◆ La crise de la covid-19 est une formidable opportunité pour le développement du crowdfunding.
◆ Ce mode de financement permet aux start-up de concrétiser leurs idées et d’exister, malgré les difficultés financières.
◆ Le point avec Adnane Addioui, fondateur de Wuluj, portail marocain dédié à l’accompagnement du financement de start-up.
Propos recueillis par B. Chaou
Finances News Hebdo : Cette crise pourrait-elle être une «opportunité» pour un meilleur développement du crowdfunding au Maroc ?
Adnane Addioui : Si l’on prend le cas de Wuluj, avant cette crise, la plateforme a connu 3 lancements (ou versions) depuis sa création en 2016. Nous avons essayé d’adapter le concept pour nous approcher le plus de la culture et la mentalité marocaines lorsqu’il s’agit de collecte de fonds auprès du grand public. Ce dernier lancement de Wuluj a été une réussite exceptionnelle. Nous ne pouvons nous en cacher, la crise sanitaire y est pour beaucoup. Elle a été une opportunité qui a poussé de plus en plus de Marocains à utiliser les moyens digitaux dans leur vie courante comme le shopping, courses, formation, faire des dons et la Zakat en ligne durant le mois sacré de Ramadan. L’implication des start-up et des associations concernées dans la communication faite autour de leurs propres campagnes de collecte est autant importante pour promouvoir leurs offres et drainer plus de trafic sur la plateforme. L’évolution de Wuluj postcovid est, en plus du crowdfunding, de devenir une alternative de paiement pour les petits commerces qui n’ont pas la possibilité de développer un site e-commerce ou à avoir un terminal de paiement par carte bancaire.
F.N.H. : En termes de chiffres, combien de fonds a pu jusqu’ici lever ce mode de financement au Maroc ? Et via la plateforme Wuluj ?
A. A. : Au Maroc, les premières plateformes de crowdfunding ont vu le jour en 2014. Aujourd’hui, il en existe seulement deux : Cotozi et Wuluj. Dans sa nouvelle version lancée en 2020 et dans ce contexte de crise, Wuluj a pu collecter plus de 300.000 DH depuis le lancement de la campagne le 30 mars dernier, avec une vingtaine d’associations et de start-up sur la plateforme. Ce qui a permis de financer l’achat et la distribution de tablettes électroniques à des élèves de douars éloignés, de distribuer des paniers alimentaires et de maintenir l’activité économique des startup présentes dans la plateforme. Cette crise est annonciatrice d’une nouvelle aire plus digitalisée et en faveur des actions humanitaires et des startup à fort impact social et environnemental.
F.N.H. : Nous avons besoin aujourd’hui de voir l’émergence de projets créatifs, et à fort impact social. Comment le financement collaboratif peut-il contribuer à cela ?
A. A. : Le crowdfunding permet de libérer les énergies et la créativité. Au sein de MCISE, nous accompagnons des start-up, de l’idée à la concrétisation, qui répondent à notre mission de trouver des solutions innovantes à chaque problématique sociale du pays. Nous avons pensé au crowdfunding à travers Wuluj afin de donner à ces start-up innovantes et à fort impact social la possibilité de concrétiser leurs idées et d’exister malgré les difficultés financières auxquelles elles doivent faire face. Le Crowdfunding permet la mobilisation des investissements de la diaspora marocaine au service de l’innovation et du développement territorial à travers l’outil technologique. Il permet notamment de soutenir des activités à impact social allant de la production agroalimentaire et des produits biologiques à l'artisanat et à l'écotourisme au Maroc. Actuellement, des start-up comme Bistik, You Wood, Idyr, etc. sont celles qui ont innové et révolutionné le mode de production en alliant l’artisanat à l’écologie et qui ont choisi ce mode de financement sur Wuluj.
F.N.H. : Comment encourager l’émergence de plateformes crowdfunding ?
A. A. : Je pense qu’il y a de gros efforts à faire afin d’introduire et d’installer le concept du crowdfunding au Maroc. Les mentalités doivent changer en faveur de ce mode de financement, le Marocain ne fait pas confiance aux intermédiaires et préfère donner directement. La communication à travers les différents canaux médias (TV, radio, réseaux sociaux) est primordiale pour sensibiliser à travers de success-stories, vulgariser ce concept auprès du grand public et clarifier ses effets positifs sur la communauté. Chaque individu peut à son niveau et selon ses moyens, s’il le souhaite, contribuer à la réalisation et la concrétisation des projets qui peuvent impacter son entourage direct, sa commune, sa ville, sa région ou son pays sur le plan social, économique et environnemental. Au niveau légal, avoir un statut hybride, revoir la TVA et l’IS est primordial. ◆