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Economie mondiale : vers la fin de l'hégémonie du Dollar ?

Economie mondiale : vers la fin de l'hégémonie du Dollar ?

La dédollarisation de l'économie mondiale gagne du terrain, mais le processus reste long et semé d'obstacles géopolitiques. Malgré les efforts des BRICS et la montée du Yuan chinois, le Dollar conserve sa position dominante.

 

Par Y. Seddik

Depuis des décennies, le Dollar règne en maître sur l’économie mondiale. Il est la monnaie refuge, la référence pour les transactions internationales, le pilier des réserves de change des Banques centrales. Pourtant, ce rôle de roi incontesté est aujourd’hui contesté. La dédollarisation, un processus visant à réduire la dépendance vis-à-vis du Dollar américain, fait peu à peu son chemin, alimentée par des dynamiques géopolitiques et économiques complexes.

Le Dollar n’a pas toujours été l’unique référence du système monétaire mondial. Comme le rappelle Christian de Boissieu, professeur émérite à Paris I Sorbonne et vice-président du Cercle des économistes, lors de la conférence inaugurale à l'ISCAE-Casablanca, ce rôle lui a été conféré lors des accords de Bretton Woods en 1944, à une époque où les États-Unis émergeaient comme la principale puissance économique et militaire mondiale.

Le lien alors établi entre le Dollar et l’or a consolidé cette suprématie. Mais ce système s’effondre en 1971, lorsque Richard Nixon met fin à la convertibilité du Dollar en or, et avec elle, la garantie physique de cette monnaie. Depuis, le Dollar continue de régner, mais son trône se fissure. En 2000, 70% des réserves mondiales des Banques centrales étaient en dollars; aujourd’hui, cette part est tombée à environ 59%. Une baisse lente, mais significative. Selon de Boissieu, ce lent recul ne doit toutefois pas masquer une réalité plus complexe. «Le passage d’une monnaie dominante à une autre est un processus très long», souligne-t-il. Il aura fallu près de 20 ans pour que le Dollar supplante la Livre sterling après la Première Guerre mondiale. De quoi relativiser l’idée d’un effondrement rapide du billet vert.

L'émergence des BRICS

Au cœur de cette dédollarisation, les BRICS – ce groupe de pays émergents formé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud – jouent un rôle prépondérant. En janvier 2024, ils se sont élargis pour devenir les BRICS+, intégrant 4 pays  : l’Iran, les Emirats Arabes Unis, l’Ethiopie et l’Égypte, renforçant ainsi leur poids économique et géopolitique. Ensemble, ils représentent désormais 46% de la population mondiale et 36% du PIB global. Un bloc qui n’entend plus se plier à l’ordre monétaire mondial dominé par les États-Unis.

Les BRICS cherchent à contourner la dépendance au Dollar dans leurs échanges commerciaux. Le Yuan chinois est souvent cité comme une alternative potentielle. Mais malgré le poids économique de la Chine, la monnaie chinoise ne représente que 3% des réserves mondiales. La raison principale ? Le Yuan n’est pas encore pleinement convertible. «Pour qu’une monnaie joue un rôle international, elle doit être convertible, ce qui n’est pas le cas du Yuan aujourd’hui», explique le professeur. L’expansion du Yuan semble donc inévitable, mais cela reste, là encore, un processus de longue haleine.

Derrière cette quête d’autonomie monétaire des BRICS se cache un enjeu géopolitique. En s’affranchissant du Dollar, ces nations cherchent aussi à contourner les sanctions américaines, souvent imposées via leur contrôle sur le système de paiements internationaux comme SWIFT. Pour ces pays, dédollariser leurs transactions serait une manière de récupérer leur souveraineté financière. Mais le défi est de taille. Les tensions internes au sein des BRICS+ (divergences politiques, niveaux de développement disparates, etc.) compliquent la coordination d’une stratégie commune. Et de l’autre côté de l’échiquier, les États-Unis ne resteront sans doute pas les bras croisés.

L’hégémonie du Dollar confère à Washington un «privilège exorbitant» : celui de pouvoir financer ses déficits sans crainte d'une crise de confiance majeure. Perdre ce privilège serait une secousse majeure pour l’économie américaine. Alors, que nous réserve l’avenir du système monétaire mondial ? Selon Christian de Boissieu, un monde tripolaire est en gestation, avec trois grandes devises : le Dollar, l’Euro et le Yuan.

«D’ici dix ans, le Dollar sera toujours là, mais il aura perdu du terrain au profit de l’Euro et du Yuan». Ce futur polycentrique reflète un monde plus multipolaire, où les forces économiques seront plus dispersées. Mais cela n’assure pas une plus grande stabilité. Un système monétaire dominé par trois devises peut être tout aussi vulnérable aux chocs économiques qu’un système unipolaire centré sur le Dollar. 

 

 

 

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