La lutte contre la criminalité financière nécessite une formation poussée des gendarmes financiers de demain, avec une double compétence : juridique et financière. Une approche concertée entre les pays basée sur l’échange de renseignements et la coopération est également souhaitable.
Comment lutter efficacement contre la criminalité financière ? Diminuer ses effets destructeurs sur l’économie ? Traquer les délinquants financiers ? Autant de questions qui ont fait l’objet récemment d’un colloque organisé par le laboratoire de recherche Actuariat, criminalité financière et migration internationale (ACFIMI), rattachée à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l’Université Hassan II de Casablanca. D’emblée, Gilles Duteil, professeur à l’Université d’Aix-en-Provence, qui en 2001 a créé l’un des tout premiers diplômes consacrés à la lutte contre la délinquance financière, plante le décor : «le crime organisé représente la première menace non militaire depuis la fin de la guerre froide». Ce fléau, qui concerne aussi bien les pays riches que ceux en développement, est en constante transformation, profitant des mutations technologiques, de la globalisation financière, de l’effacement des frontières, sans parler de ses liens étroits avec le terrorisme.
De l’avis de l’ensemble des intervenants, ces caractéristiques du crime financier appellent nécessairement une réponse globale. «La coopération internationale reste complexe, tant les différences d’ordre juridique sont nombreuses», souligne Rachid Chaabita, membre du laboratoire de recherche. «Un seul pays, même qualifié, ne peut lutter contre la criminalité transfrontalière», renchérit Abderrahim Faracha, également membre du laboratoire. Une lutte efficace contre les crimes financiers requiert, selon lui, 3 conditions : le renseignement, la coopération et la compétence. Sur ce dernier point, l’Université a un rôle-clé à jouer.
Comme le souligne Geert Delrue de l’Ecole de police des Flandre en Belgique, il est aujourd’hui nécessaire de former des personnes qui savent détecter les multiples formes de la criminalité financière, notamment les avantages patrimoniaux illégaux, afin de les saisir. «Il faut taper dans le portefeuille des criminels et non juste les incarcérer», soutient-il. Par ailleurs, les barrières entre les compétences juridiques et celles financières doivent être levées, à travers la mise en place de formations pouvant marier ces deux disciplines. C’est le cas de l’Université Hassan II qui a lancé un Master intitulé Détection et Prévention de la criminalité financière organisée, dont l’objectif est de former les gendarmes financiers de demain.
Notons enfin que l’ouverture du colloque a été marquée par la présentation d’une enquête réalisée par le laboratoire ACFIMI auprès d’un échantillon de 200 personnes composé de juristes, chefs d’entreprise, de directeurs financiers, et d’experts-comptables. Il en ressort un chiffre édifiant : 67% d’entre eux ont déjà rencontré de la délinquance financière au cours de leur parcours professionnel. Les fraudes les plus connues sont les faux en écritures, la fraude fiscale et les factures falsifiées.
Amine El Kadiri