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Partenariat public-privé: quels avantages pour la relance ?

Partenariat public-privé: quels avantages pour la relance ?

Présentés par l’Etat comme des outils «innovants» pour le financement de l’économie, les partenariats public-privé peuvent s’imposer comme une solution de choix pour la relance économique en limitant le recours à l’endettement.

Le point avec Ali Skandre, membre du Directoire de BMCE Capital Conseil, filiale spécialisée de BMCE Capital, qui intervient depuis plus de 15 ans dans la structuration et la mise en œuvre de projets PPP au Maroc et en Afrique subsaharienne.

 

Propos recueillis par A. Hlimi

 

Finances News Hebdo : Le Maroc veut inscrire l'année 2021 sous le signe de la relance. Dans ce cadre, le gouvernement compte s'appuyer en partie sur les partenariats publics-privés pour financer cet effort d'investissement. Quels sont pour l'Etat les avantages des PPP par rapport aux autres sources de financement, la dette en l'occurrence ?

Ali Skandre : Les infrastructures jouent un rôle déterminant dans la croissance économique de notre Royaume. Leur développement permet de remplir les missions de prestations de service sd’utilité publique (transport, énergie, santé, éducation, et autres), entraînant un essor socioéconomique direct à travers la création d’emplois, l’accès à l’eau potable, l’électrification rurale et indirectement par l’amélioration de la productivité des agents économiques, notamment par la réduction des coûts logistiques ou coûts énergétiques. De par leur nature, les infrastructures, très capitalistiques, sont généralement réalisées par des entités publiques et financées par le budget de l’Etat. Toutefois, face aux contraintes budgétaires et au poids de la dette publique, les Etats ont de plus en plus recours pour le développement, l’exploitation et la maintenance de ces infrastructures au financement par des opérateurs et investisseurs privés au travers de partenariats publics-privés (PPP).

L’intérêt grandissant du Maroc pour les PPP et leur développement s’explique par les nombreux avantages qu’offre cet outil de financement. Nous pouvons citer à titre d’exemple les avantages suivants :

• Renforcement des infrastructures économiques et sociales ainsi que la fourniture des services, sans peser sur les finances publiques;

• Interlocuteur unique pour l’autorité publique; • Possibilité pour l’Etat de bénéficier de l’expertise, des capacités d’innovation et de financement du secteur privé pour réaliser des projets publics;

• Création d’une dynamique économique et renforcement du lien entre l’Etat et le privé.

Il est clair aujourd’hui que par rapport à un endettement classique, le recours au PPP permet principalement de bénéficier de l’expertise et de l’expérience des opérateurs nationaux et internationaux (expertise technique, juridicofinancière, etc.), et ce pour offrir à l’ensemble des citoyens marocains un service et une prestation de qualité. Enfin, les recours aux PPP permettent à l’Etat marocain de se recentrer sur ses prérogatives et de mobiliser son énergie et ses ressources dans d’autres domaines (sécurité, défense, etc.).

F.N.H. : En face, comment intéresser les investisseurs institutionnels à cette classe d'actifs ?

A. S. : Les investisseurs institutionnels nationaux ont un rôle primordial à jouer dans le développement des PPP. Tout d’abord, il est intéressant de relever qu’au Maroc, comme dans d’autres pays, les investisseurs institutionnels sont actuellement relativement cash positif, et sont par conséquent à la recherche de nouveaux véhicules d’investissement structurés à même de répondre à leurs exigences en termes de rendement, de diversification et de sécurité d’investissement. Ensuite, vu la conjoncture économique actuelle qui se caractérise par la conjonction de deux facteurs économiques: (i) le ralentissement du marché boursier et (ii) des taux obligataires relativement bas, les institutionnels nationaux se sont tournés vers l’infrastructure car elle présente un profil risquerendement plus intéressant.

