African Exchanges Linkage Project doit permettre à la Bourse de Casablanca de se connecter à 5 autres places boursières africaines.
Une telle intégration permettrait l'accès à un pool de liquidité plus important, et donc d’améliorer leur attractivité.
L’intégration des économies africaines passe inexorablement par une plus grande intégration entre les différents marchés financiers du continent, et a fortiori, par plus de connectivité entre les marchés boursiers.
Aujourd’hui, force est de constater que les différentes places boursières africaines (plus d'une vingtaine) évoluent chacune de leur côté, voire se tournent le dos. Cette fragmentation ne leur permet pas de jouer convenablement leur rôle en matière de financement de l’économie, un rôle qui reste encore, très largement, l’apanage des banques.
«Si les marchés africains étaient intégrés, les montants levés pour financer le développement du continent et la croissance des entreprises seraient bien plus important qu’aujourd’hui», indique Karim Hajji, Directeur général de la Bourse de Casablanca. Celui qui a récemment accédé à la présidence de l’African Securities Exchanges Association (ASEA, l’Association des Bourses africaines), a d’ailleurs fait de l’interconnexion entre les Bourses africaines l’un des chantiers prioritaires de son mandat.
Il s’agit, dans un premier temps, d’interconnecter entre elles 6 places boursières du continent: Casablanca, Johannesburg, Lagos, Nairobi, Maurice et la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo).
L’intégration de ces places boursières permettrait d’avoir accès à un pool de liquidité plus important et donc d’améliorer leur attractivité, que ce soit pour les émetteurs ou les investisseurs locaux et étrangers.
«Ce projet de l’Association des Bourses africaines, qui s’intitule AELP (African Exchanges Linkage Project, ndlr), est un grand défi», ajoute Badr Benyoussef, directeur de développement à la Bourse de Casablanca, qui n’a pas manqué de rappeler le besoin «énorme» en ressources financières dont a besoin le continent. «L’Europe, l’Amérique latine et l’Asie ont créé des marchés communs, interconnectés entre eux, pour pouvoir, justement, libérer l’épargne collectée. Cette connectivité manque cruellement en Afrique. Il faut absolument accélérer sur ce point», souligne-t-il.
Concrètement, il s’agit de créer une plateforme commune qui permet de traiter les valeurs cotées dans les 6 Bourses précitées, et d’avoir un échange d’informations entre ces marchés. Cela doit, in fine, permettre à un broker marocain de passer un ordre pour un client final, sur l’un de ces marchés, en passant par un broker local (Sponsored Access, ndlr). Et vice-versa.
Démarche en synergie
Le projet AELP, mené en partenariat avec la Banque africaine de développement, n’est pas une mince affaire. Mais «le projet avance», assure Badr Benyoussef.
La Bourse de Casablanca peut s’appuyer sur les relations bilatérales conclues avec certaines places boursières africaines, comme Abidjan ou Lagos. Un travail en synergie y est fait, avec tous les intervenants sur la chaîne de valeur : les régulateurs, les associations professionnelles (société de Bourse et gestionnaires d’actifs, les Bourses) et les dépositaires centraux pour le post-trade.
Cette démarche en écosystème permet d’aller beaucoup plus vite, de traiter l’ensemble de la chaîne de valeur, d’identifier les points de blocage et de les régler rapidement. «Ce travail est fait depuis 2 ans, et on commence à voir le bout du tunnel. J’espère que l’on pourra traiter très bientôt les premières transactions entre ces marchés», confie-t-on à la Bourse de Casablanca.
Accélérer sur les doubles cotations
En attendant que le chantier de l’AELP devienne réalité, la Bourse de Casablanca veut dynamiser les doubles cotations. Actuellement, une seule entreprise en bénéficie sur la place casablancaise : il s’agit du tunisien Ennakl.
«Nous avons quelques entreprises qui ont montré de l’intérêt pour une double cotation au Maroc», assure-t-on du côté de la Bourse de Casablanca.
Par ailleurs, Maroclear rappelle que le Maroc a opéré une mise à niveau de ses infrastructures de marché afin de pouvoir traiter la devise. «Aujourd’hui, en tant qu’infrastructure de marché, le Maroc est capable de traiter une émission d’une valeur en devise, que ce soit à travers une cotation en Bourse ou un placement privé», précise Mohamed Slaoui, directeur des opérations de Maroclear.
«Nous pensons que la cotation des filiales africaines des grands groupes marocains serait une bonne chose», suggère Badr Benyoussef. ■
Les défis à relever
L’intégration des marchés boursiers nécessite de relever des défis techniques, mais pas que. Les aspects qualitatifs sont également à prendre en considération.
Il s’agit d’abord de l’harmonisation réglementaire et comptable. Le directeur de développement de la Bourse de Casablanca prend l’exemple des normes IFRS pour illustrer cet impératif de standardisation. «En Afrique de l’Est et Centrale, les normes mises en place collent parfaitement aux IFRS, ce n’est pas encore le cas chez nous», dit-il.
L’accessibilité et la visibilité des données (développement de la data) est un autre défi de taille à relever, pour qu’un investisseur puisse avoir l’information qu’il faut en temps voulu. Enfin, le volet gouvernance est également primordial au niveau de la prise de décision des investisseurs. «Ce sont des choses sur lesquelles nous devons tous travailler», reconnaît Benyoussef.
A.E