Après une année boursière sinistrée comme 2022, il y avait de bonnes raisons de croire que 2023 serait meilleure. Mais peu avaient anticipé une année aussi performante. Bilan annuel.
Par Y.S
Avec 12,73% de hausse en 2023, le Masi illustre parfaitement le réveil de la gourmandise des investisseurs, après un millésime 2022 au goût amer où le marché avait signé sa pire performance historique (-19,75%). Ce regain, ni fulgurant ni négligeable, a donc représenté une convalescence mesurée mais significative pour un marché encore marqué par les aléas de l'an passé. En début d'année, le climat n'était pas encore propice à une reprise haussière.
Le marché boursier était assailli par les craintes liées aux taux d'intérêt et à l'inflation persistante. En janvier, le segment obligataire a connu plusieurs turbulences, notamment une correction programmée de la courbe des taux, qui a entrainé un décrochage dans le secteur des actions. Au premier trimestre, l'indice Masi a chuté de 3%, victime des mêmes facteurs qui l'avaient affaibli en 2022 : inflation galopante, augmentation des taux d'intérêt, baisse de la demande intérieure; et une croissance atone, exacerbée par une campagne agricole peu prometteuse.
Trois mois plus tard, le vent a tourné. Les premiers signes de désinflation, couplés à la décision de Bank Al-Maghrib de maintenir son taux directeur, ont permis au MASI de reprendre des couleurs, affichant une hausse de plus de 14% jusqu'à début août. Cette période faste a été suivie d'une phase de correction qui a duré plus de deux mois. Le 6 octobre fut une journée à marquer d'une pierre blanche pour le MASI, qui a réagi positivement à l'annonce de l'attribution de la Coupe du monde 2030. Cette séance-là, l'indice a enregistré un bond spectaculaire de 5,08%, soit plus de 590 points en ligne droite, marquant ainsi l'une de ses plus fortes hausses journalières historiques.
Depuis cette date et jusqu'à la fin de l'année, le marché a évolué, oscillant entre les extrêmes établis lors de cette séance exceptionnelle. En prenant un peu de perspectives, il nous paraît que l’indice a récupéré une bonne partie du terrain perdu l’an dernier. Et en prenant aussi du recul, on peut tirer deux principaux enseignements de cette année.
Market timing Vs Time in the market
D’abord, l'année 2023 a renforcé un principe fondamental de l'investissement : l'importance de rester investi sur le long terme. Cette stratégie, souvent éclipsée par la quête du 'timing parfait', s'est avérée cruciale dans un contexte de marché imprévisible. L'adage «Time in the market matters more than timing the market» ou «le temps passé sur le marché prime sur le timing du marché» a pris tout son sens lorsque les investisseurs, qui ont maintenu leur cap malgré les turbulences de 2022, ont vu leurs portefeuilles non seulement récupérer, mais aussi prospérer.
Cette observation souligne la difficulté, voire l’impraticabilité de prédire les mouvements du marché à court terme. Les investisseurs qui ont succombé à la panique ou qui ont tenté de 'timer' le marché, ont souvent manqué les phases de reprise les plus rapides et les plus puissantes. À l'inverse, ceux qui ont adopté une perspective à long terme, avec une stratégie d'investissement bien définie et une diversification judicieuse, ont récolté les fruits de leur patience et de leur persévérance. Cette leçon de 2023 réaffirme l'importance d'une vision à long terme, suggérant que la résilience et la régularité dans l'investissement sont souvent plus payantes que la tentative de surfer sur les vagues de volatilité à court terme.
Ce qui monte finit par baisser
Ensuite, 2023 a également été un parfait témoin des cycles naturels de l'économie. Tout comme la nature suit des cycles de croissance et de repos, l'économie mondiale oscille entre expansion et contraction. Cette année, nous avons observé l'apogée de l'inflation et des taux d'intérêt avant qu'ils ne commencent leur inexorable descente. Cette dynamique a rappelé aux investisseurs et aux décideurs économiques l'importance de reconnaître et de respecter ces cycles naturels.
