La financiarisation rapide de l’immobilier avec des taux bas et l'arrivée de la finance dans le secteur, notamment à travers les OPCI, a rendu le secteur encore plus vulnérable aux cycles financiers, eux-mêmes dépendants des taux d'intérêt et des matières premières.
Par A. Hlimi
La spirale des fous, comme l’aime à l’appeler Alain Bechade, spécialiste de l’immobilier professionnel, risque de s’arrêter. Elle désigne ce concept selon lequel on s’imagine acheter à crédit aujourd’hui, pour revendre plus cher demain, et surtout faire payer sa facture par le voisin.
La fin de l’argent facile, dictée par un climat d’incertitudes et par la remontée des taux, en serait la cause. Mais pas que. Celui qui a roulé sa bosse dans les fonds d’investissements, intervenait vendredi dans une formation du cabinet Terra Modus. Selon lui, plusieurs indices montrent que le cycle haussier de l’immobilier se retourne. Le premier est bien entendu l’inflation qui va créer un effet ciseaux chez les promoteurs, rendant certains projets non rentables.
La solution serait alors de remonter les prix de vente. Mais le pouvoir d’achat ne peut pas suivre, ce qui va créer un gap entre l’offre et la demande. Obligeant l’offre à s’ajuster. Au Maroc, les derniers chiffres de Bank Al-Maghrib confirment la baisse des prix dans la seconde main, alors que les transactions sont quasiment bloquées dans certaines régions. Selon Alain Bechade, la remontée des taux va limiter l’accès des entreprises et des ménages au crédit bancaire et exacerber cette tendance baissière.
Un autre élément qui signe la fin du cycle est d’ordre socioculturel. Il correspond au décalage entre les besoins réels des ménages et l’offre des promoteurs, qui reste guidée par des considérations financières. Selon l’expert, il faut dissocier la demande des besoins. La demande correspondant aux familles qui souhaitent avoir accès au logement, alors que les besoins représentent les aspirations de ces familles.
Aujourd’hui, le besoin se manifeste pour des logements individuels et non pour les immeubles en hauteur. Un décalage que les promoteurs ne prennent pas en compte. Et de conclure que ce retournement de cycle a été retardé par l’arrivée des investisseurs financiers dans l’immobilier, notamment d’entreprises, à travers les OPCI, eux-mêmes exposés aux mêmes problématiques d’inflation et de hausse des taux qui risquent de rebattre les cartes et drainer des flux vers le marché obligataire.
Comment sortir du cycle baissier
Ce cycle baissier toucherait à sa fin avec une reprise du pouvoir d’achat et une meilleure adéquation de l’offre et de la demande. L’une des solutions proposées pour accélérer cette adéquation, selon Nabil Bounajma, DG de Terra Modus, est un recensement plus exhaustif du foncier disponible à travers les outils digitaux d’une part et, d’autre part, une fiscalité qui obligerait les promoteurs à déstocker, ce qui conduira à un rééquilibrage des prix des vente. Aujourd’hui, certains promoteurs opportunistes peuvent accumuler du capital sous forme de logements sans être exposés fiscalement.