En effet, il est important de rappeler que les institutionnels nationaux sont à la recherche d’une source de revenu à long terme, et ce afin de couvrir les paiements des pensions de retraites futures, par exemple. Ils sont ainsi généralement disposés à renoncer à une rémunération de leur investissement sur le court terme, notamment pendant les périodes de construction, afin de bénéficier de cash-flows plus importants par la suite. Dans ce sens, les projets de PPP répondent parfaitement à la logique de diversification des sources d’investissements pour les institutionnels, tout en permettant de bénéficier d’un rendement intéressant et en adossant les revenus futurs long terme à leur emplois (paiement des cotisations retraites, etc.).

 

F.N.H. : Le cadre réglementaire est-il propice au développement de cet outil ?

A. S. : Dans la perspective de créer un environnement favorable à la multiplication des projets en partenariats publics-privés, le Maroc s’est toujours doté d’un arsenal juridique adapté à même de dynamiser cet outil de développement. A ce titre, la Chambre des représentants a adopté en janvier 2020 le projet de loi n°46-18 modifiant et complétant la loi n°86-12 relative aux contrats de partenariat publicprivé. La loi n°46-18 a apporté plusieurs amendements importants à notre sens. A titre illustratif, il est utile de noter ainsi l’élargissement du champ d’application aux autres personnes publiques, particulièrement les collectivités territoriales et les personnes morales de droit public relevant desdites collectivités, étant donné que ces entités sont chargées de réaliser une part importante des investissements publics (investissements communaux etc.). De plus, une gouvernance adaptée aux spécificités régionales et locales et l’institution d’une «Commission nationale de partenariat public-privé» auprès du Chef du gouvernement figurent également parmi les amendements apportés et adoptés récemment. Par ailleurs, deux autres amendements ont été introduits par la loi n°46-18.

Le premier concerne la simplification du processus de l’offre spontanée et de clarification des conditions de recours à la procédure négociée. Le second amendement est relatif à l’harmonisation des dispositions de la loi avec celles des lois sectorielles qui prévoient le recours aux contrats de PPP. Enfin, comme le souligne le ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, parallèlement aux ajustements introduits dans la loi, les textes réglementaires actuels seront revus en fonction des amendements précités et de nouveaux textes seront adoptés pour la mise en œuvre des nouvelles dispositions, notamment en ce qui concerne les PPP au niveau local, la gouvernance suite à l’institution de la Commission nationale, etc. Il est clair à notre sens que ce cadre réglementaire, incitatif et attractif, permet de définir une gouvernance appropriée aux contrats de PPP et d’attirer les investissements directs étrangers et privés domestiques. Il permet également de créer un dialogue constructif permettant à terme de faire émerger un flux continu de projets structurants pour le pays.

 

F.N.H. : Quels sont à votre avis les risques liés à ce type de solutions pour les différentes parties prenantes ?

A. S. : Les PPP constituent certes un outil de développement intéressant pour le Royaume du Maroc, mais il est important de noter qu’il ne constitue pas la «solution miracle» à tous les projets. Il est primordial que les projets devant être réalisés sous forme de PPP répondent à un certain nombre de critères d’éligibilité (taille du projet, évaluation préalable, etc.). La réussite ou l’échec d’un projet PPP trouve son origine quasi exclusivement dans la phase de préparation en amont et dans la structuration technico-juridico-financière adoptée. Ainsi, il est important d’accorder une attention particulière notamment aux risques suivants dans la phase de préparation et de structuration :

• Partage des risques entre opérateurs privés et entité publique;

• Eléments de confort/garanties apportés par l’autorité publique;

• Critères de bancabilité du projet; • Retour sur investissement accordé aux opérateurs privés;

• Suivi et contrôle des objectifs de performance fixés dans le contrat.

