À la veille de l’ouverture des souscriptions pour son introduction en Bourse, Cash Plus finalise un roadshow dense auprès des investisseurs institutionnels. Son PDG, Nabil Amar, revient pour Finances News Hebdo sur la transformation du groupe, son positionnement réel dans l’écosystème financier marocain, ses perspectives de croissance et les raisons pour lesquelles les petits porteurs pourraient s’intéresser à cette fintech désormais incontournable.
Propos recueillis par A Hlimi
Finances News Hebdo : Vous venez de boucler votre roadshow. Comment l’opération a-telle été accueillie par les investisseurs professionnels ?
Nabil Amar : Très favorablement. Cash Plus intrigue souvent, car le public connaît surtout la marque et le réseau, mais beaucoup ignorent la profondeur technologique de l’entreprise et la dynamique dans laquelle nous nous inscrivons. Le roadshow a été l’occasion d’expliquer ce que nous faisons réellement, comment nous opérons et où nous allons. Les institutionnels ont apprécié cette transparence et ont bien accueilli notre vision de long terme.
F. N. H. : Vous l’avez dit : pour beaucoup, Cash Plus reste associé au transfert d’argent. Qui êtes-vous vraiment aujourd’hui et que n’êtes-vous pas ?
N. A. : Cash Plus n’est pas ou plutôt n’est plus une simple société de transfert d’argent, et ce depuis longtemps. La société est née il y a 20 ans avec une mission claire : rendre les services financiers accessibles à tous. Nous avons grandi au gré des évolutions réglementaires. D’abord société de transfert de fonds, puis établissement de paiement agréé par Bank Al-Maghrib. Ensuite, nous avons accueilli un fonds d’investissement en 2014, puis un family office en 2020. Aujourd’hui, Cash Plus est une plateforme technologique qui traite 400 millions d’opérations par an, un réseau de 5.000 points de services, plus de 2 millions de comptes de paiement actifs et 1,5 milliard de dirhams qui tombent chaque mois sur ses comptes, entre salaires, allocations familiales ou aides sociales. Nous sommes, en réalité, une fintech intégrée, au service des personnes, des entreprises privées, des institutions publiques et de l’inclusion financière.
F. N. H. : Parlons de l’opération. Vous levez 750 MDH, dont 400 MDH en augmentation de capital. À quoi serviront ces fonds ?
N. A. : Ils soutiendront notre projet de transformation pour les prochaines années. D’abord, nous voulons être encore plus proches des Marocains, physiquement et digitalement. Notre réseau compte déjà 20% d’agences en zones rurales, mais le besoin y reste immense, tant sur les services financiers que non financiers. Ensuite, nous allons accélérer notre transformation technologique. Nous avons 2 millions de porteurs de comptes : l’enjeu maintenant est de les équiper massivement de moyens de paiement. Or, le marché marocain est sous-adressé : 70.000 commerçants équipés de TPE sur un potentiel de 1,5 million. Ce gisement est énorme. Nous voulons donc élargir notre base d’utilisateurs, mieux équiper ceux qui le sont déjà et accélérer l’adoption du paiement dans le pays.
F. N. H. : Justement, pourquoi le rural constitue-t-il un levier de croissance important pour Cash Plus ?
N. A. : Parce que 40% de la population marocaine vivent en zone rurale. Ce sont des territoires où les besoins d’accès, de désenclavement et de services sont très forts. Nos agences y jouent un rôle pratique, social, parfois même administratif. La majorité de nos porteurs de comptes est issue du monde rural. L’objectif est clair : leur offrir des outils de paiement modernes qui leur permettent de payer, retirer, recevoir, de manière simple et fluide.
F. N. H. : Pour 2025, quelles sont vos attentes en matière de performance financière ?
N. A. : Nous prévoyons un chiffre d’affaires d’environ 1,8 milliard de dirhams et un résultat net autour de 240 millions de dirhams. Le business plan présenté au marché reste volontairement conservateur. Il ne reflète que le périmètre actuel, sans intégrer toutes les transformations que nous allons mener. Le potentiel est donc plus important que ce qui est affiché.
F. N. H. : Quelles sont aujourd’hui les grandes familles de revenus de Cash Plus ?
N. A. : Deux piliers. 1. Les services financiers : transferts d’argent nationaux et internationaux, opérations liées au compte de paiement (cash-out, paiement de factures, paiements par carte…). 2. Les services non financiers : télécoms, colis, e-commerce, services de proximité variés. Au total, plus de 150 services sont proposés dans nos agences.
F. N. H. : Le marché semble très concurrentiel. Qu’est-ce qui vous distingue réellement ?
N. A. : D’abord, nous sommes indépendants, ce qui est rare dans ce secteur. Ensuite, notre ADN est très proche du citoyen. Nos franchisés - car une grande partie du réseau est en franchise - sont euxmêmes des entrepreneurs. Leur réussite est directement liée à la richesse de notre portefeuille de services. Ensuite, notre force réside dans la diversité des clients : les particuliers, les entreprises privées (assureurs, BTP, intérim…), les institutions publiques. Beaucoup de grands acteurs utilisent aujourd’hui les services de Cash Plus : indemnisation d’assurance, paiement de travailleurs journaliers, distribution d’aides sociales, gestion de dossiers maladies, remboursements CNSS… Nous sommes devenus un pont opérationnel entre les institutions et le citoyen.
F. N. H. : Quel message adressez-vous aux petits porteurs qui envisagent de participer à l’IPO ? Cash Plus est-elle une valeur de croissance, de rendement… ou les deux ?
N. A. : Les deux. Cash Plus est une entreprise marocaine, régulée, rentable et solidement gérée. Rejoindre Cash Plus, c’est rejoindre une équipe jeune, motivée, qui transforme depuis dix ans le paysage financier du pays. Nous sommes une valeur de rendement parce que notre activité est récurrente, solide et bien maîtrisée. Mais nous sommes aussi une valeur de croissance, car de nombreux chantiers vont transformer le marché des paiements au Maroc. Nous comptons surprendre positivement le marché dans les prochaines années.