la progression des tarifs réglementés est demeurée inchangée à 1,9%. L’inflation sous-jacente est restée à un niveau modéré, se situant légèrement au-dessus de 2%, soit dans la cible de la Banque centrale, selon le wali.
Par ailleurs, les anticipations d’inflation, telles qu’elles ressortent de l’enquête trimestrielle de Bank Al-Maghrib auprès des experts du secteur financier, indiquent que ces derniers s’attendent à un taux moyen de 2,3% pour l’horizon de 8 trimestres et de 2,4% pour celui de 12 trimestres, ce qui témoigne d'un ancrage des anticipations. Ainsi, pour la Banque centrale, en 2024, l’inflation ressortait autour de 1%, après un taux de 6,1% en 2023. Elle devrait rester modérée à moyen terme, se situant, selon les projections de Bank Al-Maghrib, à 2,4% en 2025 et à 1,8% en 2026. Le Conseil de BAM a entériné une baisse de 25 points de base du taux directeur en décembre, le ramenant à 2,5%. Elle se trouve justifiée par cette inflation désormais contenue à des niveaux compatibles avec l’objectif de stabilité des prix. Mais pour le wali, face à un environnement économique international toujours marqué par des incertitudes, la prudence reste de mise.
La Banque centrale désormais tournée vers le soutien à l'investissement
Maintenant que l'inflation semble résorbée, BAM peut poursuivre son cycle d'assouplissement pour accompagner la croissance économique. Pour les analystes de Attijari Global Research, la poursuite de la baisse des taux aurait plusieurs effets positifs pour l’économie marocaine. Tout d’abord, elle contribuerait à réduire les charges d’intérêt pour le Trésor, offrant une marge budgétaire précieuse dans un contexte où d’importants investissements publics sont nécessaires.
La reconstruction post-séisme, la transition énergétique et l’organisation de la Coupe du monde 2030 exigent des ressources significatives, estimées à environ 1,7 billion de dirhams entre 2025 et 2030, soit l’équivalent de 1,2 fois le PIB du Maroc. En outre, un coût de financement réduit favoriserait la relance de l’investissement privé, clé pour dynamiser la croissance économique, prévue à 3,9% en 2025 contre 2,6% en 2024. Selon le bureau de Recherche, les 2 baisses du taux directeur en 2024 permettraient au Trésor d’économiser une charge d’intérêt annuelle avoisinant les 620 MDH.
Un alignement avec les grandes tendances mondiales
Le Maroc n’est pas isolé dans cette stratégie. Les grandes Banques centrales, comme la BCE et la FED, ont également amorcé des cycles de réduction de leurs taux directeurs. En 2024, la BCE a abaissé son taux principal de 100 points de base, et la FED prévoit un assouplissement cumulatif de 100 points de base en 2025. Cet alignement des politiques monétaires à l’international offre une fenêtre d’opportunités au Maroc pour ajuster ses propres taux sans compromettre la compétitivité de sa monnaie. Toutefois, certains risques demeurent.
Les aléas climatiques, le dialogue social et la poursuite du processus de décompensation du gaz pourraient créer des tensions inflationnistes localisées. Bank Al-Maghrib devra ainsi jongler entre soutien économique et vigilance face aux signaux de surchauffe. Pour l’heure, les indicateurs pointent vers un scénario où BAM disposera encore de marges de manœuvre pour abaisser son taux directeur en 2025, consolidant ainsi une reprise économique durable et équilibrée.