Les rendements obligataires s’inscrivent sur des plus bas annuels, dans un contexte de maîtrise de l’offre du Trésor et de décélération de l’inflation.
La nouvelle stratégie du Trésor, axée sur les financements extérieurs, a porté ses fruits.
Par Y. Seddik
Depuis septembre, et suite au statu quo de Bank Al-Maghrib, une tendance à la baisse des taux obligataires s’est installée et fait désormais consensus. Les analystes ne voient plus ou peu de risques haussiers d'ici la fin de l'année 2023. Une configuration qui rompt totalement avec le scénario vécu lors des premiers trimestres de l’année. Force est de constater que les dernières séances d’adjudication sur le marché obligataire sont plutôt rassurantes pour les opérateurs de marché, avec des taux sur les compartiments primaire et secondaire qui atteignent des plus bas annuels.
Durant la 2ème séance d’adjudication du mois de novembre, le Trésor n’a levé que 938 MDH sur le marché, face à une demande de 2,9 milliards de DH, soit un taux de satisfaction de 33%. Ce constat reflète la constitution d’un matelas de financement confortable du Trésor. D’ailleurs, du côté de l’État, les signaux positifs sur son aisance financière se multiplient : un besoin de financement mensuel maîtrisé, atteignant même des plus bas historiques en novembre (5 milliards contre 12 milliards en moyenne), un niveau élevé des placements de liquidités du Trésor sur le marché monétaire, dépassant les 30 milliards de DH, et de faibles levées semaine après semaine. Pour les analystes, cette tendance baissière des taux trouve son origine dans plusieurs facteurs, dont une orientation récente du Trésor vers le marché extérieur.
«À ce titre, le Maroc a signé trois accords de prêts auprès de la BAD d’un montant cumulé de 3 milliards de DH. Aussi, le Maroc dispose en plus de la dernière LCM du FMI de 5 milliards de dollars, d’un reliquat de la Ligne de précaution et de liquidité (LPL) tirée en partie en 2022 à hauteur de 2 milliards de dollars. Ce recours au financement extérieur devrait alléger les pressions haussières sur les taux primaires d’ici la fin d’année 2023», explique Attijari Global Research. Il faut dire que la nouvelle stratégie du Trésor axée sur les financements extérieurs s’est avérée payante, car depuis le début de l’année, l’État a pu se constituer un matelas de financement assez confortable qui lui a permis de faire face aux multiples tombées de 2023. D'autres raisons évoquées par le bureau de recherche incluent «la constitution d’un matelas de financement confortable depuis le deuxième trimestre 2023, visible sur ses placements quotidiens sur le marché monétaire, et d’autre part, le reflux des tensions inflationnistes à l’échelle nationale».
Notons qu’en octobre, l’inflation pointait à 4,9%, au plus bas depuis mars 2022, ce qui rassure les investisseurs. L’appréciation du Dirham face au Dollar depuis le début de l’année, conjuguée à la baisse du prix du gaz à l’international ont eu également des retombées positives sur les finances publiques de l’État à fin septembre 2023. De leur côté, les prix du baril du pétrole, principale référence au niveau des cours du gaz, ont connu une détente visible durant les 10 premiers mois de l’année, soit de 20% en moyenne à fin octobre 2023. La conjonction de ces éléments amène les spécialistes du marché des taux à anticiper une poursuite de la tendance baissière de la courbe primaire durant le reste du T4-23.
Pour 2024, le marché ne semble pas, là aussi, intégrer des risques haussiers sur les taux, du fait que les projections du projet de Loi de Finances 2024 indiquent que les levées mensuelles nettes devraient rester à des niveaux confortables. Maintenant, les investisseurs espèrent voir la détente des rendements sur la partie courte et moyenne de la courbe des taux se répandre sur la partie plus longue, réduisant ainsi leurs pertes et moins-values latentes et offrant au Trésor de meilleures conditions de financement dans le futur.