Ainsi, une mauvaise structuration du projet PPP peut entraîner un échec total et occasionner ainsi une perte de temps (temps de préparation, mise en œuvre, etc.), de fonds (fonds propres injectés, quid du paiement des différentes dettes, etc.) et un risque réputationnel important (risque de mécontentement des citoyens qui ne bénéficient plus du service, risque d’image pour l’opérateur privé, etc.). Il est ainsi primordial de s’entourer des bons conseils (Banques d’affaires, cabinet d’avocat, experts techniques, etc.) pour optimiser les chances de succès des projets PPP.

 

F.N.H. : Certains secteurs et établissements publics ont développé une véritable expertise dans l'utilisation des PPP, quand d'autres ne semblent pas encore les privilégier (les secteurs sociaux par exemple). Est-ce un frein culturel ou est-ce lié au couple rendement/risque peu intéressant de ces projets ?

A. S. : Conscient de la place importante qu’occupent les infrastructures, le Maroc a mis en place une stratégie ambitieuse visant à les développer à travers de grands chantiers dans le secteur de l’énergie (centrale solaire Noor de Ouarzazate, projet éolien de Tarfaya, centrale thermique de Safi, etc.), du transport (Port de Tanger Med I et II, etc.) et des services à la collectivité (gestion des déchets, etc.). Les contrats de PPP au Maroc portent aujourd’hui essentiellement sur les secteurs marchands, compte tenu de leur forte contribution au tissu économique national.

Bien que le recours aux PPP soit toujours nécessaire dans le secteur marchand, l’enjeu se situe désormais dans l’élargissement de cette formule aux services publics non marchands : écoles, hôpitaux, théâtres, éclairage public, parkings, infrastructures numériques, etc. A ce titre, le dispositif des PPP permettra aux secteurs non marchands de développer et de moderniser des infrastructures essentielles (notamment dans les secteurs de l’éducation et de la culture), tout en étalant le financement de l’autorité publique sur une longue période. Toutefois, une réelle réflexion devra être menée pour proposer à l’investisseur privé des montages bancables et rentables.

 

F.N.H. : Enfin, parlez-nous du Track record de BMCE Capital Conseil en la matière et de vos ambitions futures sur les PPP ?

A. S. : BMCE Capital Conseil intervient depuis plus de 15 ans dans la structuration et la mise en œuvre de projets PPP au Maroc et en Afrique subsaharienne en conseillant aussi bien les entités publiques ou parapubliques que les opérateurs privés. Dans le domaine portuaire, nous avons conseillé de nombreux opérateurs portuaires pour les concessions des terminaux à conteneurs du port de Tanger Med (HPH, NYK Line, Evergreen, etc.). Dans le domaine des infrastructures énergétiques, nous avons conseillé l’ONEE dans le cadre du projet de la centrale électrique de Jorf Lasfar (unités 5&6), et plus récemment dans le cadre de l’extension du contrat de PPA des unités 1-4 de la même centrale électrique. Dans le domaine de l’éclairage public, nous avons conseillé avec succès le groupement Citelum (filiale du groupe EDF) et Nabilum dans le cadre de la mise en place d’une Société de développement local (SDL) pour la gestion et l’exploitation de l’éclairage public de la ville de Fès.

Nous sommes également intervenus pour le compte de la wilaya d’Agadir pour la gestion déléguée du transport urbain par autobus ainsi que dans certains projets de gestion de déchets. Nous avons ainsi acquis une expérience probante dans le domaine des PPP, et ce dans différents secteurs d’activités et pour différents clients, publics et privés, nationaux et internationaux, qui nous permettent aujourd’hui de nous positionner sur les futurs projets PPP au Maroc et à l’international. Nous sommes convaincus du fort potentiel de ce créneau au cours des prochaines années et nous ambitionnons de maintenir notre position de banque d’affaires leader sur ce segment stratégique d’activité. D’abord, en accompagnant la stratégie nationale de relance économique du pays, ensuite en exportant notre expertise, notamment en Afrique subsaharienne (via notre banque d’affaires panafricaine BoA Capital) où les besoins en infrastructures et en projets PPP sont également extrêmement importants. 

 

 

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