Le Maroc se trouve confronté à une situation singulière et préoccupante : environ 30% de son PIB circulent sous forme de cash.
L’introduction de la future monnaie digitale, l’e-dirham, est envisagée comme une solution potentielle pour réduire la circulation du cash.
Par Y. Seddik
Au Maroc, le cash est roi. Les billets de banque changent de mains à un rythme effréné et alimentent une économie où le papier-monnaie règne en maître. Mais cette dépendance au cash, qui atteint près de 30% du PIB, commence sérieusement à inquiéter les autorités. Lors de la récente réunion trimestrielle de Bank Al-Maghrib, le wali Abdellatif Jouahri a tiré la sonnette d'alarme, mettant en lumière les risques liés à cette «addiction» nationale.
Une économie souterraine qui prospère, des transactions opaques et un risque accru de blanchiment d'argent sont autant de défis auxquels le pays doit faire face. Contrairement à ce que certains pourraient penser, Jouahri a clairement indiqué que les opérations de rappel de billets ne constituent pas la solution à ce problème. «Les pays qui ont procédé au rappel des billets, l’ont fait principalement pour des raisons fiscales et de change, et non pour limiter l’utilisation du cash», a-t-il expliqué.
Ces mesures sont souvent destinées à contrer les sorties illégales de monnaie nationale ou à améliorer la traçabilité des transactions pour des fins fiscales. Pour le wali, il faut sensibiliser les citoyens à l'utilisation excessive du cash. Il a également suggéré de rendre obligatoire l'utilisation du digital pour les aides sociales. Actuellement, 69% des aides sociales directes sont distribuées via des établissements de paiement, tandis que 31% passent par le secteur bancaire.
Jouahri a appelé à intensifier les efforts pour élargir la culture financière, surtout auprès des populations vulnérables. L'objectif est de réduire progressivement la circulation de cash et de promouvoir des pratiques financières plus transparentes. En outre, l'introduction imminente de l'e-dirham, une monnaie digitale, est envisagée comme une solution potentielle pour réduire la dépendance au cash. Ce projet fait partie d'une série d'initiatives destinées à moderniser le système financier marocain. Jouahri a souligné que ce problème est en partie dû à un manque d'éducation financière et à la prévalence de l'économie informelle. «Le cash demeure le principal moyen de financement du blanchiment d’argent et du terrorisme en raison de son absence de traçabilité et de l’anonymat qu’il procure», a-t-il affirmé.
La dualité du cash
Pour faire face à ces défis, un comité a été mis en place, regroupant des banques, le ministère de l'Économie et des Finances, ainsi que des chercheurs. Ce comité a pour mission d'examiner les causes profondes de cette dépendance au cash et d'identifier les meilleures solutions pour y remédier. Cette initiative vise non seulement à moderniser le système financier, mais aussi à réduire l'économie informelle et à promouvoir une économie plus traçable et transparente. Jouahri a également abordé la question du cash comme un droit du citoyen.
«Bien que le cash soit un droit du citoyen, ce droit a des contreparties. Lorsque le gouvernement demande que le cash passe par le digital, il le fait pour faciliter le contrôle ultérieur, ce qui est dans l'intérêt de la communauté», a-t-il conclu. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre entre la liberté d'utilisation du cash et les impératifs de traçabilité et de sécurité financière. La transition vers un système financier plus digitalisé est une étape essentielle pour pallier cette problématique de cash. En réduisant la dépendance à la monnaie fiduciaire, le pays peut espérer améliorer la transparence de ses transactions, limiter les activités illégales et promouvoir une inclusion financière plus large. Les efforts combinés du gouvernement, des institutions financières et de la société civile sont cruciaux pour atteindre cet objectif.