Propos recueillis par A. Hlimi
Finances News Hebdo : Comment avez-vous traversé l'année 2020 ?
Lotfi Sekkat : Nous avons traversé l'année 2020 globalement dans de bonnes conditions. Aujourd'hui, je peux identifier deux temps forts. Une première période où nous étions sur la lancée de 2019 et où nous commencions petit à petit à parler du Coronavirus. Et une seconde période, à partir de l'été, où nous avons compris que la crise sanitaire mondiale allait durer plus que prévu. Dans ce contexte, nos préoccupations étaient constamment de faire face aux conséquences de la crise et de faire preuve de résilience. Comme vous le savez, les impacts économiques étaient importants et cette crise a la particularité de réduire la mobilité des citoyens, ce qui impacte le secteur bancaire. Mais ces contraintes ne nous ont pas empêchés de rester mobilisés auprès de nos clients pour atténuer les effets de la crise.
F.N.H. : Qu'en est-il de vos indicateurs financiers ?
L. S. : Nous terminons l'année avec un résultat net positif de 81 MDH. Il est en forte chute par rapport aux années précédentes. Mais cela est essentiellement dû à notre envie de constituer un matelas de sécurité pour justement renforcer la résilience de la banque.
F.N.H. : La baisse des résultats cache un bon comportement des indicateurs commerciaux. Comment expliquer ces performances dans ce contexte ?
L. S. : Le secteur bancaire est au cœur de l'économie. L'économie continue de tourner et c'est pour cette raison que les ressources sont toujours là et la demande de crédits également. Évidemment, l'impact immédiat de la crise sur l'activité se concentre sur le volet des risques. Mais pour les ressources et les crédits productifs et de qualité, la demande est encore là et CIH Bank a cherché à en capter le maximum possible. Nos dépôts clientèle ont augmenté de 21% et nos crédits de 19%. Ceci s'explique par notre stratégie à long terme qui est mise en œuvre depuis au moins une dizaine d'années. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que nos ressources et nos emplois connaissent une évolution à deux chiffres. Nos clients ont constaté que le service n'a pas changé durant la crise, que nos équipes étaient mobilisées et c'est grâce à cela que nous maintenons notre élan. Je signalerai enfin que nos dépôts ont aussi bien profité de l'arrivée de nouveaux clients que des clients anciens qui ont épargné un peu plus que d'habitude.
F.N.H. : Avec du recul, votre stratégie de gratuité totale des services bancaires pour certaines catégories de clients est-elle rentable ?
L. S. : Bien entendu. Il faut garder en tête que notre objectif en tant qu'entreprise est de générer de la rentabilité pour nos actionnaires. Nous n'aurions pas persisté dans cette stratégie de gratuité si elle n'était pas rentable. Chez CIH Bank, nous croyons que le modèle de l'activité bancaire au quotidien est à repenser. Faire payer les gens qui vous confient leur argent nous paraît anachronique dans le monde actuel. A l'heure de la digitalisation, les coûts baissent et nous devons en faire profiter les clients, l'effet de taille jouant. C'est un changement de modèle que nous opérons et que nous allons poursuivre parce que nos clients y ont droit.
F.N.H. : Comment se présente 2021 ?
L. S. : Deux types de réflexions sont en cours chez les acteurs économiques en ce moment. Ceux qui s'interrogent sur les évolutions de la pandémie, les variants, l'efficacité des vaccins, etc. Et ceux qui estiment que de toutes les façons, l'économie doit repartir et nous devons changer notre façon de vivre au quotidien pour s'adapter au virus. Je fais partie de cette deuxième catégorie. Il est temps d'œuvrer, nous tous, pour la relance. Le Maroc a mis en place le cadre adéquat en termes de protection des citoyens et de vaccination. Concernant le secteur bancaire précisément, il a un effet de latence. Nous concernant, nous avons provisionné pour faire face aux défaillances des entreprises en 2021. Je pense également que les entreprises qui se portaient bien avant la crise, bien qu'elles aient souffert, vont se relever grâce aux différentes mesures de soutien. Les entreprises en difficulté, qui, elles, risquent de faire défaut, ont été bien provisionnées. Nous sommes donc confiants en l'avenir et nous sommes armés pour affronter cette année charnière.