La baisse de l'inflation, en particulier, a été un soulagement bienvenu après des périodes prolongées de hausse des prix. Ce recul a également ouvert la voie à un assouplissement des politiques monétaires, favorisant ainsi une reprise économique plus robuste. En outre, la diminution des taux d'intérêt a permis de relâcher la pression sur les emprunteurs, tant au niveau des entreprises, des consommateurs que du Trésor. Ces développements suggèrent une leçon importante : comprendre et respecter les cycles économiques peut non seulement aider à naviguer dans les eaux tumultueuses des marchés, mais aussi à préparer le terrain pour les phases de reprise et de croissance. Cette prise de conscience est cruciale pour les stratégies d'investissement à long terme et pour une planification économique efficace.
En somme, force est de constater que le moteur principal des marchés financiers a été l'évolution de la politique monétaire de la Banque centrale et les fluctuations de l'inflation, un phénomène observable à l'échelle mondiale. Les financiers ont consacré leurs efforts à anticiper le pic de relèvement du taux directeur et tentent maintenant de prévoir le moment du fameux pivot monétaire, qui marque le basculement d'une politique restrictive vers une politique accommodante. Pour eux, il est temps que Bank Al-Maghrib modère son approche dans la lutte contre l'inflation pour se concentrer davantage sur les nouveaux défis économiques du Royaume, tels que la croissance et l'investissement.
Tops & flops de la Bourse
Profitant de vents favorables tant micro que macroéconomiques, plusieurs secteurs cotés se sont distingués cette année, surperformant même le Masi. Par ordre de performance, on cite l’immobilier. En effet, les investisseurs ont porté un vif intérêt aux dossiers du secteur immobilier depuis le début de l’année. L’indice sectoriel fait sensation en affichant une performance exceptionnelle, dépassant les…116% en YTD, le propulsant ainsi en tête des variations parmi les 23 secteurs cotés en Bourse, bien que beaucoup de spéculations aient accompagné le mouvement.
Avec l’atténuation des tensions inflationnistes et l’émergence de l’espoir d’un redressement de la demande, stimulée par de nouvelles mesures d’aide aux primoacquéreurs, les promoteurs immobiliers ont de beaux jours devant eux. Avec une progression de son cours de près de 85% depuis le début de l'année, le secteur hôtelier, représenté par Risma, qui a franchi la barre des 3 milliards de dirhams de capitalisation, a gagné les faveurs des investisseurs en 2023. Profitant pleinement du rebond mécanique du tourisme au Maroc, post-réouverture des frontières, l'opérateur touristique a amélioré son taux d'occupation, augmentant ainsi ses marges et sa rentabilité.
À moyen et long terme, le groupe envisage d’élargir son portfolio en intégrant de nouvelles enseignes hôtelières, en complément de celles d'Accor, accélérant ainsi sa croissance et offrant une gamme plus complète d’expériences à ses clients. Ces initiatives stratégiques, non prises en compte par le marché, ont été chaleureusement accueillies.
Introduite en Bourse il y a un an, Akdital affole déjà les compteurs avec une hausse de 81%. Dans les petits papiers de plusieurs analystes de la place, la valeur est appuyée par des fondamentaux solides, des perspectives favorables et par l'intégration de l'indice MSCI FM, augmentant la visibilité d'Akdital même auprès des investisseurs étrangers. Le management prévoit d’ailleurs des revenus de 2 milliards de dirhams pour 2023. Le marché a réagi avec enthousiasme à la performance de l’opérateur au cours du premier semestre (chiffre d’affaires progressant de 84%).
Les investisseurs, initialement sceptiques face au plan de développement ambitieux du groupe, reconnaissent maintenant sa capacité à tenir ses promesses. L'attention se tourne désormais vers les réalisations post-business plan et les défis de l'internationalisation pour maintenir la croissance rapide de l'entreprise.
