L’Etat s’appuie sur le mécanisme de la privatisation pour soutenir son niveau de déficit.
Les partenariats public-privé lui permettront de baisser les charges d’investissement.
Par B.C
Le déficit budgétaire de l’Etat continue de susciter le débat, surtout après l’annonce du ministère de l’Economie et des Finances sur le coût du dialogue social qui va s’élever à 14 milliards de DH, dont 1,2 Md de DH dédié à l’augmentation des salaires et des allocations familiales des fonctionnaires et des collectivités locales.
Le ministre a expliqué que suite à cette augmentation, la masse salariale sera de 141 Mds de DH, soit 38% du budget général de l’Etat. De plus, d’après le dernier rapport de la Banque centrale, l’accord du dialogue social accentuerait le déficit budgétaire (hors privatisation) de 3,7% du PIB en 2018 à 4,1% en 2019, avant de s’atténuer à 3,8% en 2020.
Des données qui risquent de peser lourdement sur le Trésor, surtout qu’à fin mai 2019, les dépenses publiques ont atteint 153,1 Mds de DH, en progression de 14,2%, sous l’effet essentiellement des dépenses de fonctionnement (+5,6%) encore une fois, des dépenses d’investissement (+8,4%) et des charges de la dette budgétisée (+48,2%).
Si l’Etat tente de rassurer en estimant que le dialogue social aspire à soutenir le pouvoir d’achat et assurer une certaine équité sociale, n’empêche qu’il faut supposer que l’effet des habitudes de consommation des fonctionnaires ne sera pas immédiat sur la croissance. De plus, rien ne laisse supposer un impact direct sur les revenus fiscaux de l’Etat.
Le gouvernement ne dispose pas de grandes marges de manœuvre pour faire face à son déficit qui a commencé à devier de sa trajectoire baissière en 2018. L’une de ses seules alternatives pour le moment est de s’appuyer sur le mécanisme de la privatisation. Un processus qui a d’ores et déjà commencé avec la cession des 8% du capital de Maroc Telecom, une opération qui devrait renflouer les caisses de l'Etat d'un peu moins de 9 milliards de DH. D'autant que d'autres entreprises publiques devraient suivre.
Car, en effet, les entreprises qui sont sous le contrôle de l’Etat peuvent lui servir d’appoint quand ses finances subissent une pression. Ainsi, outre Maroc Telecom, d’autres entités pourraient suivre, à l’image de l’hôtel Mamounia et la centrale thermique de Tahaddart détenus respectivement par l’ONCF (65%) et l’Office national de l’électricité et de l’eau (48%).
Pour Youssef Abouali, enseignant chercheur en économie, «le problème de la maîtrise des dépenses publiques au Maroc, c’est que les recettes ordinaires ne peuvent plus couvrir les dépenses ordinaires, ce qui pousse généralement un Etat à céder une partie de ses activités».
«L’orthodoxie financière veut que quand un Etat réalise une grande cession, il réalise en contrepartie de gros investissements. Dans le cas de Maroc Telecom, c’est pour boucher un trou, ce qui est désolant pour une entreprise qui rapporte beaucoup à l’Etat», ajoute-t-il.
En effet, ce sont en général, les entreprises étatiques mal structurées et qui représentent un «fardeau» pour l’Etat qui sont cédées. Or, dans le cas de Maroc Telecom, il s’agit d’une entreprise performante et qui rapporte beaucoup. Rappelons que pour le compte de l’année 2018, le bénéfice réalisé par IAM a été de 6 Mds de DH, dont 1,8 Md de DH empoché par l’Etat sous forme de dividendes.
«C’est le manque de visibilité et l’absence d’une stratégie économique qui poussent les Etats à réagir de la sorte. Cette approche peut pallier les problèmes de court terme, mais pas les difficultés structurelles et de fond», indique, pour sa part, un autre économiste.
Parallèlement, l’Etat marocain a annoncé son intention de lancer plusieurs projets en partenariat avec le privé (PPP). En effet, le pays multiplie depuis un moment les chantiers d’infrastructures en lien, entre autres, avec le secteur de l’éducation et la santé. Cela permet d’accélérer la cadence des investissements et d’améliorer le climat des affaires. Mais pas que, car l’Etat aspire également à diminuer ses dépenses d’investissement, un gain de quelques milliards de DH qui pourrait couvrir d’autres dépenses, et garder le déficit à des niveaux supposés soutenables.
Pour Youssef Abouali, «c’est effectivement l’idée qui sous-tend les PPP. Toutefois, pour que cela fonctionne bien, les projets doivent être bien étudiés et ciblés, pour être sûr qu’ils vont assurer de bonnes ressources pour l’Etat». ◆
La compensation est une rubrique à laquelle il faut également prêter attention. En effet, la charge de compensation a progressé de près de 53%, à fin mai 2019 sur une année glissante, atteignant 6,7 Mds de DH. Ce qui représente pas moins de 36% du montant total de 19 Mds de DH planifié par la Loi de Finances 2019 au titre de la caisse de compensation.