À l’occasion du premier séminaire national dédié à la fonction dépositaire, organisé par CDG Capital, les acteurs du marché financier se sont penchés sur les transformations profondes que connaît ce métier aujourd’hui, au cœur des mutations des fonds dits alternatifs. Entretien avec Adel El Aroussi, directeur du Pôle services aux investisseurs chez CDG Capital.
Propos recueillis par A. Hlimi
Finances News Hebdo : Qu’est-ce qui a motivé l’organisation de ce premier séminaire dédié au dépositaire au Maroc ?
Adel El Aroussi : Nous avons souhaité, à travers ce séminaire, créer un espace de réflexion autour d’un métier longtemps perçu comme discret, mais dont le rôle stratégique s’affirme avec d’autant plus de force dans le contexte actuel. Le dépositaire s’impose comme une pièce maîtresse du développement d’un marché financier à la fois efficace, sécurisé et résilient. Ce rendez-vous intervient à un moment clé, marqué par la montée en puissance des fonds alternatifs au Maroc, notamment les OPCI, la titrisation et le capital-investissement. Il nous est apparu essentiel d’engager une réflexion collective sur l’évolution de cette fonction afin qu’elle puisse pleinement accompagner cette dynamique.
F. N. H. : Concrètement, quels sont les défis que doit relever la fonction de dépositaire avec l’émergence des fonds alternatifs ?
A. E. A. : Contrairement aux OPCVM, qui bénéficient par essence d’une infrastructure de conservation bien établie, les fonds alternatifs sont constitués d’actifs non financiers, tels que l’immobilier, actifs titrisables ou les participations dans des entreprises non cotées. Cela implique une adaptation de posture pour les dépositaires : il ne s’agit pas uniquement d’assurer la conservation, mais de mettre en place des diligences spécifiques permettant de sécuriser les avoirs des investisseurs et de veiller au respect rigoureux des règles définies dans la documentation juridique des fonds. Cette évolution nécessite une transformation à la fois humaine, organisationnelle et technologique. Il en va de la crédibilité de l’écosystème et de la confiance des investisseurs.
F. N. H. : Comment cette évolution est-elle encadrée au niveau réglementaire ? Le Maroc est-il aligné avec les standards internationaux ?
A. E. A. : Une note doctrinale a été diffusée à cette occasion aux professionnels. Elle dresse un état des lieux de la réglementation marocaine en la comparant aux cadres européens, notamment français, luxembourgeois ou belge. Le constat est rassurant : la réglementation nationale est globalement en phase, et certaines missions spécifiques comme le dépôt dans le private equity ou la titrisation sont en cours de finalisation par le régulateur. Ce travail doctrinal a aussi permis d’identifier des points d’amélioration et d’émettre des recommandations à discuter avec les représentants des dépositaires et des fonds alternatifs. Nous mettons ce travail à la disposition de toutes les parties prenantes pour avis.
F. N. H. : Peut-on s’attendre à des mesures concrètes à l’issue de ce séminaire ?
A. E. A. : Absolument. Le point d’orgue de ce séminaire a été l’annonce du lancement d’une feuille de route ambitieuse. Elle repose sur deux leviers structurants : la mise en place d’un cadre permanent de collaboration entre les dépositaires et les associations professionnelles du marché, et l’élaboration de guides pratiques co-construits avec les parties prenantes et enrichis par les retours d’expérience d’experts, nationaux et internationaux. L’objectif est clair : construire un cadre rigoureux, sécurisé et adapté aux spécificités des fonds alternatifs.
F. N. H. : Un mot sur la suite ?
A. E. A. : Ce séminaire n’est qu’un point de départ. Il s’inscrit dans une démarche continue. Nous avons désormais l’ambition de faire émerger un modèle marocain de référence, fondé sur la confiance, l’excellence et l’innovation. Un rendez-vous annuel sera instauré pour assurer un suivi des avancées, favoriser la concertation continue et accompagner l’évolution de notre écosystème.