L’hégémonie des banques
Il faut dire que cette année, la complexité du contexte économique a orienté les investisseurs vers les secteurs les plus résilients, ou du moins qui ne présentent pas de risque de volatilité, à l'image du secteur bancaire. Ce dernier dégage une performance boursière de 19,50% et a connu la seule IPO du marché en 2023 réalisée par CFG Bank, qui fait d’ailleurs mieux que son secteur en gagnant 27% en l’espace de quelques jours de cotation. En termes de résultats, semestre après semestre, les banques enchaînent les bonnes performances financières, dopées par la stabilité de la courbe des taux, la reprise du marché actions et du crédit à l'équipement, mais aussi la bonne tenue des marges d'intermédiation.
Les performances extrêmes de l'année ont touché aussi bien les petits que les moyens dossiers, à l’image de Delta Holding et Marsa Maroc, qui ont démontré une capacité remarquable à naviguer dans cet environnement complexe, avec des gains de 57% et 26,62% respectivement. Représenté par trois valeurs à la Bourse de Casablanca, le secteur minier a connu une année difficile en Bourse, avec une perte globale de 30,59%.
Cette baisse a été impactée, entre autres, par la diminution des cours des métaux de base et par l'amende significative imposée à l'opérateur Touissit par l’Office des changes. Touchée par une baisse à la fois des prix et des volumes, SNEP a rompu avec ses années de gloire boursière, enregistrant une baisse de 21,48% en YTD. En revanche, le projet d'agrandissement des capacités de production de SNEP, qui vise à augmenter ces dernières à 90.000 tonnes de PVC et qui a été inauguré officiellement le 6 décembre, devrait apporter un nouvel élan à l'entreprise dès 2024.
2023, millésime exceptionnel pour les OPCVM
En 2022, l’industrie des OPCVM a été impactée par la baisse du marché boursier et par les tensions haussières entretenues sur le marché obligataire. Elle a également subi une décollecte historique au niveau de plusieurs catégories de fonds, avec des indices de performance en net recul par rapport à l’année d’avant. Cette année, l’industrie renaît de ses cendres : les fonds ont effectué une collecte nette de 81 milliards de DH pour un encours sous gestion de 581 milliards de DH.
Dans le détail, les fonds obligataires court terme se distinguent par une collecte de 46 Mds de DH, suivis des OPCVM obligataires long terme pour 16 Mds de DH, le reste étant répartis entre les différentes catégories d’OPCVM. Rappelons que sur les 240 milliards de DH levés par le Trésor jusqu’à fin novembre 2023, 150 milliards de DH ont porté sur du court terme, soit 63% du total, en hausse de 114,5% par rapport à fin novembre 2022.
En termes de performances, l’ensemble des catégories de fonds affiche une variation positive atteignant jusqu’à 10,8% pour les OPCVM actions. Une dizaine de fonds grand public réalisent même plus de 14% de performance, bien au-delà de l'indice Masi, qui affiche +11,5% sur la même période.
Quant aux fonds obligataires court terme, ils dégagent une performance de 3,17% contre 3,10% pour le diversifié et 2,82% pour le monétaire. Les autres compartiments de la gestion d’actifs réalisent, eux aussi, des progressions en ligne avec celles observées les années précédentes, voire même supérieures pour les fonds de titrisation dont l’actif sous gestion a progressé de 22% à 17,15 milliards de dirhams. Une dynamique similaire est observée pour les OPCI et OPCC qui enregistrent une croissance à deux chiffres. L'actif net des OPCI a ainsi atteint 76 milliards de dirhams à fin octobre 2022, affichant une hausse de 32,53% depuis le début de l'année, avec une prépondérance des fonds réservés aux investisseurs qualifiés.
Parallèlement, l'actif des OPCC a également enregistré une progression de 16,73% à 2,69 milliards de dirhams sur la même période. En définitive, les gérants de portefeuille et les courtiers sont majoritairement optimistes quant à la préservation des niveaux actuels de performance en 2024. Toutefois, ils identifient certains facteurs potentiels de perturbation. Parmi ces risques, un développement imprévu dans la situation au Proche-Orient est souvent mentionné, de même qu’un dérapage inflationniste entrainant une hausse des prix de l’énergie. Ces événements pourraient contraindre les opérateurs à ajuster leurs stratégies de valorisation pour intégrer ces nouvelles variables.